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jet, parce qu'il eft obfçur; l'antiphrafe ne fatisfait pas l'efprit.

Malgré les mauvaises qualités des objets, les anciens qui perfonifioient tout, leur donoient quelquefois des noms flateurs, come pour fe les rendre favorables, ou pour fe faire un bon augure, un bon présage.

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Ainfi c'étoit par euphémifme, par fuperftition, & non par antiphrase, que ceux qui aloient à la mer que nous apelons aujourd'hui la mer noire la nomoient mer hospitalière, c'est-àdire, mer qui ne nous fera point funefte, qui nous fera propice, où nous ferons bien reçus, mer qui fera pour nous une mer hofpitalière, quoiqu'elle foit comunément pour les autres une mer funefte.

Les trois Déeffes infernales, filles de l'Erèbe & de la Nuit, qui, felon la fable, filent la trame de nos jours, étoient apelées les Parques : de l'adjectif parcus, quia parçè nobis vitam tribuunt. Chacun trouve qu'elles ne lui filent pas affez de jours. D'autres difent qu'elles ont été ainfi apelées, parce que leurs fonctions font par

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tagées; Parca quafi partita.

Clotho colum rétinet, Láchefis net, & Atro pos occat.

Ce n'eft donc point par antiphrase, quia nemini parcunt, qu'elles ont été apelées Parques. /

Les Furies, Alecto, Tifiphone & Mégère, ont été apelées Euménides, sus du grec eumeneis, benèvola, douces, bienfaifantes. La comune opinion est que ce nom ne leur fut doné qu'après qu'elles eurent ceffé de tourmenter Örefte qui avoit tué fa mère. Ce prince fut, dit-on, le premier qui les apela Euménides. Ce fentiment eft adopté par le P. Sanadon. D’autres prétendent que les Furies étoient Poëfies apelées Euménides long-tems avant d'Horace, qu'Orefte vînt au monde : mais d'ailT. 1. p. 458 leurs cette aventure d'Orefte eft remplie de tant de circonftances fabuleufes, que j'aime mieux croire qu'on a apelé les Furies Euménides par euphémifme, pour fe les rendre favorables. C'eft ainfi qu'on traite tous les jours de bones & de bienfefantes les perfones les plus aigres & les plus

dificiles dont on veut apaifer l'emportement, ou obtenir quelque bienfait.

On dit encore qu'un bois facré eft apelé lucus, par antiphrase; car ces bois étoient fort fombres, & lucus vient de lucére, tuire mais fi lucus vient de lucére, c'eft par une raifon contraire à l'antiphrafe; car come il n'étoit pas permis, par refpect de couper de ces bois, ils étoient fort épais, & par conféquent fort fombres ainfi le befoin autant que la fuperftition, avoit introduit l'ufage d'y alumer des flam

beaux.

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Manes les manes, c'est-à-dire, les ames des morts & dans un fens plus étendu, les habitans des enfers, eft encore un mot qui a doné lieu à l'antiphrafe. Ce mot vient de Feftus, v. l'ancien adjectif manus * dont on Manare,mafe fervoit au lieu de bonus. Ceux qui ne. prioient les manes, les apeloient Nonius, c. 1, c, ainfi pour fe les rendre favorables. 337. Vos é mihi manes efte boni; c'eft ce lat. l. 5, iniVarr.deling. que Virgile fait dire à Turnus. Ainfi tio. tous les exemples dont on prétend Virg. Æn. Kij 13. v. 647.

n.

,

περίφρασις.

tio. περὶ, cir

autorifer l'antiphrafe, fe raportent, ou à l'euphémifme, ou à l'ironie ; come quand on dit à Paris, c'est une muète des hales, c'eft-à-dire, une femme qui chante pouilles, une vraie harangère des hales; muète eft dit alors par ironie.

XVII.

LA PÉRIPHRASE.

Q UINTILIEN met la Périphrafe Circumlocú- au rang des tropes; en éfet, puifque cum. de les tropes tiènent la place des expreffions propres, la périphrase est un trope, car la périphrase tient la place, ou d'un mot ou d'une phrafe.

dico,

Nous avons expliqué dans la première partie de cette Grammaire, ce que c'étoit qu'une phrafe : c'est une expreffion, une manière de par

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Plúribus autem verbis cùm id quod uno aut paucióribus certè, dici poteft, explicátur, Tegiogao vocant, circuitum loquéndi, Quint, Inft. Or, 1. vi. c. 6. de Tropis,

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ler, un arangement de mots, qui fait un fens fini ou non fini.

La périphrafe ou circonlocution eft un' affemblage de mots qui expriment en plufieurs paroles ce qu'on auroit pu dire en moins, & fouvent en un feul mot; par exemple: le vainqueur de Darius, au lieu de dire, Alexandre: l'aftre du jour, pour dire le foleil.

On fe fert de périphrafes, ou par bienséance, ou pour un plus grand éclairciffement, ou pour l'ornement du difcours, ou enfin par néceffité.

1. Par bienféance, lorfqu'on a recours à la périphrafe, pour enveloper les idées baffes ou peu honêtes. Souvent auffi, au lieu de fe fervir d'une expreffion, qui exciteroit une image trop dure, on l'adoucit par une périphrafe, come nous l'avons remarqué dans l'euphémifme.

2. On fe fert auffi de périphrafe pour éclaircir ce qui eft obfcur, les définitions font autant de périphra-' fes; come lorfqu'au lieu de dire les, Parques on dit, les trois Déeffes infernales, qui felon la fable, filent la trame de nos jours.

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