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D'après ces autorités, il est positif que cette édition existe, et les renseignements que donne Coste mettent à même de la décrire de la manière qui suit :

Les mémes.- Paris, Abel L'Angelier, 1602. Belle édition conforme aux deux précédentes, contenant de plus à la fin le sonnet d'Expilly dont il est parlé à l'édition in-12, de 1595. Cette dernière indication prouve sans contestation l'existence de cette édition, différente de celles de 1598 et de 1600, qui n'ont pas le sonnet.

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11. Les mêmes. (titre détaillé comme à celle de 1598.) Leyde, Jean Doreau, 1602, in-8° (plus petit format que les trois éditions précédentes). Frontispice imprimé. - Vires. 1132 pages. - Fleurons aux lettres initiales des chapitres. Les deux préfaces et la petite note à celle de Montaigne, comme aux éditions précédentes; plus une table analytique qui est la première depuis celle de 1595 in-12, et qui est intitulée: Les pages du sieur de Montaigne, où sont contenues les plus rares remarques de son livre, à savoir les exemples des vertus et des vices, les plus graves sentences, similitudes et comparaisons, avec un recueil des lois anciennes des peuples et nations; plus la vie de l'auteur par remarques principales et précieuses sur son propre livre, le tout en forme de lieux communs. »

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Le chapitre 21 du livre II, est intitulé: « Contre la fantasie. »

12. Il existe une contrefaçon de cette édition, indiquant le même libraire, la même ville et la même date. En comparant la pagination, les fleurons, les fautes, on acquiert la certitude que c'est une composition différente. On distinguera ces deux éditions à la vue du titre; car dans celle qui précède, l'E du mot exemplaire est majuscule : il est italique à celle-ci qui ne vaut pas l'autre.

Cette deuxième édition n'a pas de table analytique.

1604.

13. Les mémes. — Edition nouvelle, prise sur l'exemplaire trouvé après le décès de l'auteur, revu et augmenté d'un tiers, outre les précédentes impressions, enrichie de deux tables curieusement exactes et élaborées, Paris, Abel L'Angelier. M.D.C.IV. in-8.

Frontispice gravé. — Vires. - Note de mademoiselle de Gournay à la préface de Montaigne. - Fleurons à la lettre initiale des chapitres. — 1032 pages. Table analytique, et à la fin une table additionnelle, pour la vie de Montaigne, extraite des Essais. Le chapitre 21 du livre II est intitulé « Contre la fantasie..

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Bonne édition, moins belle et moins grande de format que les précédentes, publiées in-8° par le

même libraire. Pas de sommaires aux marges, quoi qu'en dise Henri Étienne (v. 1652).

1608.

14. Coste cite une édition sous cette date, et il la qualifie de bonne; je ne l'ai pas rencontrée, mais je crois qu'elle existe, car l'édition de 1611 porte un extrait du privilége accordé en date du 23 mars 1608 à Charles Sevestre et Jean Petitpas, ce qui confirme l'opinion de Coste. Suivant toute apparence, cette édition est in-8°.

D'après les détails du privilége, cette édition était enrichie et augmentée, outre les précédentes impressions, de petits sommaires en la marge, des choses plus remarquables, avec une table très ample et la vie de l'auteur; c'est la première fois que se rencontrent deux de ces additions qu'on retrouve dans les éditions suivantes.

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16. Les mêmes.-Édition nouvelle, enrichie d'annotations en marge,corrigée et augmentée d'un tiers outre les précédentes impressions, avec une table très ample des noms et matières remarquables et signalées, plus la vie de l'auteur, extraite de ses propres écrits. Paris, avec privilége du roy(1608). Chez François Gueffier, rue Saint-Jean-de-Latran, devant le collége de Cambray. 1611. in-8.

Frontispice gravé. Vires. Les deux préfaces.

La petite note de mademoiselle de Gournay est supprimée. Sommaire discours sur la vie de | Michel, seigneur de Montaigne. Sommaires aux marges. Indications des auteurs cités (c'est la première fois que cette addition se rencontre, à moins qu'elle n'existe à l'édition de 1608, que je n'ai pas vue) à la fin, extrait du privilége du roy. (Voyez à 1608.) Fleurons aux initiales.-1130 pages. Table non paginée. Pour la première fois cette édition est enrichie d'un portrait de Montaigne, gravé par Thomas de Leu, au bas duquel ou lit le quatrain suivant:

Voici du grand Montaigne une entière figure: Le peintre a peint le corps, et lui son bel esprit; Le premier par son art égale la nature, Mais l'autre la surpasse en tout ce qu'il écrit. Des exemplaires de cette édition sont indiqués chez Charles Sevestre, rue Saint-Jacques, devant les Mathurins. La date de l'édition est placée sur ceux-là à l'endroit où, pour les exemplaires de Gueffier, est la date du privilége.

