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Je me rappelle le grand mot de Quintilien et celui d'Horace: C'est l'usage qui est le maître des langues.

Après Horace et Cicéron, Quintilen ajouté : "Et l'ortographe même dépend de l usage. "

Il est bien certain que ce mot que je viens de rapporter de Quintilien proscrit mon opinion, parce que vous êtes dans l'usage de mettre un P et une H, auxquels vous donnez une prononciation qui, vraisemblablement, n'était pas celle des Grec; car, qui pourrait évoquer un ancien Grec pour lui faire prononcer ce signe-la? Ce signe là est il au nombre des seize caractères de Cadmus ? Je n'en crois rien, cela peut ne pas être.

Vous avez besoin d'une grande série de petits signes ; allous au minimum en fait de signes oculaires. Vous avez besoin d'une grande série de petits signes oculaires qui échapperont dans vos types, puisque vous réduisez vos signes oculaires multipliés contre lesquels a paru s élever un des candidats. Il n'y a pas d'inconvénient, car aujourd'hui on peut écrire, sans mettre les accens; ou fera la même chose, à l'avenir, quand vos signes seront établis.

Je pense qu'il serait à souhaiter de faire mainbasse, là-dessus. Vous voyez le vœu que formait Quintilien. Il trouve qu'ils avaient des lettres inutiles; il tombe à bras raccourci, sur le K, qui se trouve dansla préposition CUM, sur une troisième lettre qui faisait, à peu-près, le même son.

Ayons pitié de l'enfance, à qui il en coûte tant pour apprendre à lire.

Je ne comprends pas par quel trait de Providence

(s'il nous est permis de parler ainsi), nos enfaus apprennent à lire.

Tout homme qui a réfléchi, n'ignore pas que les neuf dixièmes de la France ne savent jamais épeler ; et que les trois quarts des hommes non lettrés savent lire, il est vrai, mais savent-ils épeler? Non; car quand il arrive un mot anglais, un terme d'art, rien que le mot cambium, que le vénérable Professeur (montrant le citoyen Daubenton), rapportait, l'autre jour, dans sa leçon, alors me voilà dans l'embarras.

:

On apprend donc mal à lire mais le dernier moyen de s'assurer qu'un enfant sait lire, ce serait qu'on lui mît sur un papier, trois lignes de grec ou de Bas-Breton, ou de toute autre langue, ce qu'on voudra, et qu'il le lise imperturbablement. Voilà le premier signe d'un homme qui sait lire, c'est qu'il lise les autres ne font que reconnaître les différens mots; il manque une lettre, ils lisent, sans s'appercevoir qu'il manque une lettre. Le citoyen Professeur, par exemple, ne s'en apperçoit pas ; car la plénitude qu'ila de son objet le rend l'homme du monde le moins propre à le corriger; et le projet vraiment louable de tout simplifier en faveur de l'enfance, excuse le goût de cette espèce de superstition que nous avons pour les langues.

Je vois bien que nous avons, oient, qui finit tous nos mots, à la troisième personne de l'imparfait. Vous proposez une simplification pleine de jugement; ôteznous donc, oient, pour faire quoi? Un seul son. Et bien tombez donc dans la même simplicité; et ce

que vous faites pour tant d'autres mots, tâchez de le faire pour la suppression de, oient.

SICARD. Citoyen, je dois vous rappeler que l'objet qui doit, principalement, nous occuper, dans cette conférence, c'est le nouvel alphabet que je propose, c'està-dire, le nombre de signes que nous devons fixer pour les sons que nous appelons, voyelles.

Je verrais avec peine finir cette conférence, si cet objet, qui me paraît bien essentiel, n'était pas discuté.

Je n'ai proposé d'abord que cinq voyelles, je n'allais qu'en tremblant vers la réforme ; mais le vœu gé. néral m'a inspiré plus de confiance et plns de hardiesse. Je vais les remettre sous vos yeux.

