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DES MATIÈRES CONTENUES DANS LES OEUVRES COMPLETES DE M. EMERY.

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Dissertation sur la mitigation de la peine des damnés.

1358

Instruction en forme de dialogue sur quelques préjugés du temps contre la religion. 1413 La conduite de l'Eglise dans la réception des ministres de la religion qui reviennent de l'hérésie ou du schisme, depuis l'âge de saint Cyprien jusqu'aux derniers siècles.

1447

Mémoire sur cette question: Quelle conduite peuvent et doivent tenir les personnes religieuses, lorsque, dans les circonstances présentes, elles sont à même de recueillir une succession?

1537

Lettre de Mme de *** à sa fille.

Le fanatisme de l'ignorance confondu, ou Réponse à l'Apologie des décrets, par le
R. P. Lalande de l'Oratoire.

Lettre au R. P. Lalande sur son Apologie de la constitution civile du clergé.
Seconde lettre au R. P. Lalande sur son Apologie de la constitution civile du clergé.
Témoignage de l'Eglise, depuis les apôtres jusqu'à nos jours, en faveur de la pro-
messe de fidélité.

Observations sur une lettre d'un vicaire général de Toulouse, relative au serment de
liberté et d'égalité.

1541

1545 1566

1584

1593

1627

NOTA. Quelques bibliographes attribuent encore à M. Emery un ouvrage auquel ils donnent pour titre : Moyens de ramener l'unité dans l'Eglise, 1 vol. in-8°, 1802. Mais il est évident qu'ils se trompent. La congrégation de Saint-Sulpice ne connaît aucun écrit de M. Emery ayant porté ce titre. Elle pense que le bibliographe qui, le premier, a publié cette erreur, a changé le titre d'un autre livre bien connu de M. Emery, et qui est intitulé: Conduite de l'Eglise dans la réception des ministres de la religion qui reviennent de l'hérésie et du schisme. Nous allons plus loin: nous croyons pouvoir affirmer, par suite de nos recherches, qu'il n'existe aucun ouvrage sous ce titre ni de M. Emery, ni d'aucun autre auteur.

imprimerie MIGNE, au Petit-Montrouge.

NOTICE SUR M. ÉMERY.

Jacques-André EMERY, supérieur général de la congrégation de Saint-Sulpice, naquit à Gex, le 26 août 1732. Il était le second fils du lieutenant général criminel du bailliage de cette ville. Il étudia d'abord chez les Jésuites de Mâcon, et entra, vers 1750, à la petite communauté de Saint-Sulpice, à Paris. Il y prit les ordres, et s'attacha à la congrégation des prêtres de Saint-Sulpice. Ordonné prêtre, en 1756, on l'envoya, trois ans après, professer le dogme au séminaire d'Orléans, d'où il passa à celui de Lyon, pour y enseigner la morale. Il prit alors des degrés dans l'université de Valence, et fut reçu docteur en théologie, en 1764.

Ce fut pendant son séjour à Lyon, qu'il publia ses deux premiers ouvrages, l'Esprit de Leibnitz et l'Esprit de sainte Thérèse. L'auteur se proposa de réunir dans le premier tout ce que Leibnitz avait écrit sur la religion. Affligé de l'esprit de son siècle, il voulait le ramener à la religion par une grande autorité, et lui prouver que l'incrédulité n'était pas, comme on s'en vantait, le partage de toute idée pensante, et qu'on pouvait ici opposer philosophe à philosophe. Il rapporte, en effet, une foule de passages qui montrent combien Leibnitz était attaché au christianisme, et combien il était même instruit dans la théologie proprement dite. L'Esprit de sainte Thérèse est dans un genre différent. C'est un recueil de ce que l'auteur a jugé de plus usuel et de plus pratique dans les écrits de la sainte. Il y en a deux éditions qui sont épuisées, celle de 1775 et celle de 1779.

