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ESPÈCE de raillerie grossière, maligne et insultante. Le brocard est, à proprement parler, une injure plutôt qu' 'une raillerie. La raillerie, tant qu'elle ne sort point des bornes que lui prescrit la politesse, est l'effet de la gaieté et de la légereté de l'esprit. Elle épargne l'honnête homme, et le ridicule qu'elle attaque est souvent si léger, qu'elle n'a pas même le droit d'offenser. Mais le brocard annonce un fond de malignité, il offense et ulcère le cœur. La raillerie exige beaucoup d'esprit dans ceux qui la manient, sans quoi elle dégénère en brocard pour lequel tout homme a toujours assez d'esprit.

(M. l'abbé YVON.)

ON N donne ce nom à une espèce de chanson, dont l'air est facile et simple, et le style galant et naturel, quelquefois tendre, et souvent enjoué.. On les appelle ainsi, paree qu'il est arrivé souvent que dans ces chansons, le poëte s'adressant à une jeune fille, lui a donné le nom de brunette, petite brune.

Brunette, mes amours.
Languirai-je toujours?

Un vrai modèle dans ce ce genre, est cette chanson de Dufrény.

Phillis, plus avare que tendre,
Ne gagnant rien à refuser,
Un jour exigea de Sylvandre,
Trente moutons pour un baiser.

Le lendemain nouvelle affaire:
Pour le berger le troc fut bon;
Car il obtint de la bergère,
Trente baisers pour un mouton.

Le lendemain, Phillis plus tendre,
Tremblant de se voir refuser,
Fut trop heureuse de lui rendre
Trente moutons pour un baiser.

Le lendemain Philis peu sage,
Auroit donné moutons et un chien,
Pour un baiser que le volage

A Lisette donna pour rien.

Les airs des brunettes doivent être naturels, gracieux et expressifs. On a des recueils de brunettes fort estimés.

(M. MARMONTEL.)

SORTE de poésie triviale et plaisante, qu'on emploie pour jeter du ridicule sur les choses et sur les per

sonnes.

La poésie burlesque paroît être moderne, aussi bien que le nom qu'on a donné à ce genre singulier. On regarde les Italiens comme en étant les inventeurs. D'Italie, le burlesque passa en France, où il devint tellement à la mode, qu'il parut en 1649 un livre, sous le titre de la Passion de notre Seigneur, en vers burlesques. En vain a-t-on voulu l'introduire en Angleterre; le flegme de la nation n'a jamais pu goûter cette extravagance, et à peine compte-t-on deux auteurs qui y ayent réussi.

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<<< Il semble dit à cette occasion un auteur qui a » écrit depuis peu sur la poésie, que la première au» rore du bon goût ne dût luire qu'à travers les nuages » ténébreux que le mauvais goût s'efforçoit de lui op » poser. En effet, rien étoit-il plus contraire au bon» sens et à la nature, qu'un style qui choquoit direc» tement l'un et l'autre, et dont les termes has, les expressions triviales, les imaginations ridicules, for» moient les prétendues graces, sans parler du mépris » que ses partisans faisoient des bienséances? On a peine » à comprendre comment une nation qui les connoît » et qui les observe si exactement aujourd'hui, les né»gligeoit et se faisoit en quelque sorte honneur de les "violer, il n'y a pas cent ans. Quoique l'Académie française eût été établie par le cardinal de Richelieu, » pour ramener et fixer le bon goût, quelques mem»bres de cette compagnie,, tels que Voiture, Bense» rade, etc. étoient encore partisans du burlesque. » Il est cependant croyable, ajoute-t-il, et il faut le dire l'honneur de notre nation, que ce genre pour » si justement méprisé, doit son origine à une erreur » par laquelle ceux qui ont donné dans le burlesque, » ont été entraînés insensiblement et comme par de»grés, ne distinguant pas assez le naïf du plat et du