Il y a d'abord cinq voyelles qui sont en possession, depuis long-temps, d'être les voyelles principales; mais n'y a t-il que ces cinq là? Voilà quel fut l'objet de la dernière conférence.

Ce serait le cas de vous présenter ici le tableau complet de toutes les voyelles : mais n'anticipons pas sur notre syllabaire ; il doit nous suffire d'annoncer que nous aurons d'abord que quatre voyelles principales, qui nous en donneront quatre autres nées de celles-là, puis quatre autres nazales, qui seront aussi des dérivées des autres.

Voici les caractères que je propose. On pourrait prenpre, pour la voyelle, ou, le W des anglais; pour la voyelle eu, l'Y des Grecs.

Loyer. Est-ce dans le caractère des minuscules? Je prendrai la liberté d'observer que si vous prenez Pupsilon des Grecs il arrivera qu'il sera composé

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d'un angle dont le sommet sera presque imperceptible, dans les petits caractères; car dans tout ce que vous faites, il est important d'avoir attention à l'état de la typographie, qui mérite la plus sérieuse attention, pour ne pas multiplier les frais des nouvelles refontes des caractères. Si c'est l'upsilon majuscule, il part un petit pied du sommet de votre angle, il sera presqu'invisible dans l'écriture majuscule antique ; et dans l'écriture cursive, même inconvénient je ne sais pas comment vous vous tirerez d'affaires, dans ce petit caractère ; pour peu que les deux branches soient liées, il pourra faire un omicron.

Gail. Vous paroissez desirer de nouveaux signes pour remplacer, ce qu'on appelle, les diphtongues eu, ou, et l'e muet. Je vois que vous avez recours à un signe dont le son est parfaitement déterminé. J'admets volontiers votre idée. Quant à l'Y, je ne crois pas que ce remplacement soit heureux. L'Y a une détermination tout-à-fait contraire; il ne se prononçait pas ainsi chez les Grecs ; il ne se prononce pas ainsi chez les Grecs modernes ; il se prononce encore i. Puisque ce son est déterminé, je ne vois pas comment nous pourrons prendre un son déterminé pour lui appliquer un autre son: Je crois qu'indépendamment des raisons du citoyen Loyer, vous ne devez pas l'admettre, par la raison qu'il a un son tout-à-fait opposé.

On a cité Quintilien, tout-à-l'heure, pour prouver que le Ph, qu'il voulait rejeter de la langue latine, ne méritait pas d'y être conservé; mais lorsque Quintilien parlait ainsi, il ne voyait aucun désavantage de

perdre l'étymologie, cette source si précieuse pour tous les gens instruits.

Chez les Romains, tous envoyaient leurs enfans. dans la Grèce. On avait à Rome des Athéniens trèsinstruits. Les esclaves même étaient fort lettrés. Quintilien, dont l'autorité me paraît très-respectable, a eu raison par rapport aux Romains; mais les Français n'ont pas le même avantage.

Je suis convaincu qu'il est très-digne d'un peuple libre, de joindre le langage français à la langue d'un peuple éloquent et libre. La langue grecque refleurira; mais je crois que l'autorité de Quintilien doit être nulle pour nous. Quintilien faisait le raisonnement du citoyen Loyer. Les gens non cultivés ne demanderont pas compte de ce qu'on a perdu. Les gens culti vés à Rome n'en devaient pas demander compte : ils pouvaient aller, à chaque instant, à Athènes; et d'ailleurs ils avaient, avec eux, des hommes instruits, qui leur donnaient des éclaircissemens. Je ne doute pas que la langue grecque ne refleurisse parmi nous, et quant a moi je ferai tout mon possible pour cela.

SICARD. L'essentiel est de savoir si on aura un signe particulier pour le Ph. Quant au choix du caractère. il est assez indifférent.

On conviendra de la valeur des caractères, et les imprimeurs seront, peut-être, plus en état que nous, de donner des lumières là-dessus.

Armand du Conedic. Il me semble qu'avant de prononcet sur la question proposée par le citoyen Professeur, sur le nombre de signes qui pourraient convenir aux

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