En 1776, M. Emery fut fait supérieur du séminaire d'Angers, et grand vicaire de ce diocèse. Il fut chargé, plus d'une fois, et presque seul, des détails de l'administration, soit à cause des absences de M. de Grasse, évêque d'Angers, soit en raison de sa mort, qui arriva au commencement de 1782. Cette même année, sur la démission de M. le Gallic, il fut nommé supérieur général de sa congrégation. Il était digne de succéder aux Olier et aux Tronson. Esprit d'ordre, coup d'œil juste, connaissance des affaires, discernement des hommes, mélange heureux de douceur et de fermeté; telles étaient ses principales qualités.

Il était d'usage que les supérieurs généraux de Saint-Sulpice eussent une abbaye; le roi le nomma, en 1784, à celle de BoisGroland, au diocèse de Luçon. Elle était d'un revenu peu considérable, mais qui suffisait à l'ambition d'un homme plein de l'esprit de son état, modeste, désintéressé.

En 1789, lors des premiers orages de la révolution, il établit un séminaire de sa congrégation à Baltimore, qui venait d'être érigé en évêché, et y envoya plusieurs de ses prêtres, qui y travaillèrent avec zèle à étendre la religion. La révolution vint l'enOEUVRES COMPL. DE M. EMERY.

lever à des occupations qui lui étaient chères. Il vit son séminaire dispersé, et fut enfermé deux fois la première à SaintePélagie, où il ne resta que six semaines; la seconde à la Conciergerie, où il passa seize mois il vit se renouveler souvent cette prison, qui était comme le vestibule de l'échafaud, et où arrivaient chaque jour les victimes destinées à une mort prochaine. On dit que Fouquier-Thinville se proposait bien de lui faire avoir aussi son tour, mais qu'il le laissait par calcul, parce que, suivant son expression, « ce petit prêtre empêchait les autres de crier. » M. Emery fut utile dans sa prison à plusieurs condamnés, et il reçut entre autres l'expression du repentir de Claude Franchet et d'Adrien Lamourette, qui avaient donné dans plus d'une erreur, et pris part au schisme.

Rendu à la liberté après la terreur, il devint un des principaux administrateurs du diocèse de Paris, dont M. de Juigné, alors en exil, l'avait nommé grand vicaire. Ses connaissances, sa sagesse, l'estime dont il jouissait, le rendirent en quelque sorte le conseil du clergé et des fidèles. Sa correspondance était très-étendue, et il n'y pouvait suffire que par une vie active, par une sage distribution de tous ses moments, et par une grande facilité à écrire. De longues études, un jugement sain, un tact sûr, l'avaient préparé de bonne heure à répondre sur une foule de questions relatives à son ministère. Il savait combiner l'attachement aux règles avec les tempéraments que nécessitaient les circonstances. Il n'était point ami des mesures extrêmes, et se défiait de l'exagération en toutes choses. Quelques-uns lui ont même reproché d'avoir poussé trop loin la condescendance et la modération. Mais dans tout le cours de la révolution, il marcha constamment sur la même ligne. Il ne fut pas ardent dans un temps et modéré dans un autre. Il n'allait point chercher l'orage, mais il l'attendait sans crainte. Il ne bravait pas l'injustice des hommes, mais il ne s'en laissait pas intimider. L'intérêt de la religion le guidait toujours. Ceux qui ne jugent que d'après l'impulsion du moment, lui trouvèrent trop de fermeté quand ils en manquaient eux-mêmes, ou trop de mollesse quand ils étaient exaltés. Mais c'étaient eux qui changeaient. Pour lui, il fut toujours le même, sage, égal, mesuré, sachant céder, lorsqu'il le croyait utile, mais sachant aussi résister avec force quand il le jugeait nécessaire. Au milieu de ses nombreuses occupations, et malgré les inquiétudes et les troubles, fruit des circonstances, il trouva le moyen de composer plusieurs ouvrages.

