ferme des poèmes de tout genre, très-variés de sujet et de ton, et dont la seule unité, le seul lien est d'être adressés au Roi; ensuite viennent les Poésies diverses proprement dites; puis les Louanges de la sainte Vierge, et la Traduction de plusieurs psaumes, que nous avons donnée, dans notre tome IX, d'une manière plus complète et plus fidèle, et dans l'ordre même adopté par Corneille 1; enfin les Arguments et Préfaces de quelques pièces de théâtre, qui, dans notre édition, ont pris leur place naturelle en tête de chacun des ouvrages auxquels ils se rapportent. Pour les Poésies diverses, nous avions donc seulement à puiser dans les deux premières parties du recueil de Granet, que les derniers éditeurs ont maintenues séparées, en se contentant de faire passer au second rang celle que Granet avait placée la première, sauf un très-petit nombre de pièces qu'ils en ont retirées parce qu'elles ne pouvaient être rangées sous le titre fastueux de Poëmes sur les victoires du Roi, qu'ils avaient jugé à propos de lui donner. Nous avons trouvé préférable de faire disparaître cette division arbitraire, et de suivre, ainsi que nous l'avons déjà dit, un ordre purement chronologique. Passons maintenant en revue les diverses parties constitutives, quelque peu importantes, du recueil de Granet et du nôtre; cherchons quels sont les poëmes dont il a ignoré l'existence, quels sont ceux qu'il connaissait et qu'il a écartés sciemment; essayons de découvrir ses principes de critique et indiquons en même temps ceux qui nous ont guidé. Les pièces les plus anciennes, et par conséquent les premières dans notre recueil de Poésies diverses, sont celles qui ont été publiées par Corneille lui-même, sous le titre de Mélanges poétiques, et qui portent les numéros I à XIV, XVI et XVII. Elles ont paru à la suite de Clitandre, premier ouvrage que notre poëte ait fait imprimer. Elles commencent, à la page 121 du volume contenant l'édition originale de cette tragi-comédie, par un frontispice qui, bien que le nom de Corneille ne figure pas sur le premier titre, porte néanmoins: 1. Voyez ce que nous avons dit au tome IX, p. 61, de cette partie de la publication de Granet. 2. Voyez tome I, p. 257. MESLANGES POÉTIQUES DU MESME, et, au-dessous, l'adresse de François Targa, et le millésime M.DC.XXXII. Granet considère ces pièces comme « composées vraisemblablement avant l'année 16251,» parce qu'il fixe à cette date la première représentation de Mélite, jouée seulement, suivant nous, en 16292; mais bien que la pièce IX soit assurément antérieure à cette comédie, que, suivant l'expression de Thomas, son frère avait faite précisément pour « l'employer, » il est certain néanmoins, quelle que soit d'ailleurs la date adoptée pour la première représentation de Mélite, que deux des pièces des Mélanges poétiques sont postérieures, non-seulement à la première représentation de cet ouvrage, mais encore à celle de Clitandre. Ces deux pièces, numérotées XVI et XVII, ont été composées pour une fête donnée le 16 mars 1632, c'est-à-dire huit jours après la date du privilége de Clitandre et quatre jours seulement avant celle de l'Achevé d'imprimer du volume". L'abbé Granet avait cru devoir tronquer les Mélanges poétiques. « Je n'ai pas fait difficulté, dit-il, de supprimer des plaisanteries d'un goût peu délicat, et divers traits d'une galanterie trop libre. » Ainsi il a fait disparaître les discours de l'Ivrogne et du Joueur, qui terminent la pièce VII, et le numéro IX tout entier, qui comprend les Épigrammes d'Audoenus (Owen). Les éditeurs modernes, tout en complétant les Mélanges poétiques, ont omis cependant, dans le numéro XI, la troisième épigramme, qui est, nous l'avouons, fort peu claire et dont d'ailleurs l'original ne se trouve pas dans le recueil latin d'Owen. Comme elle est toutefois incontestablement de Corneille, nous l'avons jointe aux autres, afin de suivre jusqu'au bout le plan que nous nous sommes imposé de donner une édition aussi fidèle et aussi complète qu'il est possible. Non-seulement nous avons placé les dernières les deux pièces des Mélanges poétiques (nos numéros XVI et XVII) dont nous sommes parvenu à fixer la date si rapprochée de celle de l'Achevé d'imprimer du volume qui les contient à la suite de 1. OEuvres diverses, Préface, folio v, recto. 