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Un Vindicatif tâche d'oublier l'offence qu'on lui a faite, & fait fes efforts pour donner des bornes à fa Paffion, parce qu'il attend la récompenfe des foins qu'il prend pour arrêter les mouvemens qui portent à la vengeance. Enfin tout Homme qui croit l'immortalité de l'Ame a un but bien plus attrayant, que celui qui ne vife qu'à une vertu humaine, & qui ne travaille que pour un moment.

MAIS, dira-t-on, nous voyons plufieurs Perfonnes qui croyent l'immortalité de l'Ame, & qui cependant ne penfent point à dompter leurs Paffions. Je réponds que parmi les Gens qui difent être perfuadés de l'immortalité de l'Ame, il y en a beaucoup, qui en étant foiblement convaincus, cherchent à en douter. Leur mauvaise 'conduite les anime à cultiver & à fomenter leurs doutes. Il y en a d'autres qui s'étourdiffent, & qui cherchent à étouffer les remords dont ils font déchirés. Enfin il y en a quelques uns en qui la raison agit fi foiblement, que les fecours qu'on retire de la croyance de l'immortalité de l'Ame leur font moins utiles qu'aux autres. Mais, parce que certains Malades ne fe ferviroient point par entêtement, par caprice d'un remède excellent, &

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qui feroit très propre à les guérir, faudroit-il conclure que ce remède ne vaut rien, & qu'on doit lui préferer un autre beaucoup plus foible & plus incertain?

LES Gens qui nient l'immortalité de l'Ame, n'ont que le fecours de la Vertu humaine pour vaincre les Paffions. Ceux qui admettent une autre Vie ont ce même fecours, & y joignent encore l'efpérance d'une Vie éternelle & heureuse. Je ne vois à cela aucune réponse, & je ne me figure pas qu'on en puiffe faire.

Je crois vous avoir ouï dire, en lifant ma Lettre, que je deviens tous les jours plus dévote. Non: je tâche de devenir plus raifonnable, & de munir mon efprit & mon cœur contre les progrès que fait l'incrédulité dans notre Siècle. Je cher che à trouver en moi des reffources pour n'être point ébranlée par les Difcours & par les Ecrits de cette Secte d'Hommes téméraires, qui employent leur génie à élever les fondemens du Matérialisme & de l'Athéifme fur les ruines des vérités fondamentales de la Religion naturelle. Ces Hommes devroient être également odieux à tous les honnêtes Gens, de quelque Religion qu'ils foient; puisque le Turc, le Socinien, l'Arien, le Payen même, ne

font

font pas moins intéreffés à la deffence de la divinité & de l'immortalité de l'Ame, que le Catholique, le Luthérien, & le Calvinifte. Je dis plus: c'eft que tout bon Citoyen eft obligé de contribuer, autant qu'il lui eft poffible, à combattre des opinions qui détruifent toutes les vertus morales, qui enhardiffent les Hommes à commettre fans crainte les plus grands crimes, & qui affurent une éternelle tranquilité aux plus grands Scéle

rats.

Je finirai ma Lettre par cette Réfléxion. Dès qu'il n'y a ni vice ni vertu, comme il faut le foutenir en admettant la mortalité de l'Ame il s'enfuit néceffairement que, loin de chercher des moyens pour furmonter nos Paffions, nous devons embraffer avidement tout ce qui peut fervir à les contenter. A quoi fert de fe tourmenter, & quelle récompenfe efpère-t-on de la contrainte qu'on s'impofe? Il faut être infensé pour préferer le bien public à fa propre fatisfaction. La feule félicité qu'il y ait, c'eft de fatisfaire tous fes défirs. Voilà les conféquences affreufes qui découlent nëceffairement d'une opinion qui n'admet après cette Vie aucune récompenfe réel

le

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le pour le bien, ni aucune punition pour le crime, & qui par conféquent regarde les bonnes & les mauvaises actions comme indiférentes à l'Auteur de la Nature.

JE vous enverrai dans quelque tems une petite Differtation fur l'immortalité de l'Ame: j'espère qu'elle vous fatisfera. Je fuis &c.

LET TRE

DE

MONSIEUR LE MARQUIS D'ARG**.

A

MADEMOISELLE CO**.

VOTRE Lettre eft très fenfée, ainfi

que le font toutes celles que vous écrivez. Elle fuplée parfaitement à ce qui manquoit à mes Réfléxions fur les Paffions, & je ne puis me difpenfer de convenir que le meilleur moyen qu'il y ait pour vaincre nos Paffions m'avoit échapé. N'allez pas me faire l'injuftice de croire, que c'étoit parce que je préferois, au fecours que nous pouvons tirer de la croyan

croyance de l'immortalité de l'Ame, celui que nous recevons de l'amour de la gloire & des louanges. C'eft par un oubli condamnable que j'ai manqué, & point du tout par une prévention, pour un fentiment que je fuis bien éloigné d'adopter. Je fais moins de cas que vous ne le prétendez de cette prétenduë immortalité dans l'efprit des Hommes, dont les Auteurs font ordinairement fi flattés. J'ajouterai même quelque chofe à ce que vous avez dit, c'est que foit que l'Ame foit immortelle, foit qu'elle foit mortelle, fi nous raifonnions conféquemment, nous ferions fort peu fenfibles aux louanges que nous fouhaitons qu'on nous donne après notre mort. Si l'Ame eft mortelle, à quoi lui fert, lorfqu'elle n'existe plus, qu'elle foit louée des beaux Ouvrages qu'elle a produit, ou des belles actions qu'elle a exécutées? Et fi elle est immortelle, elle regarde avec trop d'indiférence ce qu'elle a fait fur la Terre,pour que fes plaifirs puiffent être augmentés par ce fouvenir. A quoi fert donc après la mort cette gloire dont les plus grands Hommes font fi idolâtres? Je conviens que lorfque nous vivons, il eft flatteur d'être loué. Les foins que nous nous

don

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