Lors du serment prescrit par l'assemblée constituante, il fit une réponse à un ouvrage en faveur de la constitution civile du clergé. Comme il parut alors beaucoup d'écrits de

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ce genre, on ne saurait dire précisément quel était le titre du sien. Il donna, en 1797, un Mémoire sur cette question : Les religieuses peuvent-elles aujourd'hui, sans blesser leur conscience, recueillir des successions, et disposer par testament? I publia l'écrit intitulé Conduite de l'Eglise dans la réception des ministres de la religion, qui reviennent de l'hérésie et du schisme. Il inséra plusieurs morceaux dans les Annales catholiques. Il aimait la littérature, et quand il eut perdu par la révolution la bibliothèque de sa maison, il sut en former une autre avec beaucoup de choix. Il acheta les manuscrits originaux de Fénelon, qui ont servi à M. de Bausset, évêque d'Alais, son ami, pour composer l'histoire de l'illustre archevêque.

La retraite où le condamna la journée du 4 septembre 1797 (18 fructidor), l'engagea à mettre la dernière main à son ouvrage sur Bacon. Il le publia, en 1799, sous le titre de Christianisme de François Bacon, 2 vol. in-12. Le discours préliminaire, la Vie de Bacon, et deux éclaircissements qui sont à la fin de l'ouvrage, attestent la solidité, la sagesse et la critique de l'auteur. En 1803, il donna une nouvelle édition de l'Esprit de Leibnitz, et l'intitula, Pensées de Leibnitz sur la religion et sur la morale, 2 vol. in-8°. Il devait y joindre un Eclaircissement sur la mitigation des peines de l'enfer; mais après avoir fait imprimer cet écrit, il en arrêta la distribution, et il ne s'en est répandu qu'un très-petit nombre d'exemplaires. Depuis, il s'était encore procuré de nouvelles pièces sur Leibnitz, et entre autres, un manuscrit de la main de ce philosophe sur les points controversés entre les catholiques et les protestants, manuscrit dans lequel Leibnitz se déclarait en faveur des premiers. Il se proposait de publier cette pièce importante.

Il se rendit éditeur de la Défense de la révélation contre les objections des esprits forts, par Euler, suivies des Pensées de cet auteur sur la religion, supprimées dans la dernière édition de ses Lettres à une princesse d'Allemagne, Paris, 1795, in-8°. En 1807, il fit paraftre les Nouveaux opuscules de Fleury, 1 vol. in-12, auxquels il joignit ensuite des Additions, qui ont servi de prétexte pour l'inquiéter.

Son dernier ouvrage est les Pensées de Descartes, 1 vol. in-8°, 1811. Il se proposait de joindre Newton aux philosophes dont il avait fait connaître les sentiments, et de montrer que ces grands hommes avaient tous été attachés à la religion. Mais il n'a pas eu le temps d'achever cet ouvrage, et il n'a laissé que des notes imparfaites.

Il a été l'éditeur de plusieurs des ouvrages de M. de Luc, ainsi que des Lettres à un évêque sur divers points de morale et de discipline, par M. de Pompignan, 1802, 2 vol.in-8°. Après la chute du Directoire, M. Emery, qui s'était tenu caché, reparut, et inséra dans les Annales philosophiques quelques écrits en faveur de la soumission. Son ex

périence et ses lumières auraient dû sans doute engager les auteurs du concordat à recourir à lui, lors de cette transaction importante; mais on eut, au contraire, l'air de redouter ses conseils. Il fut entièrement mis à l'écart, et même arrêté quelque temps; ce qui n'a pas empêché que, dans des écrits publiés en pays étranger, on ne l'ait accusé d'avoir été le principal agent dans cette grande affaire. Mais M. Emery était trop attaché aux règles pour approuver tout ce qui se fit à cette époque. Il se soumit au concordat comme étant émané de l'autorité du SaintSiége; mais il ne prit point de part à plusieurs des mesures prises pour son exécution. On alla néanmoins jusqu'à l'accuser d'ambition; vain reproche qu'il fit tomber en refusant l'évêché d'Arras. Il ne demandait qu'à reprendre ses fonctions de supérieur du séminaire. Il rassembla, en effet, plusieurs jeunes ecclésiastiques, établit un séminaire à Paris, acheta une maison, et reforma sa congrégation.