2. Voyez tome I, p. 129 et 130. 3. Voyez tome I, p. 126. - 4. Voyez tome I, p. 257. 5. OEuvres diverses, Préface, folio Iv, recto. Clitandre, mais, pour nous conformer exactement à l'ordre chronologique, nous avons dû faire passer avant elles un quatrain composé à l'occasion de la tragi-comédie de Ligdamon et Lidias, représentée en 1629 et publiée en 1631, quatrain adressé à Scudéry par Corneille, qui avait négligé d'insérer ces vers dans les Mélanges. Quoique réunis aujourd'hui pour la première fois aux OEuvres de notre poëte, ils étaient pourtant, suivant toute apparence, bien connus de Granet, qui a écarté systématiquement presque toutes les pièces analogues : « Je me suis abstenu, dit-il, de grossir ce recueil des vers que M. Corneille, suivant l'usage de ces temps-là, a adressés à divers poëtes dramatiques, et d'autres auteurs, depuis 1630 jusqu'en 1660, et qui ont été imprimés au commencement de leurs ouvrages, dont ils contiennent l'éloge. Ces vers, faits ordinairement avec précipitation, m'ont paru froids et peu intéressants. Je n'ai imprimé que deux ou trois pièces de ce genre pour en faire connoître le caractère1. » Il ne donne en effet que les opuscules qui, dans notre édition, occupent le XXXIo, le XXXII® et le LXX rang; les éditeurs qui nous ont précédé y ont ajouté les numéros XVIII et XLV, et nous y joignons à notre tour les pièces XV, XIX, XXI, XXXV, XXXVI, XL, XLI et XLII. Dans son édition de Corneille, M. Lefèvre avait fait une série intitulée Poésies latines, qui n'était composée que de trois articles; encore, pour parvenir à la former, avait-il été obligé de séparer de leur texte français les pièces qui figurent dans notre recueil sous les numéros LXXII et LXXX, et qui, publiées à la fois en vers français et en vers latins, devaient de toute nécessité demeurer rapprochées. Ces deux pièces latines une fois remises à leur place, il n'en restait plus qu'une seule, la XX de notre recueil, qu'à l'exemple de Granet nous avons cru devoir placer à son rang chronologique parmi les poésies françaises. Cette pièce de vers dans laquelle notre auteur fait un éloge délicat de Louis XIII et de Richelieu, tout en semblant s'en défendre, et qui est très-intéressante pour l'histoire des ouvrages de Corneille, n'a pas été étudiée par les éditeurs avec tout le soin qu'elle mérite; nous exprimons ce reproche avec d'autant plus de liberté que nous n'en sommes pas nous-même 1. OEuvres diverses, folio vII, versc. exempt. D'après le témoignage unanime des historiens du théâtre, et des meilleurs biographes de Corneille, nous avons indiqué la Place Royale comme ayant été représentée en 1635'; mais il est évident que cette date est fausse, puisqu'il est question de cette comédie dans cette pièce de vers tirée d'un recueil dont l'Achevé d'imprimer, fort tardif, est du 14 août 1634. Cette erreur en fait pressentir une autre, dont il est difficile au reste de bien apprécier l'étendue. La Galerie du Palais et la Suivante sont partout attribuées à cette année 1634, réduite aujourd'hui pour nous à sept mois et demi par la date du privilége dont nous venons de parler. Si l'on considère que les vers de Corneille se trouvent à peu près au milieu de ce volume, qui, comme nous le verrons, s'imprima