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Horace.

la

ne tire fes beautés que des figures: Nous avons plufieurs exemples en tout genre d'écrire où toute beauté confifte dans la pensée exprimée fans figure. Le père des trois Horaces ne fachant point encore le motif de la fuite de fon fils, apprend avec douleur qu'il n'a pas réfifté aux trois Curiaces.

Corneille. * Que vouliez vous qu'il fit contre trois lui dit Julie, Qu'il mourût répond le père.

Aa. 111.

Se. 3.

* Id. Nico.

IV. Sc. 3.

*Dans une autre tragédie de Cor

mède. A. neille, Prufias dit qu'en une occafion dont il s'agit, il veut fe conduire en père, en mari. Ne foyez ni l'un ni l'autre, lui dit Nicomède :

PRUSIAS.

Et que dois-je être ?

NICOMEDE.

Roi,

Il n'y a point là de figure, & il y a cependant beaucoup de fublime dans ce feul mot: voici un exemple plus fimple.

Malherbe. En vain pour fatisfaire à nos lâches envies, L. 7. Para- Nous paffons près des Rois tout le tems de phr. du Pf

CXLV.

nos vies,

A fouffrir des mépris, à ployer les genoux: Ce qu'il peuvent n'eft rien ; ils font ce que nous fomes,

Véritablement homes,

Et meurent come nous.

on

Je pourois raporter un grand nombre d'exemples pareils, énoncés fans figure, & dont la penfée feule fait le prix. Ainfi, quand on dit que les figures embéliffent le difcours veut dire feulement, que dans les ocafions où les figures ne feroient point déplacées, le même fonds de pensée fera exprimé d'une manière ou plus vive ou plus noble, ou plus agréable par le fecours des figures, que fi on l'exprimoit fans figure.

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De tout ce que je viens de dire on peut former cette définition des figures: LES FIGURES font des manières de parler diftinctement des autres par une modification particulière, qui fait qu'on les réduit chacune à une espèce à part, & qui les rend, ou plus vives, ou plus nobles, ou plus agréables que les manières de parler, qui expriment le même fonds

Σχήμα, ατος,

bit, attitude.

de pensée, fans avoir d'autre modifi cation particulière.

ARTICLE II.

Divifion des Figures.

ON divife les figures en figures de

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*

forme, ha penfées, figúra fententiárum, Schémata; & en figures de mots, figura verborum. Il y a cette diférence, dit Cicéron entre les figures de pensées & les figures de mots, que les figures de pensées dépendent uniquement du tour de l'imagination; elles ne confiftent que dans la manière particulière de penfer ou de fentir, enforte que la fi gure demeure toujours la même quoiqu'on viène à changer les mots qui l'expriment. De quelque manière que M. Flêchier eût fait parler M,

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* Inter conformatiónem verborum & Sententiárum hoc íntereft, quòd verborum tóllifi verba mutáris, fententiárum pérmanet, quibufcúmque verbis uti velis. Cic. de Orat. L. III. n. 201. aliter LII.

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de Montaufier dans la profopopée que j'ai raportée ci-deffus, il auroit fait une profopopée. Au contraire les figures de mots font telles que fi vous changez les paroles, la figure s'évanouit; par exemple, lorfque parlant d'une armée navale, je dis qu'elle étoit compofée de cent voiles ; c'est une figure de mots dont nous parlerons dans la fuite; voiles eft là pour vaiffeaux que fi je fubftitue le mot de vaiffeaux à celui de voiles, j'exprime également ma penfée; mais il n'y a plus de figure.

IL

ARTICLE III.

Divifion des figures de mots.

Ly a quatre diférentes fortes de figures qui regardent les mots.

1o. Celles que les Grammairiens apèlent figures de diction: elles regardent les changemens qui arivent dans les lettres ou dans les fyllabes des mots; telle eft, par exemple la fyncope, c'est le retranchement

K. 21.

d'une lettre ou d'une fyllabe au milieu d'un mot, fcuta virum pour virórum.

2o. Celles qui regardent uniquement la construction; par exemple, L. 1. Od. 37. lorfqu'Horace parlant de Cléopatre, dit monftrum, quæ... nous difons en françois la plupart des homes difent, & non pas dit. On fait alors la conftruction felon le fens. Cette figure. s'apèle fyllepfe. J'ai traité ailleurs de ces fortes de figures, ainfi je n'en parlerai point ici.

3. Il y a quelques figures de mots, dans lesquelles les mots confervent leur fignification propre, telle eft la répétition, &c. C'eft aux Rhéteurs à parler de ces fortes de figures, auffi bien que des figures: de penfées. Dans les unes & dans les autres, la figure ne confifte point dans le changement de fignification des mots, ainfi elles ne font point de mon fujet.

4°. Enfin il y a des figures de mots qu'on apèle Tropes; les mots prènent par ces figures des fignifications diférentes de leur fignification propre.

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