D'autres exemplaires portent : Chez Jean Petitpas, rue Saint-Jean-de-Latran, au collége Cainbray.

1614.

17. Bien que je n'aie pas rencontré d'édition de 1614, je suis persuadé qu'il doit en exister une sous cette date, et je me fonde sur ce que, 1° à l'édition de 1617, l'avis des imprimeurs dit : « Lecteur, nous te donnons les Essais, reparés de nouveau de la version de leur latin »; il y avait donc eu une édition antérieure à 1617 où les citations étaient traduites, et cette traduction ne se trouve dans aucune des éditions qui précèdent; 2° le privilége de l'édition de 1617 est de 1614: il est peu probable qu'on ait attendu 3 ans avant d'en faire usage.

Ce privilége, dont l'extrait se trouve à 1617, est accordé à mademoiselle de Gournay, et elle l'a ensuite cédé à François Gueffier, Jean Petitpas, Charles Sevestre, Michel Nivelle et Claude Rigaud. C'est donc chez ces libraires que cette édition doit être indiquée. Le format était probablement in-4", puisque les deux éditions données en 1617 et 1625, par ces mêmes libraires, sont de ce format. Elle doit renfermer les sommaires aux marges, l'indication des auteurs, la vie de Montaigne, et pour la première fois la traduction des citations latines.

1616.

18. Les mêmes.-Édition nouvelle, etc. (comme à 1600), à Cologne, par Philippe Albert, 1616, in-8°. Petite préface de mademoiselle de Gournay. Sa note à la préface de Montaigne. Table analytique, intitulée comme celle de 1602. Titre imprimé, portant des armes fleurdelisées. - Fleurons aux lettres initiales. 1132 pages. - Table non paginée. Le chapitre 21 du livre II est intitulé Contre la fainéantise. Il y a une table analytique particulière pour la vie de Montaigne. Cette édition ne présente ni l'épigraphe Vires, ni les sommaires en marge, ni les indications d'au

teurs.

On trouve des exemplaires sur lesquels le mot Cologne est surchargé et illisible, et au-dessus on a imprimé le mot Genève.

1617.

notations en marge, du nom des auteurs cités et de la version du latin d'iceux, corrigée et augmentée, etc. Paris, Charles Sevestre, en l'ile du Palais, aux Trois Perruques, devant le Cheval de Bronze, 1617, in-4°.

Titre en rouge et en noir. Vires.- Portrait de 1611. - Avis des imprimeurs. Vie de Montaigne. Grande préface de mademoiselle de Gournay. En marge, sommaires et indications des auteurs. · Extrait du privilége daté du 28 novembre 1614. Quatre tables, 10 table des chapitres; 2° table analytique, intitulée comme celle de Leyde 1602;3' table des noms propres d'hommes, de peuples, d'animaux, de villes, etc.; 4° table qui indique ce qui a rapport à la vie de Montaigne.

Avis au lecteur par mademoiselle de Gournay, relatif aux traductions de presque toutes les citations latines et grecques, lesquelles sont réunies à la fin du volume dans l'ordre selon lequel elles se présentent dans l'ouvrage. Enfin, copie littérale de l'épitaphe latine gravée sur le tombeau qui a été élevé à Montaigne dans l'église des Feuillants de Bordeaux. Coste a donc eu tort de dire (Avis de l'édition de 1739) que cette épitaphe avait été imprimée pour la première fois dans l'édition de Paris 1725, in-4°.

On voit reparaître dans cette édition, mais modifiée et améliorée, la grande préface que mademoiselle de Gournay avait insérée dans celle de 1595; elle commence ainsi : Si vous demandez au vulgaire quel est César..

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L'avis que mademoiselle de Gournay a placé audevant des traductions fait connaître qu'elle a été aidée dans ce travail par MM. Bergeron, Martinière et Bignon; elle motive cette traduction, qu'elle juge superflue, par le désir de l'imprimeur, et elle ajoute: « Je ne présente pas d'excuse d'avoir laissé dormir les passages libertins sous le voile de leur langue étrangère, ni d'avoir tors le nez à quelque mot joyeux de l'un d'entre eux.» (Toutes les éditions antérieures, excepté l'in-12 de 1595, écrivent constamment Montaigne; dans celui-ci on dit alternativement Montaigne et Montagne.)