Dépositaire des anciennes traditions, il les perpétuait dans le clergé. Il avait la confiance de plusieurs évêques, et entre autres d'un prélat, alors en crédit, et par le moyen duquel il opéra quelque bien.

On le fit conseiller de l'Université, et, en 1809, on l'adjoignit à une commission de deux cardinaux et de cinq évêques, chargés de répondre à différentes questions sur les affaires de l'Eglise. Il parla toujours avec beaucoup de liberté dans cette commission, et refusa de souscrire à l'avis arrêté le 11 juin 1810, refus qu'on ne lui pardonna point. Il eut ordre de quitter son séminaire, et il vécut plus que jamais dans la retraite. On le savait fort attaché au Saint-Siége, et personne, en effet, ne ressentait plus vivement les maux de l'Eglise et les chagrins du Souverain Pontife. Il n'en parlait qu'avec douleur. Toutefois, on l'adjoignit à une seconde commission, où il montra le même zèle. Il eut même une occasion éclatante de manifester ses sentiments. Mandé aux Tuileries, avec les autres membres de la commission, il parla librement à l'empereur, et il ne craignit pas de faire briller la vérité à ses yeux; il exposa la véritable doctrine de Bossuet, et osa même réclamer en faveur de la souveraineté temporelle des Papes. Son courage mesuré, sa gravité modeste, ses raisons déduites avec force et présentées avec sagesse, firent impression sur l'esprit de Napoléon I"; et, pendant que la crainte fermait toutes les bouches, un simple prêtre plaida la cause de la religion et se fit écouter.

M. Emery méritait de finir par là une carrière marquée par tant de services. Il tomba malade peu après, et mourut, universellement regretté, le 28 avril 1811. Ses obsèques furent honorées par la présence de plusieurs cardinaux et prélats, et par les larmes de ses élèves et de ses amis. Il fut enterré dans sa maison d'Issy, où ses séminaristes voulurent porter eux-mêmes son corps.

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DE M. ÉMERY,

SUPÉRIEUR DU SÉMINAIRE DE SAINT-SULPICE.

ESPRIT DE SAINTE THÉRÈSE.

PREFACE.

On a dit qu'il n'était point d'auteur plus admiré et en même temps moins lu que Platon; je ne sais si on ne pourrait point en dire autant d'une sainte à qui la beauté du génie, l'élévation des pensées, la magnificence du style, la grandeur du caractère donnent d'ailleurs avec le divin Platon une conformité frappante. On voit bien que nous parlons de sainte Thérèse, et les personnes instruites ne seront point étonnées que nous trouvions des rapports singuliers entre elle et le philosophe de l'antiquité qui a parlé le plus noblement de la Divinité, et pénétré le plus avant dans ces mystères. Mais, quoi qu'il en soit de tous ces rapports, il est au moins très-constant que le public, qui a la plus haute idée des OEuvres de sainte Thérèse, ne les lit pourtant point, ou les lit très-peu. C'est même cette haute idée qui en est la principale cause. On croit qu'il ne s'y agit, le plus souvent, que de révélations, de ravissements, d'extases: que la sainte est perpétuellement abinée de la Divinité; que de là elle donne des leçons de perfection, et tient un langage que les hommes peuvent à peine entendre; en un mot, que ses OEuvres ne sont utiles et intelligibles qu'à des âmes d'une oraison éminente, et dont le nombre ne peut donc qu'être fort petit, même dans les communautés religieuses les plus fer

ventes.

