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3. Sens Anagogique.

Le fens anagogique n'eft guère en ufage que lorsqu'il s'agit des diférens fens de l'Ecriture Sainte. Ce mot anagogique vient du grec ¿vaywyù, qui veut dire élévation: avà, dans la compofition des mots, fignifie fouvent au-deffus, en haut, aywy veut dire conduite; de yw, je conduis: ainfi le fens anagogique de l'Ecriture Sainte eft un fens myftique, qui élève l'efprit aux objets céleftes & divins de la vie éternele dont les Saints jouiffent dans le ciel.

Le fens literal eft le fondement des autres fens de l'Ecriture Sainte. Si les explications qu'on en done ont raport aux mœurs, c'eft le fens moral.

Si les explications des paffages de l'ancien Teftament regardent l'Eglife & les mystères de notre Religion par analogie ou reffemblance, c'eft le fens allégorique; ainfi le facrifice de l'agneau pafcal, le ferpent d'airain élevé dans le défert, étoient autant de figures du facrifice de la croix.

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Enfin, lorfque ces explications re gardent l'Eglife triomphante & la vie des bienheureux dans le ciel c'est le fens anagogique ; c'eft ainfi que le fabat des Juifs eft regardé come l'image du repos éternel des bienheureux. Ces diférens fens, qui ne font point le fens litéral, ni le fens moral s'apèlent auffi en général fens tropologique, c'eft-à-dire, fens figuré. Mais come je l'ai déjà remarqué, il faut fuivre dans le fens allégorique & dans le fens anagogique ce que la révélation nous en aprend, & s'apliquer fur-tout à l'intelligence du fens litéral, qui eft la règle infaillible de ce que nous devons croire & pratiquer pour être fauvés.

X.

DU SENS ADAPTÉ, ou que l'on done par allufion.

QUELQUEFOIS on fe fert des paro les de l'Ecriture Sainte ou de quelque auteur profane, pour en faire une

aplication particulière qui convient au fujet dont on veut parler, mais qui n'eft pas le fens naturel & literal de l'auteur dont on les emprunte, c'est ce qu'on apèle fenfus accommo• darijus, fens adapté.

Dans les panégyriques des Saints & dans les Qraifons funèbres, le texte du difcours eft pris ordinairement dans le fens dont nous parlons. M. Fléchier dans fon oraifon funèbre de M. de Turene, aplique à fon héros ce qui eft dit dans l'Ecriture à l'ocafion de Judas Machabée qui fut tué dans une bataille.

Le P. le Jeune de l'Oratoire, fameux miffionaire, s'apeloit Jean; il étoit devenu aveugle: il fut nomé pour prêcher le carême à Marseille aux Acoules; voici le texte de fon premier fermon: Fuit Joann. c. 1. homo miffus à Deo, cui nomen erat Joán. v. 6. nes; non erat ille lux, fed ut teftimonium perhibéret de lumine. On voit qu'il fesoit allufion à fon nom & à fon aveuglement,

Remarques fur quelques paffages adaptés à contre-fens.

Il y a quelques paffages des auteurs profanes qui font come paffés en pro

verbes, & auxquels on done comunément un fens détourné qui n'eft pas précisément le même fens que celui qu'ils ont dans l'auteur d'où ils font tirés en voici des exemples:

1. Quand on veut animer un jeune home à faire parade de ce qu'il fait, ou blâmer un favant de ce qu'il fe tient dans l'obfcurité on lui dit ce vers de Perfe:

Perf. Sat. I. Scire tuum nihil eft, nifi te fcire hoc sciat

v. 27.

alter?

Toute votre fcience n'eft rien, fi les autres ne favent pas combien vous êtes favant. La pensée de Perfe eft pourtant de blâmer ceux qui n'étu dient que pour faire enfuite parade de ce qu'ils favent. O tems! ô mœurs! s'écrie-t-il, eft-ce donc pour la gloire que vous páliffez fur les livres ! Quoi donc ? croyez-vous que la fcience n'eft à moins que les autres ne fao

rien,

chent que vous êtes favant?

Perf Sat. 1. En pallor, feniúmque : O mores! usque

v. 27.

adeóne

Scire tuum nihil eft, nifi te fcire hoc fciat

alter?

Il y a une interrogation & une furprife dans le texte, & l'on cite le vers dans un fens abfolu.

2. On dit d'un home. qui parle avec emphase, d'un ftyle empoulé & recherché, que

Prójicit ampúllas & sesquipedália verba : il jète, il fait fortir de fa bouche des paroles enflées & des mots d'un pié & demi. Cependant ce vers a un fens tout contraire dans Horace. » La tra»gédie, dit ce Poëte, ne s'exprime » pas toujours d'un ftyle pompeux & » élevé : Télèphe & Pelée, tous deux » pauvres, tous deux chaffés de leurs pays, ne doivent point recourir à » des termes enflés, ni fe fervir de

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grands mots il faut qu'ils faffent » parler leur douleur d'un ftyle fim»ple & naturel, s'ils veulent nous » toucher, & que nous nous intéref

fions à leur mauvaife fortune;"> ainfi projicit, dans Horace, veut dire il rejète.

Hor. Art Poët. v. 97.

Hor. Art

Et trájicus plerúmque dolet fermóne pedéstri Télephus & Peleus, cum pauper & exul Poët.v. 97. utérque

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