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Le traité des Tropes eft du reffort de la Grammaire. On doit conoître les Tropes pour bien entendre les Auteurs, & pour avoir des conoif Jances exactes dans l'art de parler & d'écrire.

Au reste ce traité me paroît être une partie effentièle de la Grammaire; puifqu'il eft du reffort de la Grammaire de faire entendre la vé ritable fignification des mots, & en quel fens ils font employés dans le difcours,

Il n'eft pas poffible de bien expliquer l'Auteur même le plus facile fans avoir recours aux conoiffances dont je parle ici. Les livres que l'on met d'abord entre les mains des començans, auffi - bien que les autres livres, font pleins de mots pris dans des fens détournés & éloignés de la première fignification de ces mots; par exemple;

Tityre, tu patulæ, recubans fub tégmine Virg. Ecl.

fagi,

Sylvéftrem, tenui, mufam meditáris avénâ.

Vous méditez une Mufe, c'est-àdire, une chanfon, vous vous exercez à chanter. Les Mufes étoient regar dées dans le Paganisme come les Déeffes qui infpiroient les Poëtes & les Muficiens: ainfi Mufe fe prend ici pour la chanfon même, c'eft la caufe pour l'éfet; c'eft une métony, mie particulière, qui étoit en ufage en latin; nous l'expliquerons dans la fuite,

Avéna dans le fens propre, veut dire de l'Aveine: mais parce que les Bergers fe fervirent de petits tuyaux de blé ou d'aveine pour en faire une forte de flûte, come font encore les enfans à la campagne ; de là par extenfion on a apelé avena un chalu, meau, une flûte de Berger,

On trouve un grand nombre de çes fortes de figures dans le Nouveau Teftament, dans l'Imitation de J. C. dans les fables de Phèdre, en un mot, dans les livres mêmes qui font

I. Y. Ię

tion.

écrits le plus fimplement, & par lef quels on comence : ainfi je demeure toujours convaincu que cette partie n'eft point étrangère à la Grammaire, & qu'un Grammairien doit avoir unę conoiffance détaillée des tropes. Réponse à Je conviens, fi l'on veut, qu'on une objec- peut bien parler fans jamais avoir apris les noms particuliers de ces figures. Combien de perfones fe fervent d'expreffions métaphoriques fans favoir précisément ce que c'est que métaphore? C'eft ainfi qu'il y Molière avoit plus de 40, ans que le BourBourg geois-Gentilhome difoit de la Profe 1. fc. 4. fans qu'il en fût rien. Ces conoiffances ne font d'aucun ufage pour faire un compte, ni pour bien conduire une maifon, come dit Me. Jourdain, mais elles font utiles & néceffaires à ceux qui ont besoin de l'art de parler & d'écrire; elles mettent de l'ordre dans les idées qu'on fe forme des mots; elles fervent à démêler le vrai fens des paroles, à rendre raifon du difcours, & donent de la précision & de la jufteffe.

"Gentil. act.

Ibid. at. 11. fc. 3.

Les Sciences & les Arts ne font

que

per

que des obfervations fur la pratique : l'ufage & la pratique ont précédé tou tes les fciences & tous les arts; mais les fciences & les arts ont enfuite fectioné la pratique. Si Molière n'avoit pas étudié lui-même les obfervations détaillées de l'art de parler & d'écrire, fes pièces n'auroient été que des pièces informes, où le génie, à la vérité, auroit paru quelquefois, mais qu'on auroit renvoyées à l'enfance de la Comédie: fes talens ont été perfectionnés par les obfervations, & c'eft l'art même qui lui a apris à faifir le ridicule d'un art déplacé.

On voit tous les jours des perfones qui chantent agréablement, fans conoître les notes, les clés, ni les règles de la Mufique, elles ont chanté pendant bien des années des fol & des fa, fans le favoir; faut-il pour cela qu'elles rejètent les fecours qu'elles peuvent tirer de la Mufique, pour perfectioner leur talent?

Nos pères ont vêcu fans conoître la circulation du fang; faut-il négliger la conoiffance de l'Anatomie ? & ne faut-il plus étudier la Physique,

B

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parce qu'on a refpiré pendant pluheurs fiècles fans favoir que l'air eût de la pefanteur & de l'élafticité ? Tout a fon tems & fes ufages, & Molière nous déclare dans fes préfa ces, qu'il ne fe moque que des abus & du ridicule.

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Sens Propre, Sens Figuré.

AVANT VANT que d'entrer dans le détail de chaque Trope, il eft néceffaire de bien comprendre la diférence qu'il y a entre le fens propre & le fens figuré:

Un mot eft employé dans le dif cours, ou dans le fens propre, ou en général dans un fens figuré, quel que puiffe être le nom que les Rhéteurs donent enfuite à ce fens figuré.

Le fens propre d'un mot, c'eft la première fignification du mot. Un mot eft pris dans le fens propre, lorfqu'il fignifie ce pourquoi il a été premiérement établi; par exemple: Le

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