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fieurs notions diftinctes de certaines propriétés du Feu. Mais il y en a beaucoup dont nous n'avons aucune connoiffance. Après cet aveu modefte, Mr. s'Gravefande fait fuccéder le détail des qualités qu'il connoît dans la nature du Feu. La prémière eft celle de pénétrer dans tous les corps, quelques denfes & quelques durs qu'ils foient. La feconde de fe mouvoir avec beaucoup de rapidité. La troisième de fe joindre aux corps. La quatrième d'être attiré par eux à une certaine diftance. A ces propriétés de la nature du Feu, Mr. s'Gravefande ajoute une obfervation; c'eft que tous les corps contiennent en eux des parties de feu, puifqu'ils s'échaufent, s'embrafent même, lorfqu'ils font violemment agités & frottés les uns contre les autres. Nous avons déjà prouvé qu'il n'y avoit point de feu principe. Ainfi nous ne nous arrêterons pas à examiner ce dernier fentiment de Mr. de s'Gravefande. Nous dirons feulement en paffant, que c'est sur les mêmes propriétés qu'il reconnoît dans le feu, que nous fonderons l'opinion que nous avons de fa nature. Ainfi nous combattrons les fentimens des Newtoniens par les mêmes obfervations fur

lefquel

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lefquelles il prétend les établir. Voyons encore les opinions différentes de quelques Philofophes.

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Mr. de Voltaire, dans fes Elémens de Newton, établit,, que la lumière, c'eft le ,, feu lui même, lequel brule à une pe,, tite distance, lorfque fes parties font moins tenues, ou plus rapides, ou plus réunies; & qui éclaire doucement ,, nos yeux, quand il agit de plus loin, ,, quand fes particules font plus fines, ,, moins rapides, & moins réunies". Le feu & la lumière étant donc une feule & même chofe, qui connoît la nature de l'un, doit connoitre celle de l'autre. Nous venons de voir que Mr. s'Gravefande avoue qu'il n'a découvert de leur nature que certaines propriétés, & qu'il en ignore beaucoup d'autres. Mr. de Voltaire penfoit différemment de ce profond Newtonien; car lorfqu'il compofa fes Elémens de la Philofophie Newtonienne, il étoit perfuadé qu'il connoiffoit, ou peu s'en faut, la nature intime du feu. Voici comment il s'explique.,, La ,, lumière eft, de tous les corps qui fe font ,, fentir à nous, le plus délié, le plus appro3, chant de l'infini en petit. C'eft pourtant celui que nous connoiffons davan

,,tage.

tage. On l'a fuivi dans fes mouvemens, dans fes effets. On eft parvenu à l'a,, natomifer, à le féparer en toutes fes ,, parties poffibles. C'eft celui de tous les corps, dont la nature intime est

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le plus dévelopée ". Mr. de Voltaire écrivoit ainfi en 1737. Mais comme plus on philofophe, & plus on devient circonfpect, il a parle différemment en 1739. Il a fans doute fenti que dire que la nature intime d'une chofe eft dévelopée, c'est prétendre en connoître fi parfaitement l'effence, & par conféquent toutes les propriétés, que cette chofe n'ait d'autres propriétés que celles que nous lui attribuons, & qui découlent par une fuite néceffaire de fon effence. C'eft fans doute cette réflexion qui a engagé Mr. de Voltaire à s'expliquer, dans le Difcours qu'il a préfenté à Académie des Sciences, avec une retenuë qui égale celle de Mr. de s'Gravefande. Nous ne connoissons, dit-il, , guères plus la nature du Feu, que les ,, prémiers Hommes ont dû connoître ,, fon existance. Nous avons des ex

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périences qui, quoique très fines pour ,, nous, font encore très groffières par › rap

,, rapport aux principes des chofes. Ces ,, expériences nous ont conduits à quel,, ques vérités, à des vraisemblances, & fur-tout à des doutes en grand nom,,bre ".

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JE ne faurois m'empêcher, avant de finir cette Section, d'examiner le fentiment que Madame la Marquife Du Châtelet a voulu établir dans fon Difcours imprimé dans les Mémoires de l'Académie. Elle a prétendu que le Feu n'eft point le résultat du mouvement; que c'eft une fubftance fimple, que rien ne produit, qui ne fe forme de rien, & qui ne fe change en rien; que le Feu a quelques unes des propriétés primordiales de la matière, fon étendue, fa divifibilité; mais que l'impénétrabilité de ce même Feu n'étoit pas démontrée; qu'il n'eft pas pefant, qu'il ne tendoit point vers un centre comme les autres corps; que fa rature eft de tendre à l'équilibre, qu'il eft répandu dans tout l'efpace, & que dans un même air, tous les corps contiennent une égale quantité de Feu dans leur fubftance, fi l'on en excepte les Créatures qui ont reçû la vie; que le feu enfin eft d'une nature mitoyenne; qu'il n'eft ni matière ni efpa

ce.

ce. Si le fentiment de Madame la Marquife Du Châtelet étoit véritable, il s'en fuivroit que le Feu feroit l'ame du Monde, ce qui le vivifieroit, & lui donneroit la force motrice. Il paroit même que cette ingénieufe Savante penche affez vers cette opinion; car elle prétend qu'une des propriétés du Feu, c'eft de n'être déterminé vers aucun point, & de fe répandre également. Ses parties ont la même tendance à fe fuir, que celles des autres corps ont à s'attirer. C'eft cette propriété que le Feu oppofe fans ceffe à l'adunation des corps, & c'eft par elle qu'il vivifie & conferve l'Univers. C'eft le même Feu qui imprime à la matière le mouvement. La direction de ce mouvement tend également en tous fens; ainfi toutes les parties internes de la matière font par cette action dans un mouvement continuel. C'est ce mouvement qui eft la caufe de l'accroiffement & de la diffolution de tout ce qui exifte dans l'Univers. Car enfin, la Marquife tranche le miot. Le Feu, dit-elle, eft, four ainfi dire, l'ame du Monde, le foufle de vic répandu par le Créateur fur fon Ouvrage. Ces dernières paroles mettent ce Sifthème à l'abri de toutes les objections Tome I.

Q

qu'on

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