J'ai rencontré des exemplaires portant l'indication de: Paris, Michel Nivelle, rue Saint-Jacques, aux Signes; et d'autres avec celle-ci : Paris, pour Claude Rigaud, libraire, demeurant à Lyon.

Enfin il existe des exemplaires au nom des libraires Gueffier et Petitpas.

Voyez, pour le mérite de cette édition, celle de 1625.

1617.

20. Les mêmes.- (Titre détaillé de 1611) Rouen, Manassez de Preaula devant le portail des librai

19.Les mémes.—Édition nouvelle, enrichie d'an- res, 1617, în-8°.

Portrait et frontispice gravés de 1611. Vires. Petite préface de mademoiselle de Gournay. La note a celle de Montaigne ne s'y trouve pas.-Sommaires et indications des auteurs en marge. Fleurons aux initiales. - 1130 pages.

Des exemplaires portent l'indication,de: Rouen, chez Jean Osmon, dans la cour du Palais (Bibliothèque particulière à Valenciennes).

1619.

21. Les mêmes.-Rouen, chez la Veuve de Thomas Daré, devant l'Espérance, in-8.-Frontispice gravé. Portrait. 1130 pages.--Pas de petite note de mademoiselle de Gournay.-Sommaires aux marges, etc. Édition semblable à celles de 1602,-8,-11,-16,-17. 22. Les mêmes.-1619 in-8. Edition différente de la précédente.--Table analytique.-1130 pages.La note de mademoiselle de Gournay ne s'y trouve pas. -Vie de Montaigne.- Sommaires et indication d'auteurs aux marges. L'exemplaire que je possède, et qui est le seul que j'aie rencontré, n'a pas de titre; j'ignore par conséquent le lieu d'impression et le nom du libraire; mais à la fin on lit qu'il a été achevé d'imprimer: «ce dernier jour d'août 1619, à l'imprimerie de Jean Durand.» La liste chronologique des libraires et imprimeurs de Paris ne mentionne qu'un seul imprimeur du nom de Durand, mais il porte le prénom de Pierre, il est donc probable que cette édition n'est pas de Paris.

Le catalogue imprimé de la Bibliothèque royale indique sous cette date une édition des Essais chez J. Doreau à Leyde, mais l'indication correspond à un exemplaire de 1609, qui est effectivement de Doreau; ainsi on doit croire qu'il y a erreur au catalogue, et d'ailleurs la Bibliothèque royale ne possède pas aujourd'hui d'exemplaire de cette date.

(1624. M. Vernier indique une édition de 1624 à Londres, dans laquelle on a, dit-il, recueilli beaucoup de pièces nouvelles. Le même auteur mentionne aussi des éditions de Paris, 1625, et La Haye, 1627. Ces éditions n'existent pas, et M. Vernier a confondu ces éditions avec celles de 1724 1725 et 1727. J'ai relevé cette erreur parce que cet auteur fait ensuite reparaître ces éditions à leur véritable époque, ce qui forme un double emploi, et ce qui aurait pu ainsi faire croire à la réalité de leur existence aux dates de 1624,-25,-27.)

1625.

23. Les mêmes.Paris, Robert Bertauld, 1625, in-4°.

Des exemplaires portent : Veuve Remy Dallin, au mont et image Saint Hilaire ; d'autres: Charles Hulpeau demeurant au bout du Pont Saint-Michel, a l'image Saint-Jean; d'autres : Gilles et Robinot;

d'autres: Martin Collet, tenant sa boutique au Palais, en la galerie des Prisonniers.

Titre imprimé, avec l'épigraphe Vires. - Pas de privilége.

Cette édition commence par le même avis des imprimeurs que celle de 1617 avec laquelle elle présente une grande conformité; elle en diffère en plusieurs points: 1° la grande préface de mademoiselle de Gournay a encore éprouvé quelques modifications, retranchements et additions; 2° les indications d'auteurs et les sommaires n'existent que jusqu'à la page 96; 3° elle ne présente ni les tables, ni le portrait, ni l'épitaphe qui se trouvent à l'édition de 1617. Les traductions sont, comme à cette dernière, rassemblées dans l'ordre dans lequel elles se présentent dans les Essais.

