Chemin faisant, il vit le cou du chien pelé : Qu'est-ce là? lui dit-il. = Rien. = Quoì! rien != Peu de chose. =
Le collier dont je suis attaché De ce que vous voyez est peut-être la cause. Attaché! dit le loup: vous ne courez donc pas
Où vous voulez? = Pas toujours: mais qu'importe? =
Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrois pas même à ce prix un trésor. Cela dit, maître loup s'enfuit, et court encor.
VI. La Génisse, la Chevre et la Brebis, en société avec le Lion.
La génisse, la chevre, et leur sœur la brebiș,
Avec un fier lion, seigneur du voisinage, Firent société, dit-on, au temps jadis,
Et mirent en commun le gain et le dommage. Dans les lacs de la chevre un cerf se trouva pris. Vers ses associés aussitôt elle envoie.
Eux venus, le lion par ses ongles compta; Et dit: Nous sommes quatre à partager la proie Puis en autant de parts le cerf il dépeça ; Prit pour lui la premiere en qualité de sire: Elle doit être à moi, dit-il; et la raison, C'est que je m'appelle lion:
A cela l'on n'a rien à dire.
La seconde, par droit, me doit échoir encor : Ce droit, vous le savez, c'est le droit du plus fort. Comme le plus vaillant, je prétends la troisieme. Si quelqu'une de vous touche à la quatrieme, Je l'étranglerai tout d'abord.
JUPITER dit un jour : Que tout ce qui respire
S'en vienne comparoître aux pieds de ma grandeur Si dans son composé quelqu'un trouve à redire, Il peut le déclarer sans peur;
Je mettrai remede à la chose.
Venez, singe; parlez le premier, et pour cause : Voyez ces animaux, faites comparaison
De leurs beautés avec les vôtres.
Etes-vous satisfait? Moi! dit-il; pourquoi non? N'ai-je pas quatre pieds aussi-bien que les autres? Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché : Mais pour mon frere l'ours, on ne l'a qu'ébauché; Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre. L'ours venant là-dessus, on crut qu'il s'alloit plaindre. Tant s'en faut de sa forme il se loua très fort; Glosa sur l'éléphant, dit qu'on pourroit encor Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles ; Que c'étoit une masse informe et sans beauté. L'éléphant étant écouté,
Tout sage qu'il étoit, dit des choses pareilles : Il jugea qu'à son appétit Dame baleine étoit trop grosse.
Dame fourmi trouva le ciron trop petit, Se croyant, pour elle, un colosse. Jupin les renvoya s'étant censurés tous,
Du reste, contents d'eux. Mais parmi les plus fous Notre espece excella; car tout ce que nous sommes, Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous, Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hom:
On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain.
Nous créa besaciers tous de même maniere, Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui: Il fit pour nos défauts la poche de derriere,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui.
VIII. L'Hirondelle et les petits Oiseaux.
UNE hirondelle en ses voyages
Avoit beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu Peut avoir beaucoup retenu.
Celle-ci prévoyoit jusqu'aux moindres Et, devant qu'ils fussent éclos, Les annonçoit aux matelots.
Il arriva qu'au temps que la chanvre se seme Elle vit un manant en couvrir maints sillons. Ceci ne me plaît pas,
Je vous plains; car, pour moi, dans ce péril extrême, Je saurai m'éloigner, ou vivre en quelque coin. Voyez-vous cette main qui par les airs chemine? Un jour viendra, qui n'est pas loin,
Que ce qu'elle répand sera votre ruine. De là naîtront engins à vous envelopper, Et lacets pour vous attraper, Enfin mainte et mainte machine Qui causera dans la saison
Votre mort ou votre prison: Gare la cage ou le chaudron! C'est pourquoi, leur dit l'hirondelle, Mangez ce grain; et croyez-moi. Les oiseaux se moquerent d'elle: Ils trouvoient aux champs trop de quoi. Quand la cheneviere fut verte,
L'hirondelle leur dit : Arrachez brin à brin Ce qu'a produit ce maudit grain; sûrs de votre perte.
Prophete de malheur ! babillarde! dit-on, Le bel emploi que tu nous donnes! Il nous faudroit mille personnes Pour éplucher tout ce canton. La chanvre étant tout-à-fait crûe, L'hirondelle ajouta : Ceci ne va pas bien; Mauvaise graine est tôt venue.
Mais, puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rieu, Dès que vous verrez que la terre Sera couverte, et qu'à leurs blés Les gens n'étant plus occupés Feront aux oisillons la guerre, Quand reginglettes et réseaux Attraperont petits oiseaux,
Ne volez plus de place en place, Demeurez au logis; ou changez de climat, Imitez le canard, la grue, et la bécasse. Mais vous n'êtes pas en état
passer, comme nous, les déserts et les ondes, Ni d'aller chercher d'autres mondes:
est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit sûr; C'est de vous renfermer aux trous de quelque mur. Les oisillons, las de l'entendre,
Se mirent à jaser aussi confusément
Que faisoient les Troyens quand la pauvre Cassandre Ouvroit la bouche seulement.
Il en prit aux uns comme aux autres :
Maint oisillon se vit esclave retenu.
Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les
Et ne croyons le mal que quand il est venu.
IX. Le Rat de ville et le Rat des champs.
AUTREFOIS le rat de ville
Invita le rat des champs, D'une façon fort civile, A des reliefs d'ortolans.
Sur un tapis de Turquie Le couvert se trouva mis. Je laisse à penser la vie Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête ; Rien ne manquoit au festin: Mais quelqu'un troubla la fête Pendant qu'ils étoient en train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit : Le rat de ville détale; Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire: Rats en campagne aussitôt ; Et le citadin de dire : Achevons tout notre rôt.
C'est assez, dit le rustique :
Demain vous viendrez chez moi, Ce n'est pas que je me pique De tous vos festins de roi :
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