DISSERTATION, Par Monfieur le Marquis d'Arg. Sur le Feu, fur le Son, fur la Lumière, & fur les Couleurs. CHAPITRE PREMIER. S. I. S'il y a un Feu Elementaire. MAL ALGRE les peines que fe font & modernes, pour connoître la nature des Feux que l'Auteur de l'Univers a pla cés à de grandes diftances de la Terre, tout ce qu'ils ont pû découvrir fe reduit à la diverfité & à la régularité des mouvemens fenfibles & apparens de ces Feux. Nous n'avons donc aucune connoiffance certaine de la conftitution du Soleil & des Etoiles. Les Phificiens ont fait à ce fujet plufieurs Sifthèmes. Ils font tous également faux, puifqu'il fe trouve dans tous des difficultés infurmontables. P 2 L'O. L'OPINION, que le Soleil doit être un Globe de feu immenfe, qui nous envoye fans ceffe les rayons lumineux dont il eft compofé, eft la plus ordinaire. Elle n'eft pas moins fauffe. Il eft impoffible que cet Aftre foit un Globe de particules ignées, de feu élementaire. Une des principales propriétés du Feu, c'est celle de fe répandre de tous côtés, lorfqu'il n'eft pas retenu par quelque obftacle. Si le Soleil étoit un Globe de feu élementaire, s'il n'étoit pas un Corps folide, un feul inftant d'émanation fuffit pour le détruire; il auroit été diffipé prefqu'auffi-tôt que formé. Il en eut été de même des Etoiles, fi elles avoient été compofées de parties ignées, les parties du feu étant dans une agitation continuelle, & ayant une force qui les fait répandre, dès qu'elles ne font point arrêtées par quelque obftacle. LES Philofophes, qui ont prétendu que le Soleil étoit un Globe de feu élementaire, ont bien fenti la force de ces objections. Ils ont eu recours à une foible reffource. Selon eux, le Soleil ne fe diffipe pas par l'émanation & par l'expenfion; parce que l'Atmosphère, qui l'entoure, repouffe fans ceffe vers lui les particules ignées ignées & lumineufes qui émanent de fa fubftance. Mais l'exiftance de ce prétendu Atmosphère eft impoffible, en fuivant même le Sifthème de ceux, qui voulant que le Soleil foit un Globe de feu élementaire, prétendent qu'il nous envoye les parties ignées dont il eft compofé. Car fi cet Atmosphère eft affez épais & affez denfe pour arrêter l'expenfion & la diffipation, il doit auffi repouffer les parties lumineufes, & par conféquent empêcher la lumière de venir juf qu'à nous; & s'il n'eft point affez denfe pour s'oppofer au paffage des particules ignées, il ne peut auffi empêcher l'expenfion & la deftruction du Soleil. Il doit lui-même être diffipé par fa chaleur. PRESQUE tous les Philofophes adop tent aujourd'hui le Sifthème de Copernic, & placent le Soleil au centre des Orbes diférents que décrivent les Planètes. Si le Soleil est un Globe de feu, il est impoffible que le Sifthème foit vrai. Je dis plus, il n'eft pas même vrai-femblable. Car les corpufcules de feu, qui compofent le Soleil, doivent tendre au centre de cet Aftre, puifque tout ce qui eft corps a une tendence déterminée vers un centre. Or toutes les parties ignées du Soleil tendant P 3 dant vers fon centre, comment peuventelles aquerir une force centrifuge affez grande, pour s'éloigner de ce même centre avec tant de force & tant de vitesse ? Et comment peuvent-elles parcourir en 7. ou 8. minutes trente trois millions de lieuës, ainfi que le prétendent ceux qui foutiennent que la lumière nous eft tranf mife du Soleil ? LES Newtoniens, qui veulent que le Soleil foit un Globe de feu fourniffent des armes pour combattre leur Hypothèze de l'Attraction. C'eft ce qu'a fort bien remarqué l'aimable & ingénieufe Marquife Du Châtelet, Le Soleil, ditelle, dans ce Sifthème, eft au centre ,, de notre 1 Planetaire, & cette place lui eft affignée par les loix de ,, la Gravitation; parce qu'ayant plus de maffe que les autres Globes, il les force ,, à tourner autour de lui.... Il est donc néceffaire dans le Sifthème de وو دو رو que l'Attraction le Soleil foit un corps folide, & qu'il tende vers un centre. Mais fi le feu du Soleil tend vers fon centre, par quelle puiffance s'éloignera9, t-il toujours du centre? MAIS enfin une raifon qui doit forcer tous les Newtoniens les Gaffendiftes & & les Partifans du vuide à convenir que le Soleil ne fauroit être un Globe compofé de feu qui nous envoye fans ceffe des parties ignées, c'eft que depuis la création du Soleil, fes parties auroient dû néceffairement remplir tout le vuide qu'ils admettent. VOILA, fi je ne me trompe, des objections qui font fuffifantes, pour montrer le peu de fondement qu'il y a dans l'opinion de ceux qui veulent que le Soleil foit un Globe compofé de parties ignées. Et le Père Regnault, qui dans fes Entretiens Phifiques prétend que l'idée du feu terreftre convient au Soleil-même, puifqu'il échaufe, éteincelle, & brille comme le feu terreftre, me paroît rai, fonner avec beaucoup moins de jufteffe que le Père l'Ozeran de Fieze, qui dans un Difcours, qui a remporté le prix de l'Académie des Sciences, établit fage. ment ,, que fi nous voulons penfer ,, raifonnablement fur la nature & la conftitution du Soleil & des Etoiles, ,, nous ferons perfuadés que toutes les ,, recherches de ces grands Philofophes n'ont abouti, qu'à montrer la témérité de leurs entreprises. Le Soleil, qui eft le plus voifin d'entre tous les feux, eft رو |