Ces deux éditions sont très peu correctes, et les imprimeurs ont eu raison de terminer leur avis au lecteur, en disant: Excuse pour ce coup les fautes d'impression, la guerre écartant et troublant les meilleurs ouvriers, apporte toujours quelque désordre aux arts, notamment à ceux des Muses. » Mais celle de 1625 est plus incorrecte encore, et moins complète que celle de 1617, et toutes deux ne présentent d'intérêt qu'à cause de la réapparition de la préface de mademoiselle de Gournay, différente sur chacune d'elles et différente de ce qu'elle se montre en 1595 et de ce qu'elle devait être à l'édition de 1635.

1627.

24. Les mêmes.-Rouen, Robert Valentin, dans la cour du Palais, 1627, in-8°. Des exemplaires sont indiqués chez Jacques Calloué, dans la cour du Palais; d'autres chez Guillaume de la Haye, dans l'Estre Notre-Dame.

Titre gravé. - Vires. - Petite préface de mademoiselle de Gournay. · Portrait de 1611. Sommaires et indication des auteurs aux marges, table analytique, 1130 pages.

Édition conforme à celles de 1602,-9,-11,-16, -17,-19,-36,-49.

J'ai rencontré plusieurs exemplaires de cette édition, sur lesquels, à l'aide d'une surcharge, on avait fait un 9 du 2 à la date, et sur quelques-uns assez habilement pour qu'il fût très difficile de reconnaître 1627 dans le chiffre 1697.

1635.

25. Les mêmes.-— Edition nouvelle, exactement corrigée selon le vrai exemplaire; enrichie à la marge des noms des auteurs cités et de la version de leurs passages, mise à la fin de chaque chapitre, avec la vie de l'auteur; plus deux tables, l'une des chapitres et l'autre des principales matières.

Paris, Jean Camusat, rue Saint-Jacques, à la Toison d'or; MDCXXXV, in-folio.

Des exemplaires portent l'indication de Toussaint du Bray, rue Saint-Jacques, aux Espies mears, et Pierre Rocolet, imprimeur ordinaire du Roi, au Palais, en la galerie des Prisonniers, aux Armes de la ville.

D'autres exemplaires portent seulement au frontispice, Paris, M. D CXXXV, avec privilége du roi.

Le premier titre est imprimé en rouge et en noir; après cela vient un titre gravé, au milieu duquel est un portrait de Montaigne; au haut on lit: LES ESSAIS DE Michel, seigneur DE MONTAIGNE, et à droite et à gauche, sur deux banderoles flottantes, d'un côté : vires acquirit eundo, et de l'autre : unum pro cunctis; au-dessous du portrait les balances et le Que sais-je ? qui paraissent pour la première fois; au bas l'indication nouvelle de Paris, Camusat, 1635; pour les exemplaires de ce libraire et pour ceux des autres, il y a simplement Paris, rue St.-Jacques et au Palais. Les exemplaires de Camusat présentent encore à droite et au bas des armes supposées celles de Montaigne, et qui sont inexactes; et au verso de la dernière page du texte le privilége du roi transcrit intégralement, tandis que les exemplaires des autres libraires ne donnent qu'un extrait de cet acte et ne portent pas les armes. Après le privilége, vient la cession qu'en fait mademoiselle de Gournay à Jean Camusat. Cette édition a été donnée par mademoiselle de Gournay, qui l'a dédiée au cardinal de Richelieu, dont la libéralité l'avoit aidée à la mettre - au jour, les imprimeurs ayant depuis sept ou ⚫ huit ans refusé de s'en charger aux conditions ⚫ de soins et de fidélité qu'elle exigeoit. compose, outre les ESSAIS, d'une dédicace à Richelieu, de la grande préface de mademoiselle de Gournay, de la préface de Montaigne, datée du premier mars 1580, d'un sommaire de la vie de Montaigne, de la version des citations latines placée à la suite de chaque chapitre et d'une table analytique. Il n'y a pas de sommaires aux marges, mais seulement l'indication des auteurs cités 1. La préface apologétique qui reparaît ici est celle. que mademoiselle de Gournay avait d'abord insérée dans l'édition de 1595, puis, rétractée et supprimée en 1598; elle la reproduisit en 1599, dans la troisième édition du proumenoir de M. de Montaigne, en en retranchant les deux tiers; plus

Elle se

(1) Je ne sais sur quel fondement le Dictionnaire historique de Feller (Paris, 1818) dit qu'à la fin de cette édition se trouve le Promenoir de M. de Montaigne (petit ouvrage de mademoiselle de Gournay). Cette assertion est complétement erronée.

