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Au refte, les fautes qui regardent les mots, ne font pas celles que l'on doit remarquer avec le plus de foin: il est bien plus utile d'obferver celles qui pèchent contre la conduite, contre la jufteffe du raifonement , con. tre la probité, la droiture & les bones mœurs. Il feroit à fouhaiter que les exemples de ces dernières fortes de fautes fuffent moins rares, ou plu tôt qu'ils fuffent inconus.

TROISIÈME PARTIE.

Des autres fens dans lefquels un même mot peut être employé dans le difcours.

Ov UTRE les tropes dont nous venons de parler, & dont les Gram❤ mairiens & les Rhéteurs traitent ordinairement, il y a encore d'autres fens dans lefquels les mots peuvent être employés, & ces fens font la plûpart autant d'autres diférentes fortes de tropes il me paroît qu'il eft très-utile de les conoître pour mettre de l'ordre dans les penfées, pour rendre raison du difcours, & pour bien entendre les auteurs. C'eft ce qui va faire la matière de cette troi, fième partie.

I.

Subftantifs pris adjectivement, Adjectifs pris fubftantivement, Subftantifs & Adjectifs pris adverbialement.

UN

N nom fubftantif fe prend quelquefois adjectivement, c'eft-à-dire, dans le fens d'un atribut; par exemple: Un père est toujours père, cela veut dire qu'un père est toujours tendre pour fes enfans, & que malgré les mauvais procédés, il a tou jours des fentimens de père à leur égard; alors ces fubftantifs fe conftruifent come de véritables adjec tifs, » Dieu eft notre reffource, no» tre lumière, notre vie, notre fou» tien notre tout. L'home n'eft » qu'un néant. Etes-vous Prince ? » Etes-vous Roi ? Etes-vous Avo» cat? » Alors Prince, Roi, Avocat, font adjectifs.

?

Cette remarque fert à décider la queftion que font les Grammairiens,

favoir

favoir fi ces mots Roi, Reine, Père, Mère, &c. font fubftantifs ou adjectifs ils font l'un & l'autre, fuivant l'ufage qu'on en fait. Quand ils font le fujet de la propofition, ils font pris fubftantivement; quand ils font l'atribut de la propofition, ils font pris adjectivement. Quand je dis le Roi aime le peuple, la Reine a de la piété Roi, Reine, font des fubftantifs qui marquent un tel Roi & une telle Reine en particulier; ou, come parlent les Philofophes, ces mots marquent alors un individu qui est le Roi mais quand je dis que Louis quinze eft Roi, Roi eft pris alors adjectivement; je dis de Louis qu'il eft revêtu de la puiffance royale.

Il y a quelques noms fubftantifs latins qui font quelquefois pris adjectivement, par métonymie, par fynecdoque ou par antonomafe. Scelus, crime, fe dit d'un fcélérat, d'un home qui eft, pour ainfi dire, le crime même: Scelus quemnam hic *Ter. And, laudat?* Le scélérat de qui parle-t-il? act. 5. fc. Ubi illic eft fcelus qui me perdidit ? ** v. 3; Où eft ce fcélérat qui m'a perdu? où 3. fc, 5, V, I,

M

** Ib. act.

Vous voyez que fcelus fe conftruit avec illic qui eft un mafculin; car felon les anciens Grammairiens, on difoit autrefois illic, illac, illuc, au lieu de ille, illa, illud: la construction fe fait alors felon le fens, c'eft-à-dire, par raport à la perfone dont on parle, & non felon le mot qui eft neutre.

Carcer, prifon, fe dit auffi par métonymie, de celui qui mérite la priTer. Phorm. fon. Aintandem carcer? Que dis-tu att. 2. fc. 3. malheureux ? C'eft peut être dans le même fens qu'Enée, dans Virgile, par

V. 26.

lant des Grecs à l'ocafion de la fourbeAn. 2.v.65. rie de Sinon, dit, & crimine ab uno difce omnes, Ce que nous ne faurions rendre en françois en confervant le même tour, un seul fourbe, une feute de leurs fourberies, vous fera conoître le caractère de tous les Grecs. Térence Phorm. a&t. a dit unum cognóris, omnes nôris. 2. fc. I. v.

35.

Noxa, a, eft un fubftantif, qui dans le fens propre fignifie faute, peine, domage de nocére. Il eft dit dans les Inftituts de Juftinien, que ce mot fe prend auffi pour l'efclave même qui Enftit. 1. 4. a fait le domage. Noxa autem eft ipTa. S.§. 1. fum corpus quod nócuit, id eft, fervus

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