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qu'on pouroit lui faire du côté de la Religion. Dieu peut avoir donné une ame aux Bêtes. Cette ame eft émanée de fa puiffance, & lui étant foumife n'a rien de contraire à la Nature Divine. Le favant Gaffendi a beaucoup de pente à croire que non feulement la Terre, la Lune, le Soleil, & tous les autres Globes qui compofent la machine du Monde, ont chacun leur ame, prenant à peu près l'ame felon les idées de Démocrite, d'Hypocrate, & d'Ariftote; mais il penfoit encore qu'il n'y a rien en particu lier qui ne foit animé, comme les Pierres précieuses, l'Aiman, les Plantes, les Semences, & qu'ils ont leur ame à leur manière, par le moyen de la quelle ils connoiffent, pour ainfi dire, ce qui leur eft propre pour leur confervation, ou qui leur eft nuifible. Je penfois, dit Gaffendi, que cela ne dérogeoit aucunement à la Foi, en ce que cette ame feroit fenfée n'être autre chofe qu'une certaine force dépendante de Dieu, & une ame à fa manière, c'eft-à-dire, d'une espèce particulière, différente de la fenfitive, de la raisonnable, & nommément incapable des dons fpirituels de la grace & de la béatitude.

LE Sifthème, qui admet le Feu pour

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l'ame du Monde, n'eft point nouveau. C'est celui des Stoïciens, des Pitagoriciens, & de tous les Philofophes anciens qui faifoient Dica l'ame du Monde. Car ils entendoient, par la Divinité qu'ils admettoient, un Feu fubtil qui vivifioit l'Univers. Le Père Morgues, qui a fi bien dévelopé les diverfes opinions des anciens Philofophes dans fon Plan Théologique du Pitagoricifme, en convient. ,, Ils croyoient avoir beaucoup fait, ditil, d'avoir choisi le corps le plus fubtil (le feu) pour en compofer l'intelli,, gence ou l'efprit du Monde, comme on le peut voir dans Plutarque. Il faut entendre leur langage; car dans le nô,, tre, ce qui eft efprit, n'eft pas corps: & dans le leur au contraire, on prouvoit qu'une chofe étoit corps, parce ,,, qu'elle étoit efprit. Je fuis obligé de faire cette obfervation, fans laquelle ,, ceux qui liroient avec des yeux modernes cette définition du Dieu des Stoïciens dans Plutarque: Dieu eft un efprit intellectuel igné, qui n'a,, yant point de forme peut fe changer en telle chofe qu'il veut, & reflembler à tous les Etres, croiroient que ces termes d'efprit intellectuel détermiQ 2

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,, nent la fignification du terme fuivant

à un Feu purement métaphorique ”. Il n'y a donc dans le Sifthème de l'ame du Monde d'autre différence entre les Anciens & Madame la Marquife' Du Châtelet, qu'en ce que ces prémiers prétendoient qu'elle étoit matérielle, & Dieu même, & que Madame Du Châtelet la fuppofe incorporelle & crée par Dieu. Si les Anciens avoient penfé que l'ame du Monde étoit émanée de la puiffance de Dieu par la voye de création, leur opinion m'auroit paru beaucoup plus foutenable que celle de l'ingénieufe Marquife. Car je crois qu'on peut démontrer que le Feu a des parties étenduës, qu'il eft impénétrable, enfin qu'il eft matière. C'est ce que nous allons exami

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Que le Feu eft matière, & qu'il eft intpénétrable.

E Feu doit être un corps, puifqu'on Lle voit qu'on le touche, qu'il relat & réduit en poudre les corps les plus massifs. Or il n'y a qu'un corps qui puif

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fe toucher un corps & agir fur lui; & il faut que les parties du Feu foient très folides, puifqu'elles divifent les corps les plus folides. Comment eft-ce que l'aiguille d'une Bouffole tourneroit au foyer d'un Verre ardent fi les parties matérielles dont les rayons font compofés ne la frappoient, & ne déterminoient fon mouvement? La folidité emporte néceffairement l'impénétrabilité; & il eft abfurde de prétendre qu'une chofe folide foit pénétrable, c'est-à-dire, qu'une partie de matière en admette une autre en elle-même.

Dès qu'il eft prouvé que les parties du Feu font folides, il eft auffi prouvé qu'elles font matérielles; & dès qu'elles font matérielles, elles font néceffairement impénétrables. Si la matière n'étoit pas impénétrable, bien-tôt les Aftres, les Cieux, la Terre s'aprocheroient, fe pénétreroient, & fe retréciroient infiniment par cette pénétration, & l'Univers feroit détruit. Deux particules unies ensemble, quelques petites, quelques déliées qu'elles foient, forment une étendue. Car fi deux parties ne tiennent point d'étenduë, pourquoi quatre, pourquoi dix en occuperont-elles? Il faut donc convenir Q 3 que

que chaque partie de la matière est étendue, folide, & impénétrable. Les parties de Feu font matérielles, elles frapent les corps, elles agiffent fur nous, caufent des fenfations de douleur & de plaifir, elles font folides, elles defaffocient l'affemblage des corpufcules les plus durs, elles fondent les Métaux. Elles font donc impénétrables, puifque tout ce qui eft étendu & folide eft néceffairement impénétrable.

POUR éviter la force de ces raisons convaincantes, l'ingénieufe Marquife Du Châtelet foutient que le Feu n'eft ni matière, ni efprit; mais un Etre d'une nature mitoyenne. Cette fuppofition ne peut avoir lieu, & elle eft infoutenable. Car enfin, tout ce qui eft étendu, & qui agit fur les corps,eft matière, comme nous l'avons prouvé d'une manière invinci ble. Le Feu, non feulement agit fur nous, mais il paroit à nos yeux, nous le voyons, nous en diftinguons les différens effets, nous en confidérons avec plai fir les différens mouvemens. S'il n'eft pas matière, comment donc pouvons-nous l'appercevoir & le fentir?

Il n'y a que deux façons d'exister; ou matériellement, ou fpirituellement,

Tout

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