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» bouffon, comme l'insinue M. Despréaux. En consé-
»quence, on a d'abord employé le burlesque à décrire
» des aventures ordinaires, comme ayant plus d'ai-
»sance et plus de simplicité que le style noble affecté
» aux grands sujets. On l'a donc confondu avec le style
» naïf qui embellit les plus simples bagatelles. La facilité
» apparente de celui-ci a séduit ceux qui s'y sont atta-
chés les premiers; mais elle a bientôt dégénéré en né-
gligence celle-ci a entraîné la bassesse, et la bassesse
» a produit la licence. Cette conjecture est fondée :
» 1°. sur ce que la plus grande partie des vers burles-
»ques de ce temps-là consiste en récits; 2°. sur ce que
» des auteurs contemporains, tels que Balzac, ont con-
fondu ces deux
néanmoins si différens. Abusés
genres,
» par la facilité d'un style bas, ils se sont persuadés
faussement qu'ils avoient trouvé l'art d'écrire avec
>> cette noble aisance, avec ce badinage délicat dans le-
» quel Marot á excellé ».

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Tout le monde sait que Scarron a mis l'Énéide en vers burlesques, sous le titre de Virgile travesti, et d'Assouci les Métamorphoses en même style, sous celui d'Ovide en belle humeur; et que ces ouvrages sont aujourd'hui aussi décriés qu'ils étoient autrefois goûtés.

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Ceux qui se sont élevés sérieusement contre le burZesque, ont perdu leur peine à prouver ce que tout le monde savoit. Les écrivains même, qui se sont égayés dans ce genre, ne doutoient pas qu'il fût contraire au bon sens et au bon goût. Mais ne seroit-on pas ridicule de représenter à un homme qui se déguise grotesquement pour aller au bal, que cet habit n'est pas à la mode? Assurément l'auteur du Roman comique savoit bien ce qu'il faisoit en travestissant l'Enéide; mais il y a de bons et de mauvais bouffons; et, sous l'enveloppe du burlesque, il peut se cacher souvent beaucoup de philosophie et d'esprit. Le but moral de ce genre d'éerits est de faire voir que tous les objets ont deux faces; de déconcerter la vanité humaine, en présentant les plus grandes choses et les plus sérieuses, d'un côté ri

dicule

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dicule et bas, et en prouvant à l'opinion qu'elle tient souvent à des formes. De ce contraste du grand au petit, continuellement opposés l'un à l'autre, naît, pour les ames susceptibles de l'impression du ridicule, mouvement de surprise et de joie si vif, si soudain, si rapide, qu'il arrive souvent à l'homme le plus mélancolique d'en rire tout seul aux éclats; et c'est quelquefois l'homme du monde qui a le plus de sens et de goût, mais à qui la folie et la gaieté du poëte font oublier, pour un moment, le sérieux des bienséances. La preuve que cette secousse que le burlesque donne à l'ame, vient du contraste inattendu dont elle est fortement frappée, c'est que mieux on connoît Virgile et mieux on en sent les beaut és, plus on s'amuse à le voir travesti par l'imagination plaisante et folle de Scarron.

L'Énéide travestie n'est autre chose qu'une mascarade, comme Scarron le dit lui-même; et cette mascarade n'est pas aussi grotesque qu'on le pense communément. Ce sont des dieux et des héros déguisés en bourgeois de Paris, mais tous avec leur propre caractère, dont Scarron a saisi le côté ridicule, avec beaucoup de justesse d'esprit. C'est ainsi que de Jupiter il a fait un bonhomme; de Junon, une commère acariâtre ; de Vénus, une mère complaisante et facile; d'Enée, un dévot larmoyant, un peu timide et un peu niais; de Didon, une veuve ennuyée de l'être; d'Anchise, un vieux bavard; de Calchas, un vieux fourbe; de la Sibylle, une devineresse, une diseuse de logogryphes; et de l'oracle d'Apollon, un faiseur de rébus picards. Quant au personnage qu'il a pris lui-même, c'est celui d'un conteur naïf et ignorant, qui confond les temps et les mœurs, et qui fait parler tout son monde comme on parle dans son quartier. Tel est ce genre de comique; et, si l'on veut en avoir une idée plus juste, on peut le voir dans cette réponse de Jupiter aux plaintesde Vénus:

Ce dieu donc, des dieux le plus sage,
Se radoucissant le visage,

Et la prenant sous le menton,
Lui dit: Bon dieu! que diroit-on,
Si l'on yous voyoit ainsi faire?

Tome 11.

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