Voilà le préjugé que rapportent et que répandent des personnes même pieuses, qui en ont tenté la lecture; et il faut convenir que le préjugé n'est pas sans quelque fondement, car il est vrai que la sainte parle souvent de visions et de révélations, surtout dans sa Vie écrite par elle-même; qu'elle entre dans d'assez grands détails sur leurs suites et leur usage; qu'elle décrit les opérations les plus extraordinaires du SaintEsprit dans les âmes; qu'elle suppose ou qu'elle tend à établir dans les religieuses auxquelles elle adresse la parole, la contem

plation la plus parfaite et la plus haute mysticité. Il ne faut donc point être surpris si des personnes d'une piété commune, et qui tombent sur cette partie des OEuvres de sainte Thérèse, n'y comprenant rien, ou du moins n'y voyant rien qui puisse être à leur usage, abandonnent le livre sans l'approfondir davantage, et en dégoûtent tous ceux qui se proposeraient d'en entreprendre la lecture. Ajoutons encore que le dégoût provenant du fond des matières, est fortifié par le désordre du discours. Le lecteur, à tout moment, en perd le fil, et ne le retrouve qu'avec peine, parce que sainte Thérèse, ne pouvant contenir les élancements de l'amour qui la consume, abandonne tout à coup son sujet, et se livre à de longues digressions. Il y a plus; accablée d'affaires et d'infirmités, et ne travaillant en conséquence que dans des intervalles de temps très-courts et très-éloignés les uns des autres, il ne lui a pas été possible de mettre toujours de l'ordre et de la liaison dans ses pensées.

Cependant, si nous convenons de ce qui précède, on doit aussi nous accorder que sainte Thérèse, dans ceux mêmes de ses ouvrages où elle s'élève le plus haut, et ne peut enlever avec elle que les âmes les plus pures, ne perd pas toujours de vue celles qui tiennent à la terre. Elle parle toujours, il est vrai, le langage des anges; mais souvent c'est celui des anges se familiarisant et conversant avec les hommes. Les sentiments affectueux auxquels elle se livre si fréquemment, ne sont point en pure perte pour le lecteur; l'ardente charité qui brûle son cœur, embrase quelquefois ses expressions, et échaufferait les lecteurs les plus insensibles : d'ailleurs, elle donne, à l'usage de toutes les personnes qui aspirent à la perfection, les maximes les plus sages, les avertissements les plus salutaires, les règles les plus éprouvées; et tout cela est présenté avec des grâces, un naturel, un air d'amitié et de per

suasion, qui gagnent la confiance et entraînent l'acquiescement. Faut-il donc, parce qu'il est dans les OEuvres de sainte Thérèse quelques parties qui ne conviennent qu'à très-peu de personnes, que celles qui conviendraient, qui seraient infiniment utiles à tous, demeurent sans usage, ignorées, en quelque sorte, et ensevelies pour toujours? Et le travail d'un éditeur qui les rassemblerait avec intelligence, ne serait-il pas vraiment important et à la gloire de sainte Thérèse et à la piété des fidèles?

Voilà ce qui nous a fait naître l'idée, et quel est aussi l'objet de l'ouvrage que nous donnons au public. Nous avons eu pour modèle, l'Esprit de saint François de Sales et sa Solide dévotion, deux livres si utiles et si répandus, mais qui étaient au fond moins nécessaires et moins difficiles à exécuter que le nôtre, parce que les ouvrages dont ils sont extraits sont ou à la portée ou entre les mains de tous les fidèles.

On nous permettra d'ajouter encore une observation sur l'utilité d'un ouvrage tel que le nôtre. Une infinité de personnes ont écrit et écrivent encore sur la piété. Nous sommes bien éloignés de condamner la multiplicité même excessive des ouvrages en ce genre; mais il faut pourtant avouer que c'est aux saints qu'il appartient singulièrement de parler de la sainteté, et que mille raisons nous engagent à les écouter et à les suivre préférablement à tous les maîtres qui se présentent à nous. Le langage de la piété a bien

leurs maximes sont consacrées par l'expérience, toute leur vie en est la démonstration. Jamais l'homme, dans leur personne, ne peut être mis en contradiction avec le prédicateur, parce qu'ils donnent en même temps les leçons et les exemples. Profondément pénétrés des vérités qu'ils inculquent, véritablement enflammés de zèle pour le salut du lecteur, ils n'ont pas besoin de s'agiter comme tant d'autres, et si on peut s'exprimer ainsi, de se battre les flancs pour s'animer et pour mettre quelque chaleur dans leurs discours. Ce sont leurs écrits qui nous offrent les exemples de ces mouvements affectifs qui touchent le cœur, de cette onction insinuante qui le pénètre, de ce pathétique tendre qui achève de le gagner: infiniment plus acrédités que les écrivains vulgaires, ils sont dispensés de fournir des preuves, leur autorité suffit; et cela est vrai surtout à l'égard des saints, dont la gloire principale est d'avoir été singulièrement éclairés dans les voies spirituelles.

