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c'est, en quelque sorte, un portier occupé à écouter et répondre à plusieurs portes. Non, il n'y a point d'élèves aussi distraits, aux leçons qu'on leur donne, que les sourds muets. Qu'on me pardonne cette sorte de digression, j'ai cru ne devoir pas refuser cette explication à l'élève qui me l'a demandée.

Le même élève me fait part de ses vues sur la nécessité de faire marcher ensemble les principes de l'écriture et de la lecture, sur celles de retrancher les lettres inutiles, sur le nouvel ordre à donner aux lettres, sur la simplification de l'ortographe, et sa conformité avec la prononciation.

Je desirerais que les caractères d'imprimerie fussent semblables à ceux de l'écriture courante, pour ne pas avoir à apprendre deux sortes de syllabaires aux enfans.

Quant à ce dernier article, quelques moyens qu'indique le citoyen Drapeau, pour opérer insensiblement cette identité de forme dans l'écriture et dans l'impression, il ne serait pas possible de remédier à l'inconvénient qui en résulterait pour la lecture des livres anciens. Quel malheur, si les ouvrages immortels de Bossuet, de Daguesseau, de Corneille, de Racine, de Lafontaine, de Labruyère, de Fénélon, de Pascal, de l'abbé Barthélemy, de Condillac, de Mably; si les savans mémoires de l'académie des sciences, de celle des inscriptions. devenaient barbares pour les français, ou si les français devenaient jamais barbares pour ces ouvrages!

Le citoyen Dubois, après m'avoir dit les choses les pins obligeantes, à propos de la séance où mon élève

MASSIEU, quand on lui dit d'embrasser son meilleur ami, vint se jeter dans mes bras, me dit les choses les plus raisonnables sur la distinction qu'il faut faire entre le sourd et le muet. Vous savez qu'i! a été question de cela dans une de nos séances. Vous savez que j'ai dit qu'il n'y avait pas de sourd de naissance qui ne fût muet, mais qu'il y avait quelquefois des muets qui n'étaient pas sourds; que c'était alors un défaut d'organisation dans les organes de l'instrument vocal: ainsi je n'ajouterai rien de plus.

Le citoyen Liandier desire savoir la raison pourquoi, dans des phrases semblables, quant aux mêmes vues de l'esprit, on n'emploie pas exactement les mêmes signes. Il a été satisfait de l'explication qui a été donnée de la préposition à, qui se trouve entre deux verbes, pour servir en quelque sorte de porte action du premier au second, comme dans cette phrase je commence A vous entendre. Il sent bien que le sujet d'action, sortant pour ainsi dire d'un état passif, ou du repos, et se disposant à agir, il marque son passage à l'activité, et c'est la préposition a qui peut seule remplir cette fonction.

Voici la lettre de cet élève :

CITOYEN PROFESSEUR. Cette explication ne laisserait rien à desirer, si dans d'autres phrases qui expriment la même chose, cette préposition pouvait être employée. Dans celle-ci, par exemple, Je vais vous entendre. Ce sujet d'action se dispose également à agir, et cependant son terine de départ et de passage à l'activité, ne sont marqués par au

tune préposition. Dans la phrase de retour au contraire, si je peux m'exprimer ainsi : Je viens de vous entendre, on fait usage de la prépostition DE. Je pourrais citer un grand nombre d'exemples qui offrent le même contraste, et dont il me semble difficile de rendre raison".

SICARD. Voici, citoyens, ce qu'il faut observer à l'égard de cette difficulté. Toutes les fois que nous trouvons la préposition à entre deux verbes, dont le premier exprime quelque mouvement, quelque action qui va se porter du lieu où l'on est à un autre lieu, on peut, je crois, donner cette raison ci. On peut, en se servant d'une comparaison très -familière, et que j'espère que vous voudrez bien excuser, dire que la préposition A est une espèce de battelet qui sert à porter l'action d'un bord exprimé par un verbe à l'autre bord exprimé par le second verbe.

Vous vous rappellerez tous, sans doute, ce que le citoyen Wailly nous dit à ce propos-là. Il fit remarquer qu'il y avait des occasions où l'on exprimait en français la préposition à, et des occasions où on la supprimait sans aucune raison, ni pour l'un, ni pour l'autie; c'est une bizarrerie de l'usage qu'on ne peut justifier.

Quant à la préposition de, vous voyez que c'est encore la même raison. Je viens de vous entendre, ou je viens DE tel lieu, il est certain que De fait, en raison inverse, te même effet que la préposition A quand on dit je commence A vous entendre.

Wailly. Me serait-il permis de dire un mot? Je viens de, marque une chose que l'on a faite récemment, au lieu que je viens sans de, marque une chose que l'on fait je viens vous avertir, je viens pour vous avertir, je viens de l'avertir, je l'ai averti tout à l'heure, voilà de petites nuances.

LE PROFESSEUR. Le citoyen Wailli remarque avec raison, qu'il y a des occasions ou DE présente des vues différentes. Ici, par exemple, je viens de vous avertir, il signifie précisément ce que signifie le de; ce que la préposition DE signifie toujours, c'est-à-dire, qu'il exprime le lieu que l'on quitte pour aller dans un autre. Je viens DB vous avertir, c'est comme si l'on disait, je viens Du lieu de l'action de l'avertissement, je sors DE cette action là, comme je sors DE la la chambre, je viens DE vous avertir, je n'avertis plus, cela est fait. Au lieu que je viens vous avertir. Les Italiens rendraient cette forme-là par la préposition A qu'ils ne suppriment presque jamais. Qu'un homme dise, je vais agir, ou je vais A agir, c'est la même chose; je viens vous avertir, c'est comme si on disait, je vais A vous avertir, et il faudrait le dire si notre langue était assez philosophique pour conserver toujours et ne rompre jamais le fil de l'analogie; mais comme je viens de le dire, souvent la préposition à est supprimée; dans d'autres occasions elle est exprimée. Quand elle est exprimée, elle ne dit pas plus que lorsqu'elle est supprimée; lorsqu'elle est . supprimée, c'est une véritable ellipse que l'on fait, et que ne font pas les Italiens.

Le citoyen Waiilly a observé qu'alors ce serait le mot pour qu'on mettrait à sa place, et vous savez tous qu'a et POUR s'employent assez souvent l'un pour l'autre.

Wailly. Il y a une autre occasion où l'on emploie à avec le verbe venir; s'il vient à vous avertir, c'est encore un autre gallicisme.

LE PROFESSEUR : le citoyen Wailly remarque encore qu'il y a des occasions où l'on met à après le verbe venir, comme dans cette phrase, si je viens à vous avertir de cette chose, la ferez-vous ? Dans cette occasion, l'analogie est encore parfaite; il n'y a pas d'exception, cela rentre dans notre règle générale, que la préposition A marque le passage d'un lieu à un autre. Il est bien avantageux de pouvoir ainsi étendre et généraliser les règles, et faire ensorte d'en diminuer, autant qu'il est possible, les exceptions.

Le citoyen Bession, à propos de l'étymologie que j'ai donné au mot soleil, m'a communiqué des réflexions très-utiles, qui prouvent la nécessité qu'il y aurait de perfectionner cette partie des langues, la partie ÉTHYMOLOGIQUE.

Le citoyen Bession dit que la connaissance de l'ÉTHYMOLOGIE nous sert dans les langues anciennes ; comme la signification des mots est presque toujours dans la réunion des élémens compositeurs, il n'est pas douteux que quelqu'un qui connaîtrait parfaitement les élémens, ne connût mieux qu'un autre la signification d'un mot composé.

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