(2) Troisième édition. Paris, L'Angelier, 1899, in-18. Ce petit

tard (1617), elle la publia de nouveau en tête des ESSAIS après avoir fait un petit nombre de modifi cations, mais surtout après l'avoir presque doublée d'étendue; elle l'inséra, augmentée encore, dans l'édition des ESSAIS de 1625; enfin, après l'avoir de nouveau augmentée et corrigée, elle la joignit à cette édition. Cette préface n'est pas mauvaise, quoi qu'on en ait dit; il est certain que le style de la première était diffus et d'une boursouflure insupportable; mais celle de 1635 mérite moins de reproche. L'auteur discute sérieusement les objections principales qu'on a adressées aux ESSAIS, et elle y répond le plus souvent d'une manière victorieuse. C'est avec raison que Bayle a dit de cette préface « qu'elle méritait d'être lue » ; et Coste, qui, la confondant avec celle de 1595, l'avait exclue de la première édition qu'il a donnée, l'a admise dans la troisième et les suivantes.

Cette édition a été mise sur la même ligne que celle de 1595; quelques bibliographes lui donnent même la préférence, et le savant M. Weiss est de ce nombre. Malgré cette autorité dont je me plais à reconnaître tout le poids, j'oserai exprimer une opinion contraire, et dire que si l'édition de 1635 est supérieure à son aînée par les pièces qui y sont jointes, elle lui est inférieure sous le rapport de l'authenticité du texte, puisque mademoiselle de Gournay est forcée de convenir dans sa préface qu'elle a été obligée de céder à l'exigence des imprimeurs, et non pas de changer, mais oui bien de rendre seulement moins fréquents en ce livre trois ou quatre mots à travers champ, et de ranger la syntaxe d'autant de clauses ces mots sans nulle consequence, comme adverbes ou particules qui leur sembloient un peu revesches au goût de quelques douillets du siècle, et ces clauses sans aucune mutation de sens, mais seulement pour leur ôter certaine dureté ou obscurité qui sembloient naître à l'aventure de quelque ancienne erreur d'impression. Quel que soit le scrupule que mademoiselle de Gournay a apporté dans ces changements, il est certain qu'ils existent; et quoiqu'elle dise que cette édition est la sœur germaine de celle de 1595, cette dernière doit conserver sa prééminence sous le rapport de l'authenticité du texte, comme elle la possède sous le rapport de l'exécution typographique. M. Droz, qui donne la préférence à l'édition de 1635 sur celle de 1595, se fonde sur quelques différences

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volume, peu commun, contient le Proumenoir, quelques poésies et la préface. J'en ai examiné plusieurs exemplaires; tous m'ont offert une lacune dans la pagination. Le dernier feuillet des poésies est numéroté 78, et le premier de la préface est numéroté 111. Mais les lettres qui servent de signatures se suivent; quelques-uns des exemplaires ont des errata, d'au tres n'en ont pas.

qui existent entre ces deux éditions et sur son goût particulier pour la version la plus moderne. Mais on peut répondre que les changements apportés dans le texte de l'édition de 1635, fussent-ils des améliorations, ne sont pas l'œuvre de Montaigne. Mademoiselle de Gournay n'avait pas eu de matériaux nouveaux depuis 1595, époque à laquelle elle disait qu'elle était chargée de mettre au jour les ESSAIS DE MONTAIGNE, enrichis des traits de sa dernière main.

Quelle que soit mon opinion sur la valeur relative de ces deux éditions, on doit savoir gré à mademoiselle de Gournay des peines infinies qu'elle a prises pour empêcher, comme elle le dit dans sa dédicace, que les mains impures qui depuis longtemps avoient diffamé ce livre par tant de malheureusés éditions, osassent commettre le sacrilége d'en approcher.»

C'est à cette savante fille que nous devons la première édition complète des ESSAIS; et les soins qu'elle a apportés aux deux éditions qu'elle en a données lui mériteront toujours la reconnaissance des lecteurs de Montaigne. Pour faire apprécier ce qu'elle appelait sa religion en cela, je rapporterai quelques fragments de sa préface et un extrait du privilége du roi. Cette dernière pièce est remarquable, en ce que sa rédaction diffère de celle qu'on rencontre ordinairement dans ces actes, et qu'elle fait connaître le jugement de l'éditeur sur les éditions précédentes, sans exception même pour celles de 1617 et de 1625 auxquelles elle avait indirectement participé.

