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feu brûle, la lumière nous éclaire, tous ces mots là font dans le fens propre.

Mais quand un mot eft pris dans un autre fens, il paroît alors, pour ainfi dire, fous une forme empruntée, fous une figure qui n'eft pas fa figure naturèle, c'est-à-dire, celle qu'il a eue d'abord; alors on dit que ce mot eft au figuré; par exemple: Le feu de vos yeux, le feu de l'ima gination, la lumière de l'efprit, la clarté d'un difcours.

Mafque dans le fens propre, figni

fie une forte de couverture de toile cirée ou de quelque autre matière, qu'on fe met fur le vifage pour fe déguiser ou pour fe garantir des injures de l'air. Ce n'eft point dans ce fens propre que Malherbe prenoit le mot de mafque, lorfqu'il difoit qu'à la Cour il y avoit plus de mafques que de vifages: mafques eft là dans un fens figuré, & fe prend pour perfones diffimulées, pour ceux qui cachent leurs véritables fentimens , qui se démontent, pour ainfi dïre, le vifage, & prènent des mines propres

marquer une fituation d'efprit & de cœur toute autre que celle où ils font éfectivement.

Ce mot voix, (vox ) a été d'abord établi pour fignifier le fon qui fort de la bouche des animaux, & fur-tout de la bouche des homes. On dit d'un home, qu'il a la voix mâle ou fémi nine, douce ou rude, claire ou enrouée, foible ou forte, enfin aigue flexible, grêle, caffée, &c. En toutes ces occafions, voix eft pris dans le fens propre, c'eft-à-dire, dans le fens pour lequel ce mot a été d'abord établi mais quand on dit que le menfonge ne fauroit étoufer la voix de la vérité dans le fond de nos cœurs, alors voix eft au figuré, il fe prend pour inspiration intérieure, remords, &c. On dit auffi que tant que le Peuple Juif écouta la voix de Dieu, c'est-àdire, tant qu'il obéit à fes commandemens, il en fut affifté. Les brebis entendent la voix du Pasteur, on ne veut pas dire feulement qu'elles reconoif fent fa voix, & la diftinguent de la voix d'un autre home, ce qui feroit le fens propre ; on veut marquer pring

cipalement qu'elles lui obéiffent, ce qui eft le fens figuré. La voix du fang, la voix de la nature, c'est-à-dire, les mouvemens intérieurs que nous reffentons à l'occafion de quelque accident arrivé à un parent, &c. La voix du peuple eft la voix de Dieu, c'eftà-dire, que le fentiment du peuple, dans les matières qui font de fon reffort, eft le véritable senti.

ment.

C'eft par la voix qu'on dit fon avis dans les délibérations, dans les élections, dans les affemblées où il s'agit de juger; enfuite, par extenfion, on a apelé voix, le fentiment d'un particulier, d'un Juge; ainfi en ce fens, voix fignifie avis, opinion, fufrage, il a eu toutes les voix, c'est-à-dire, tous les fufrages; briguer les voix, la pluralité des voix; il vaudroit mieux, s'il étoit poffible, pefer les voix que de les compter, c'est-à-dire, qu'il vaudroit mieux fuivre l'avis de ceux qui font les plus favans & les plus fenfés, que de fe laiffer entraîner au fentiment aveugle du plus grand nombre.

Voix fignifie auffi dans un sens étendu, gémissement, prière. Dieu a écouté la voix de fon peuple, &c.

Tous ces diférens fens du mot voix qui ne font pas précisément le premier fens, qui feul eft le fens profont autant de fens figurés.

pre,

ARTICLE

VII.

Réflexions générales fur le Sens Figure.

1.

Origine du Sens Figuré.

LA liaison qu'il y a entre les idées

acceffoires, je veux dire, entre les idées qui ont raport les unes aux autres, eft la fource & le principe des divers fens figurés que l'on done aux mots. Les objets qui font fur nous des impreffions, font toujours acompagnés de diférentes circonftances qui nous frapent, & par lefquelles nous défignons fouvent, ou les objets mêmes qu'elles n'ont fait qu'acompagner, ou ceux dont elles nous réveillent le fouvenir. Le nom pro

pre de l'idée acceffoire eft fouvent plus préfent à l'imagination que le nom de l'idée principale, & fou. vent auffi ces idées acceffoires, défignant les objets avec plus de circonftances que ne feroient les noms propres de ces objets, les peignent ou avec plus d'énergie, ou avec plus d'agrément. De là le figne pour la chofe fignifiée, la caufe pour l'éfet, la partie pour le tout, l'antécédent pour le conféquent, & les autres tropes dont je parlerai dans la fuite. Come l'une de ces idées ne fauroit être réveillée fans exciter l'autre, il arrive que l'expreffion figurée eft auffi facilement entendue que fi l'on fe fervoit du mot propre; elle eft même ordinairement plus vive & plus agréable quand elle eft employée à propos, parce qu'elle réveille plus d'une image; elle attache ou amule l'imagination & done aifément à deviner à l'esprit.

I I.

Ufages ou éfets des Tropes.

1. Un des plus fréquens ufages des

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