lentement, au fur et à mesure que les manuscrits arrivaient, cet espace de temps se trouve encore réduit. Il est dès lors permis de s'étonner que Corneille ait ainsi fait représenter trois pièces coup sur coup, et l'on peut avec beaucoup de vraisemblance reporter tout au moins la Galerie du Palais à l'année 1633. C'est au commencement de cette même année 1633 que M. Édouard Fournier place une pièce de six stances, fort agréablement tournée, mais que nous n'avons point recueillie, même dans l'Appendice, car rien n'indique qu'elle puisse être de notre poëte. L'infatigable chercheur, qui la publie aux pages vi et vi des Notes sur la vie de Corneille, si souvent citées par nous, ne dit ni d'où il la tire, ni par quelles circonstances elle est parvenue à sa connaissance; et nos investigations personnelles n'ont pu suppléer à ce défaut de tout renseignement. Ces stances, qui, selon M. Éd. Fournier, auraient été écrites pour un des concours annuels qui existaient à Rouen depuis le onzième siècle, sous le nom de Puy ou de Palinod, et dans lesquels on récompensait par une fleur ou par une étoile d'argent l'auteur de la meilleure pièce composée en l'honneur de l'immaculée conception de la Vierge, ne sont indiquées dans aucun des ouvrages qui parlent de cette institution, ouvrages où l'on a toutefois grand soin de men 1. Voyez tome II, p. 219. 2. Voyez ci-après, p. 65, la Notice de la pièce XX. 3. Voyez Rapport sur les livres et autres objets relatifs à l'Académie tionner les succès d'Antoine et de Thomas Corneille, frères de notre poëte; enfin le manuscrit intitulé : les Trois siècles palinodiques, conservé dans la bibliothèque de Caen, ne fait connaître non plus, ni à l'année 1633, ni à aucune autre date1, la pièce attribuée sans preuve à Pierre Corneille par M. Édouard Fournier. Nous avons dû au contraire admettre dans les OEuvres de notre poëte une autre pièce qui se rattache à l'histoire du Puy de Palinod de Rouen, le Remerciment de Corneille pour Jacqueline Pascal, lorsqu'elle remporta le prix de poésie. Ce remerciment, bien qu'il eût paru longtemps avant la dernière édition de M. Lefèvre, a été réuni pour la première fois aux OEuvres de notre poëte dans l'édition publiée en 1856 à l'imprimerie Lahure; mais dans cette édition de 1856, dépourvue de tous commentaires, il n'est pas entouré des renseignements indispensables, si accessibles à tous aujourd'hui, grâce aux recherches de M. Cousin. Après que Jacqueline Pascal eut obtenu de Richelieu la grâce de son père en représentant, à l'âge de treize ans, à la grande satisfaction du Cardinal, un rôle assez important dans l' Amour tyrannique de Scudéry, Étienne Pascal, rappelé de l'exil auquel il s'était condamné, fut envoyé à Rouen comme intendant de Normandie. « M. Corneille, dit Gilberte Pascal dans sa Vie de Jacqueline, publiée pour la première fois par M. Cousin, ne manqua pas de venir nous voir; il étoit ravi de voir les choses que faisoit ma sœur, et il la pria de faire des vers sur la conception de la Vierge, qui est le jour qu'on donne les prix. Elle fit des stances, et on lui en porta le prix avec des trompettes et des tambours en grande cérémonie. Elle recevoit cela avec des Palinods, achetés à la vente de M. Licquet, et Notice sur cette association; présentés à l'Académie.... de Rouen.... le 22 novembre 1833 par A. G. Ballin.... (Précis.... des travaux de l'Académie pendant l'année 1834, tome XXXVI, p. 197 et suivantes.) — Suite à la notice..., tome XL, p. 296 et suivantes. Deuxième suite à la notice..., tome XLV, p. 227 et suivantes. Des Puys de Palinods en géné ral, etc., par Bottée de Toulmon, Revue française, juin 1838, et suivantes. p. 102 1. Notre confrère M. Eugène Châtel, archiviste du Calvados, a bien voulu se charger de cette vérification. |