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Auguft Gen.

1 X.

SENS LITERAL, SENS
SPIRITUEL.

LE fens litéral eft celui

E fens literal eft celui que les mots excitent d'abord dans l'efprit de ceux qui entendent une langue, c'eft le fens qui fe préfente naturèlement à l'efprit. Entendre une expreffion litéralement, c'est la prendre au pié de la lettre. Qua dicta funt fecundum lit6.2.tom. III, teram`accipere, id eft, non áliter intelligere quàm litterà fonat; c'eft le fens que les paroles fignifient immédiatement, is quem verba immédiatè fignificant,

ad lit. lib 3.

Le fens fpirituel, eft celui que le fens litéral renferme, il eft enté, pour ainfi dire, fur le fens litéral; c'eft celui que les chofes fignifiées par le fens litéral font naître dans l'efprit. Ainfi dans les paraboles, dans les fables, dans les allégories, il y a d'abord un fens literal: on dit, par exemple, qu'un loup & un agneau

vinrent boire à un même ruiffeau : que le loup ayant cherché querèle à l'agneau, il le dévora. Si vous vous atachez fimplement à la lettre, vous ne verrez dans ces paroles qu'une fimple aventure arivée à deux animaux; mais cette narration a un autre objet; on a deffein de vous faire voir que les foibles font quelquefois oprimés par ceux qui font plus puiffans ; & voilà le fens fpirituel, qui eft toujours fondé fur le fens litéral.

Divifion du fens litéral.

Le fens literal eft donc de deux fortes :

c'est

1. Il y a un fens litéral rigoureux; c'eft le fens propre d'un mot la lettre prife à la rigueur, ftrictè.

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2. La feconde espèce de fens litéral c'est celui que les expreffions figurées dont nous avons parlé préfentent naturèlement à l'efprit de ceux qui entendent bien une langue, c'est un fens literal-figuré; par exemple, quand on dit d'un politique qu'il sème à propos la divifion entre fes propres énemis; femer ne fe doit pas entendre à la

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rigueur felon le fens propre, & de la même manière qu'on dit femer du blé: mais ce mot ne laiffe pas d'avoir un fens litéral, qui eft un fens figuré qui fe préfente naturèlement à l'efprit. La lettre ne doit pas toujours être prife à la rigueur, elle tue dit S. 2. Cor. 3. Paul. On ne doit point exclure toute fignification métaphorique & figurée. Il faut bien fe garder, dit S. Auguftin, * de prendre à la lettre une façon de parler figurée, & c'est à cela qu'il faut apliquer ce paffage de S. Paul, la lettre tue, & l'efprit done la vie.

v. 6.

Il faut s'atacher au fens que les mots excitent naturèlement dans no. tre esprit, quand nous ne fomes point prévenus, & que nous fomes dans l'état tranquile de la raifon voilà le véritable fens litéral-figuré, c'est ce. lui-là qu'il faut doner aux loix, aux canons, aux textes des coutumes, & même, à l'Ecriture Sainte.

*In princípio cavéndum eft ne figurátam focutiónem ad literam accipias ; & ad hoc enim pertinet quod ait Apóftolus, litera occidit, fpiritus autem vivificat. Augufl. de Doctr. Chrift. 1. 3. c. 5. t. III. Parifiis 1685.

'Quand J. C. a dit que celui qui Luc. c. 9. v. met la main à la charue, & qui re- 62. garde derrière lui; n'eft point propre pour le Royaume de Dieu; on voit bien qu'il n'a pas voulu dire qu'un laboureur qui en travaillant tourne quelquefois la tête, n'eft pas propre, pour le ciel le vrai fens que ces paroles préfentent naturèlement à l'ef prit, c'est que ceux qui ont comencé à mener une vie chrétiène, & à être. les difciples de Jefus-Chrift, ne doivent pas changer de conduite, ni de doctrine, s'ils veulent être fauvés ; c'est donc là un fens litéral figuré. 11 en eft de même de ces autres paffages de l'Evangile, où J. C. dit, * Matt. c. de préfenter la joue gauche à celui 5. v. 39. qui nous a frapé fur la droite, ** de ** Ibid. v. s'aracher la main ou l'œil qui eft un 29. 30. . fujet de fcandale; il faut entendre ces paroles de la même manière qu'on entend toutes les expreffions, métaphoriques & figurées ce ne feroit pas leur doner leur vrai fens, que de les entendre felon le fens litéral pris à la rigueur; elles doivent être entendues felon la feconde forte de fens

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*

litéral qui réduit toutes ces façons de parler figurées à leur jufte valeur, c'eft-à-dire, au fens qu'elles avoient, dans l'efprit de celui qui a parlé, & qu'elles excitent dans l'efprit de ceux qui entendent la langue ou l'expreffion figurée & autorifée par l'ufage. » Lorfque nous donons au blé le nom » de Cérès, dit Cicéron, & au vin le » nom de Bacchus, nous nous fervons » d'une façon de parler ufitée en no» tre langue, & perfone n'eft affez » dépourvu de fens pour prendre ces » paroles à la rigueur de la lettre.

On fe fert dans toutes les nations policées, de certaines expreffions ou formules de politeffe, qui ne doivent point être prifes dans le fens litéral étroit. J'ai l'honeur de.... Je vous baife les mains: Je fuis votre trèshumble & très-obéiffant ferviteur. Cette dernière façon de parler, dont on fe fert pour finir les lettres, n'eft jamais

* Cùm fruges Cérerem, vinum Liberum dícimus, génere nos quidem fermónis útimur ufitáto : fed ecquem tam améntem effe putas qui &c. Cic. de Nat. Deor. I. 3. n. 41. aliter

XVI.

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