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De Seve del

BL Prevost Sculp

LITTERAIRE

DES

FEMMES FRANÇOISES,

O U

LETTRES HISTORIQUES

ET CRITIQUES,

CONTENANT un Précis de la Vie & une Analyse
raifonnée des Ouvrages des Femmes qui fe font
diftinguées dans la Littérature Françoife.

Par une Société de Gens de Lettres.

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THE

AVERTISSEMENT.

LE

E but de cet Ouvrage eft exprimé dans l'épigraphe c'est de faire voir ce que peut une femme dans la carriere des Sciences, torfqu'elle fçait fe mettre au-deffus du préjugé qui lui défend d'orner fon efprit,& de perfectionner fa raison. La liste de celles qui fe font occupées avec fuccès des arts agréables & des études férieufes, étonnera nos Lecteurs, par le nombre & la qualité des noms illuftres qui la décorent. Ils y verront que l'efprit n'eft point incompatible avec la beauté, les Lettres avec la naiffance, l'étude avec le plaifir, les Mufes avec les Graces; que les femmes, deftinées à plaire par les charmes de la figure, peuvent également aspirer à la gloire des talens, & cueillir autant de lauriers que de myrthes; qu'on peut être aussi satisfait de les entendre, que de les voir; de lire leurs ouvrages, que de contempler leurs attraits. En effet, où trouve-t'on plus d'imagination, plus de naturel & de dé-. licateffe, que dans tout ce qui fort de leur plume? Qui juge mieux qu'elles, de tout ce qui s'appelle agrément, goût, bienféance, fentiment? Le bon & le mauvais les frappe d'abord ; & leurs décifions font auffi promptes que les traits qui partent de leurs yeux.

ou

H eft vrai qu'elles excellent plus dans les ouvrages de pur agrément, que dans les fciences abftraites & dans les grands genres de littérature, tels que l'Hiftoire, la morale, la haute Poëfie, &c. La délicateffe, la vivacité, les graces qui leur font naturelles, font faites pour les écrits agréables, plutôt que pour des recherches profon des & des difcuffions philofophiques. Il en eft cependant

parmi elles, qui s'engagent dans le labyrinthe des fciences les plus difficiles, & qui font initiées aux fecrets de la plus profonde Géométrie. Tandis que les unes développent les myfteres de l'amour, & tracent d'un pinceau rapide les caracteres d'une paffion malheureufe, d'autres embouchent la trompette de Milton, & chauffent le coturne de Racine. L'une, excitée par le motif le plus tendre & le plus raisonnable, donne à fon fils des leçons de Phyfique, & lui explique les principes de Mathématique avec un ordre, une netteté, une profondeur & une précifion fi rares dans ces fortes d'ouvrages. L'autre donne une nouvelle vie à quelques-uns de nos Monarques, les offre à nos yeux fous des traits intéreffans, & nous fauve, par d'ingénieufes fictions, de l'ennui de la vérité.

On ne fçauroit donc trop s'élever contre l'injuftice de ceux qui exigent que les femmes ne faffent aucun ufage de leur efprit. Il peut être pour nous une fource d'inftruction & de plaifir, en même temps qu'il leur ménage à elles-mêmes un avenir agréable, & des reffources pour un âge où il ne leur eft plus permis de plaire, Rien n'eft fi trifte, en effet, que le fort de celles qui n'ont fçu que fe faire adorer. Comme elles n'ont eftimé que les graces extérieures, dès qu'elles les perdent, elles tombent dans un abandon qui les défefpere. Si dans leur jeuneffe elles avoient pris le goût de l'étude, la privation des plaifirs ne leur laifferoit ni vuide, ni befoin: elles recueilleroient le fruit de leurs réflexions, & fe procureroient une félicité plus réelle & plus durable. Les charmes de leur raison cultivée fubjugueroient les efprits de ceux, dont les attraits de leur figure auroient dompté les cœurs.

C'eft principalement en France, que les femmes peuvent profiter de ces avantages. L'ufage du monde qu'el

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