Voici l'extrait de ce privilége accordé à mademoiselle de Gournay en date du 13 septembre 1633, et qu'elle a ensuite cédé à Camusat le 28 août 1635 :

Louis............. notre chère et bien-amée, la damoiselle de Gournay, nous a fait remontrer que le feu sieur de Montaigne lui ayant, de son vivant, recommandé le soin de son livre des ESSAIS, et depuis son décès, ses plus proches lui ayant donné toute charge de l'impression d'iceux, comme il est notoire, et plusieurs fautes énormes s'étant coulées en la plupart des impressions, en sorte que tout le livre s'en trouve gâté et plein d'omissions et additions apostées, comme l'exposante a fait voir à aucuns de nos amés et féaux conseillers..... Elle a désiré rendre ce devoir au public et à la mémoire dudit défunt sieur de Montaigne, d'empêcher que ce désordre n'arrive plus en l'impression dudit livre, qui est d'importance comme étant un œuvre très excellent et qui fait honneur à la France.......... A ces causes, désirant gratifier ladite exposante et favoriser la bonne intention qu'elle a de conserver ledit œuvre des ESSAIS en la façon qu'il a été composé par l'auteur, sans qu'il

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y soit changé aucune chose qui puisse le corrompre.......... Faisons très expresses défenses à tous autres imprimeurs et libraires d'entreprendre d'imprimer ledit œuvre, sans le gré et consentement de ladite exposante et sans s'adresser à elle pour prendre avis et aveu de la copie et mé thode qu'ils doivent choisir pour faire sur icelle ladite impression, et s'obliger à elle d'y mettre bon ordre, et bons correcteurs pour éviter aux inconvéniens et fautes qui peuvent ruiner ledit livre, offrant aussi ladite exposante de sa part, rendre cet office gratuitement au public et auxdits imprimeurs quand ils l'en requerront, et sans les obliger à aucune charge que de suivre les anciens et meilleurs exemplaires, lesquels elle leur fournira, etc. »>

Conformément à la promesse qu'avait faite dans sa préface mademoiselle de Gournay de répéter encore la recherche des fautes de cette édition, et d'en mettre après un exemplaire en la bibliothèque du roi, corrigé des derniers traits de sa plume, afin que la postérité y puisse avoir recours au besoin, elle a fait don à la Bibliothèque royale d'un exemplaire qui porte un certain nombre de corrections, et sur lequel elle a écrit en tête don de madamoiselle de Gournay1.

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Enfin, mademoiselle de Gournay termine sa préface en disant : « Si quelqu'un accusoit tant de menus soins, comme pointilleux, j'estime au contraire qu'ils ne le peuvent être assez sur l'ouvrage d'un esprit de si haute sagesse que ses fautes pourroient servir d'exemple, si nous permettions qu'il en échappât ici 2. »

Bien que j'accorde à l'édition de 1595 sur celle de 1635 une préférence dont j'ai fait connaître les motifs, cette dernière n'en est pas moins une des meilleures que nous possédions des ESSAIS; elle est assez belle d'impression et de papier, quoique sous ces rapports elle soit inférieure à celle de

(1) Ces corrections, dont le nombre ne dépasse pas une trentaine, portent exclusivement sur des fautes d'impression autres que celles signalées à l'errata. Mademoiselle de Gournay a de plus ajouté, de sa main, en tête de presque toutes les pages, le numéro du chapitre, le chiffre du livre y étant scul indiqué.

(2) A l'occasion de cette édition, donnée par mademoiselle de Gournay, je mentionnerai un petit ouvrage, semi-anonyme, dont elle est auteur, que je n'ai vu nulle part indiqué dans la liste de ses ouvrages, et qui n'est pas compris dans les pièces qui composent les éditions de ses œuvres qui ont paru en 1626, 1634 et 1641. Ce petit ouvrage, inconnu à M Barbier, se compose de cent quatre pages; il est intitulé: Bienvenue de monseigneur le duc d'Anjou, dédiée à la sérénissime république de Venise, sou parrain désigné, par madamoiselle de G. Paris, Bourriquant, 1608, petit in-12. (Ce duc d'Anjou est Gaston, duc d'Orléans, second fils de Henri IV). J'ai acheté ce volume à la vente de la bibliothèque de Dulaure; il est porté au numéro 416 du catalogue.

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