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befoin pour le montrer de faire fentir la fupériorité qu'il a fur les autres. Loin de chercher à s'élever au-deffus d'eux il doit les raprocher de lui autant qu'il eft poffible, les mettre à leur aife, fi j'ôfe me fervir de cette expreffion. C'eft a voir un grand génie, que de faire briller ceux fur lefquels on a un avantage confidérable. Ĉe fecret eft fû de peu de Ce Gens, & n'eft guères mis en pratique, que par les Perfonnes en qui l'efprit fe trouve joint au bon sens.

IL faut effuyer dans la Société des petites gênes, dont on eft bien recompenfé. Il y a des attentions, il y a des bienféances, il y a des prévoyances dont la familiarité ne difpenfe point. Ce feroit produire dans la Société une licence qui dégenereroit en groffiéreté & en rufticité, fi l'on s'affranchiffoit de ces bienféances néceffaires.

§. VI.

Les Femmes influent beaucoup fur la bonne ou la mauvaife Société.

L

ES Femmes ont fait de tout tems le principal ornement de la Société. Elles y répandent un agrément, qu'elles

feules

feules font capables de lui donner. Les Perfonnes qui connoiffent parfaitement le cœur humain conviennent de cette vérite. Une belle Femme, dit un excellent Auteur moderne, qui a les qualités d'un bonête Homme, eft ce qu'il y a au Monde d'un commerce plus délicieux: l'on trouve en elle le mérite des deux Sexes.

Je ne veux point faire ici l'éloge des Femmes; mais je ne puis m'empêcher de dire, qu'on ne fauroit nier qu'on retrouve dans quelques-unes autant de génie, autant de prudence, & autant de fageffe, que dans les Hommes qui paffent pour avoir beaucoup d'efprit & de bon fens. Ce font ces Femmes qui font faites pour la Société, & fans lefquelles on ne peut en gouter toutes les douceurs.

L'AME n'a point de Sexe: elle fe porte au bien ou au mal indépendemment de la configuration du Vafe qui la contient. Les Femmes font fujettes aux mêmes défauts que les Hommes: elles ont les mêmes vertus. Il eft des Femmes médifantes, fourbes, jaloufes, cruelles, vindicatives, débauchées, ignorantes. Il eft des Hommes médifans, fourbes, jaloux, cruels, vindicatifs, débauchés, ig

norants.

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ON doit donc chercher dans les Femmes les mêmes qualités qu'on exige dans les Hommes avec lefquels on fouhaite de vivre. Il n'eft pas plus commun de rencontrer un Homme doux, poli, affable, ferviable, vertueux, qu'il l'eft de trouver une Femme douce, polie, affable ferviable, vertueufe.

PLUSIEURS Anciens ont fort loué une réponse de Sophocle touchant le commerce des Femmes. J'avoûrai hardiment qu'elle me paroît peu digne de l'approbation qu'elle a reçue. Quelqu'un demandoit à ce fameux Poëte, s'il ne fréquentoit plus les Femmes. A Dieu ne plaife, répondit-il, il y a long-tems que j'ai fe"coué ce joug-là, comme celui d'un Maitre barbare & furieux. Je fais deux réflé xions très naturelles fur cette réponse. La prémière, c'eft que Sophocle devoit avoir vécu avec des Femmes d'un ca. ractère peu fociable, puifqu'il les compare à des Maitres barbares & furieux. La feconde, c'eft qu'il eft faux que le commerce des Femmes aimables foit un joug. C'eft au contraire un moyen pour fuporter la pefanteur de celui fous lequel on pouroit être fommis, la bonne Société fourniflant à l'efprit des reffources

&

& des confolations contre les peines qu'on reffent. Quel eft l'Homme d'ef prit qui n'oublie pas fes chagrins dans la converfation d'une Femme fpirituel. le, & qui cherche à plaire? Il n'eft point néceffaire que l'amour foit le fujet de cette converfation. Il fuffit que ce qu'on appelle enjoûment, badinerie ingénieufe, agaceries polies & fines en foient le fondement.

LES Femmes aimables ont une douceur dans l'efprit à laquelle des Hommes ne peuvent jamais atteindre.`` Il refte toujours à ces derniers quelque chofe de moins complaifant, de moins gracieux, je dirois volontiers de moins tendre, & de moins engageant qu'aux prémières.

Il faut quelques-fois de la fermeté & de la grandeur d'ame dans la Société. Ces qualités deviennent néceffaires pour le foutien ou pour l'augmentation de la fortune des Gens avec lefquels on vit dans une étroite union. On trouve dans ces cas autant de reffources chez certaines Femmes, que chez les Hommes. Elles fe portent avec ardeur à tout ce qui peut être utile à leurs Amis, & les 0 4 fervent

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fervent fouvent beaucoup mieux, que ne pouroient le faire des Hommes bien intentionnés.

ON ne peut nier que les Femmes n'aiment la véritable gloire. L'Histoire eft remplie des belles actions qu'elles ont faites. Les Carthaginoifes & les Romaines. fe font fignalées par leur zèle dans tous les malheurs de leur République. Il ne manque à nos Femmes modernes que les mêmes occafions qu'ont eu les anciennes. Notre Siècle n'eft point au deffous de ceux qui l'ont précedé. Peutêtre même connoiffons-nous mieux aujourd'hui la véritable grandeur, qu'on ne la connoiffoit autrefois. On a pris fouvent chez les Anciens la cruauté pour la fermeté, la dureté pour la juftice, la férocité pour la véritable valeur, & lạ rufticité pour la fimplicité.

S. VII.

De la néceffité de la Société.

NOUS

OUS fommes nés pour vivre dans le Monde. La folitude eft un état qui ne nous eft point naturel. Les Hom

mes

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