Ces vérités présupposées, quelle confiance ne doivent pas inspirer les OEuvres spirituelles de sainte Thérèse ? Non-seulement elle fut une sainte illustre par ses vertus, mais elle paraît avoir été extraordinairement suscitée de Dieu, pour donner aux hommes les leçons de la perfection la plus sublime. Ce sont ses lumières extraordinaires, encore plus que ses vertus, qui lui ont fait un nom si glorieux dans toute l'Eglise. Elles étaient si éclatantes ces lumières, que ses

directeurs les plus savants se mettaient à leur tour sous sa conduite. Des évêques même, éminents d'ailleurs en doctrine et en sainteté, prenaient ses conseils sur leur conduite particulière, et les suivaient avec une docilité filiale. Ses ouvrages si recherchés, si estimés, si authentiquement approuvés pendant sa vie, seront toujours un des plus riches trésors de l'Eglise. Quelle longue chaîne ne formerions-nous pas si nous rassemblions tous les témoignages honorables qui leur ont été rendus par les théologiens les plus célèbres et les auteurs les moins suspects?

Le vénérable Jean de Palafox, évêque d'Osma, en a commenté une très-grande partie; et il l'a fait avec un respect et des égards qui ne seraient point indignes du texte sacré. Le grand Bossuet en appelait la doctrine une doctrine céleste. Dans la dispute du quiétisme, on lui opposa quelques passages de sainte Thérèse, et il les discuta avec autant d'égards et de ménagements que les textes des saints Pères les plus révérés. Le savant et judicieux Fleury, dans les Mœurs des Israelites, au témoignage du concile de Trente et de saint Charles, dont il appuyait un de ses sentiments, associe celui de sainte Thérèse, et ajoute indistinctement qu'il s'est déterminé sur de si grandes autorités. Le célèbre abbé de Choisi admirait les OEuvres de notre sainte. Elles respirent, disait-il, l'amour divin, et montrent un génie sublime.

Mais pourquoi prolongerions-nous plus loin la chaîne des témoignages rendus aux OEuvres spirituelles de sainte Thérèse? Nous aurons tout dit en ajoutant qu'elles lui ont mérité de la part des Papes Grégoire XV et Urbain VIII, l'auguste titre de docteur de l'Eglise; titre si singulier dans une femme, qu'on ne sache pas qu'il ait jamais été accordé à d'autres qu'à sainte Thérèse.

Les OEuvres de sainte Thérèse proprement dites, ne sont point l'unique fond dont nous avons tiré nos matériaux. Nous avons mis encore à contribution ses lettres imprimées, et celles que nous avons adoptées ne seront pas la partie de notre ouvrage la moins curieuse et la moins instructive. On doit sentir qu'en général nous avons dû préférer celles qui renferment des sentiments de piété et fournissent des règles de conduite, à une multitude d'autres où on ne voit que des détails sur le gouvernement temporel de ses monastères. Cependant, pour donner dans toute son étendue l'esprit de sainte Thérèse, et accréditer encore plus universellement ses maximes, nous avons jugé convenable d'en insérer quelques-unes qui ne servent immédiatement qu'à faire connaître sa capacité dans la conduite des affaires, la gaieté de son caractère, la sensibilité de son cœur, les charmes de son esprit. On conviendra sans doute, après les avoir lues, que cette sainte, si sévère à elle-même, si élevée dans la contemplation, et qui semblait ne plus tenir à la terre, était la femme de son siècle, non-seulement la plus habile,

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