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battus pour le pas dans l'églife de NotreDame, le jour que Louis XIIImit fon royaume fous la protection de la vierge Marie.

Prefque toutes les communautés du royaume étaient armées; prefque tous les particuliers respiraient la fureur du duel. Cette barbarie gothique, autorisée autrefois par les rois mêmes, et devenue le caractère de la nation, contribuait encore, autant que les guerres civiles et étrangères, à dépeupler le pays. Ce n'eft pas trop de dire que, dans le cours de vingt années, dont dix avaient été troublées par la guerre, il était mort plus de gentilshommes français de la main des Français mêmes que de celle des ennemis.

On ne dira rien ici de la manière dont les arts et les fciences étaient cultivés; on trouvera cette partie de l'hiftoire de nos mœurs à fa place. On remarquera feulement que la nation française était plongée dans l'ignorance, fans excepter ceux qui croient n'être point peuple.

On confultait les aftrologues, et on y croyait. Tous les mémoires de ce temps-là, à commencer par l'hiftoire du président de Thou, font remplis de prédictions. Le grave et sévère duc de Sulli rapporte férieusement celles qui furent faites à Henri IV. Cette crédulité, la marque la plus infaillible de l'ignorance, Siècle de Louis XIV. Tome I. C c

était fi accréditée qu'on eut foin de tenir un aftrologue caché près de la chambre de la reine Anne d'Autriche, au moment de la naiffance de Louis XIV.

Ce que l'on croira à peine, et ce qui eft pourtant rapporté par l'abbé Vittorio Siri, auteur contemporain, très-inftruit ; c'est que Louis XIII eut dès fon enfance le furnom de jufte, parce qu'il était né fous le figne de la

balance.

La même faibleffe, qui mettait en vogue cette chimère abfurde de l'aftrologie judiciaire, fefait croire aux poffeffions et aux fortiléges : on en fefait un point de religion; l'on ne voyait que des prêtres qui conjuraient des démons. Les tribunaux, compofés de magiftrats qui devaient être plus éclairés que le vulgaire, étaient occupés à juger des forciers. On reprochera toujours à la mémoire du cardinal de Richelieu la mort de ce fameux curé de Loudun, Urbain Grandier, condamné au feu comme magicien par une commiffion du confeil. On s'indigne que le ministre et les juges aient eu la faibleffe de croire aux diables de Loudun, ou la barbarie d'avoir fait périr un innocent dans les flammes. On fe fouviendra avec étonnement jufqu'à la dernière poftérité, que la maréchale d'Ancre fut brûlée, en place de Grève, forcière.

comme

On voit encore, dans une copie de quelques regiftres du Châtelet, un procès commencé, en 1610, au fujet d'un cheval, qu'un maître induftrieux avait dreffé à peu-près de la manière dont nous avons vu des exemples à la foire; on voulait faire brûler et le maître et le cheval.

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En voilà affez pour faire connaître en général les mœurs et l'efprit du fiècle qui précéda celui de Louis XIV.

Ce défaut de lumières dans tous les ordres de l'Etat fomentait chez les plus honnêtes. gens des pratiques fuperftitieufes qui déshonoraient la religion. Les calviniftes, confondant avec le culte raisonnable des catholiques les abus qu'on fefait de ce culte, n'en étaient que plus affermis dans leur haine contre notre Eglife. Ils oppofaient à nos fuperftitions popu laires, fouvent remplies de débauches, une dureté farouche et des mœurs féroces, caractère de prefque tous les réformateurs : ainfi l'esprit de parti déchirait et aviliffait la France; et l'efprit de fociété, qui rend aujourd'hui cette nation fi célèbre et fi aimable, était abfolument inconnu. Point de maifons où les gens de mérite s'affemblaffent pour fe communiquer leurs lumières ; point d'académie, point de théâtres réguliers. Enfin, les mœurs, les lois, les arts, la fociété, la religion, la

paix et la guerre n'avaient rien de ce qu'on vit depuis dans le fiècle appelé le fiècle de Louis XIV.

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Minorité de LOUIS XIV. Victoires des Français fous le grand Condé, alors duc d'Enghien.

E cardinal de Richelieu et Louis XIII venaient de mourir, l'un admiré et haï, l'autre déjà oublié. Ils avaient laiffé aux Français, alors très-inquiets, de l'averfion pour le nom feul du miniftère, et peu de refpect pour le trône. Louis XIII, par fon teftament, établissait un confeil de régence. Ce monarque, mal obéi pendant sa vie, se flatta de l'être mieux après fa mort; mais la première démarche de fa veuve Anne d'Autriche, 'Autriche fut de faire annuller les volontés de fon mari ou d'Espagne, ré par un arrêt du parlement de Paris. Ce corps, long-temps opposé à la cour, et qui avait à peine confervé fous Louis XIII la liberté de faire des remontrances, caffa le teftament de fon roi, avec la même facilité qu'il aurait jugé la cause d'un citoyen. (a) Anne d'Autriche

gente.

'dit que le.

(a) Riencourt, dans fon hiftoire de Louis XIV, teftament de Louis XIII fut vérifié au parlement. Ce qui

s'adreffa à cette compagnie, pour avoir la régence illimitée, parce que Marie de Médicis s'était fervie du même tribunal après la mort de Henri IV; et Marie de Médicis avait donné cet exemple, parce que toute autre voie eût été longue et incertaine ; que le parlement. entouré de fes gardes, ne pouvait réfifter à fes volontés; et qu'un arrêt rendu au parle-ment et par les pairs, femblait affurer un droit inconteftable.

L'ufage qui donne la régence aux mères des rois, parut donc alors aux Français une loi prefqu'auffi fondamentale que celle qui prive les femmes de la couronne. Le parlement de Paris, ayant décidé deux fois cette question, c'eft-à-dire, ayant feul déclaré par des arrêts ce droit des mères, parut en effet avoir donné la régence: il fe regarda, non fans quelque vraisemblance, comme le tuteur des rois, et chaque confeiller crut être une partie de la fouveraineté. Par le même arrêt, Gafton, duc d'Orléans, jeune oncle du roi, eut le vain titre de lieutenant-général du royaume fous la régente abfolue.

Anne d'Autriche fut obligée d'abord de continuer la guerre contre le roi d'Espagne,

trompa cet écrivain, c'eft qu'en effet Louis XIII avait déclaré la reine régente, ce qui fut confirmé: mais il avait limité fon autorité, ce qui fut caffé.

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