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-A Boulogne-sur-Mer, M. Léon de Chanlaire. avait établi une école d'enseignement mutuel, dans une salle bâtie par lui exprès avec beaucoup de dépenses. Là, trois cents enfans apprenaient l'arithmétique et le dessin. Les riches payaient pour les pauvres, et de ceux-ci cinquante se trouvaient habillés sur la rétribution des autres; tout allait le mieux du monde. Ces enfans s'instruisaient et n'étaient point fouettés. Les frères ignorantins, qui fouettent et n'instruisent pas, ont fait fermer l'école, et de plus ont demandé que la salle de M. de Chanlaire leur fût donnée par les jésuites, maîtres de tout. Chanlaire est accouru ici pour parler aux jésuites et défendre son bien (Nota, que toute affaire se décide à Paris; les provinces sont traitées comme pays conquis). Il va voir Frayssinous, qui lui répond ces mots: Ce que j'ai décidé, nulle puissance au monde ne le saurait changer. Parole mémorable et digne seulement d'Alexandre ou de lui.

Tous ces célibataires fouettant les petits garçons et confessant les filles, me sont un peu suspects. Je voudrais que les confesseurs fussent au moins mariés; mais les frères fouetteurs, il faudrait, sauf meilleur avis, les mettre aux galères, ce me semble. Ils cassent les bras aux enfans qui ne se laissent point fouetter. On a vu cela dans les journaux de la semaine passée. Quelle rage! Flagellandi tam dira cupido!

Un Anglais m'a dit : Nos ministres ne valent pas mieux que les vôtres. Ils corrompent la nation pour le gouvernement, récompensent la bassesse, punissent toute espèce de générosité. Ils font de fausses conspirations, où ils mettent ceux qui leur déplaisent, puis de faux jurys pour juger ces conspirations. C'est tout comme chez vous. Mais il n'y a point de police. Voilà la diffé

rence.

Grande, très grande cette différence, à l'avantage de l'Anglais. La police est le plus puissant de tous les moyens inventés pour rendre un peuple vil et lâche. Quel courage peut avoir l'homme élevé dans la peur des gendarmes, n'osant ni parler haut, ni bouger sans passe-port, à qui tout est espion, et qui craint que son ombre ne le prenne au collet?

Pour faire fuir nos conscrits, les Espagnols n'ont qu'à s'habiller en gendarmes.

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Quand Marchangy voulut parler aux députés, il fut tout étonné de se voir contredit, et perdit la tête d'abord. Il lui échappa de dire, croyant être au palais : Qu'on le raie du tableau; en prison les perturbateurs; M. le président, nous vous requérons...... Plaisante chose qu'un Marchangy à la tribune, sans robe, et sans bonnet carré; mais avec son bonnet..... Jeffries, Laubardemont! Il sera, dit-on, réélu, et songe à exclure les indignes.

Les journaux de la cour insultent le duc d'Orléans. On le hait; on le craint; on veut le faire voyager. Le roi lui disait l'autre jour : Eh bien! M. le duc d'Orléans, vous allez donc en Italie? -Non pas, sire, que je sache. - Mon Dieu si, vous y allez; c'est moi qui vous le dis, et vous m'entendez bien. Non, sire, je n'entends point, et je ne quitte la France que quand je ne puis faire autrement.

Ce d'Effiat, député en ma place, est petitfils de Rusé d'Effiat qui donna l'eau de chicorée à madame Henriette d'Angleterre. Leur fortune vient de là. Monsieur récompensa ce serviteur fidèle. Monsieur vivait avec le chevalier de Lorraine, que Madame n'aimait pas. Le ménage était troublé. D'Effiat arrangea tout avec l'eau de chi corée. Monsieur, depuis ce temps, eut toujours du contre-poison dans sa poche, et d'Effiat le lui fournissait. Ce sont là de ces services que les grands n'oublient point, et qui élèvent une famille noble. Mon remplaçant n'est pas un homme à donner aux princes ni poison ni contre-poison; il ferait quelque quiproquo. C'est une espèce d'imbécile qui sert la messe, et communie le plus souvent qu'il peut. Il n'avait, dit-on, que cinquante voix dans le collége électoral : ses scrutateurs ont fait le reste. J'en avais deux cent vingt

connues.

L'empereur Alexandre a dit à M. de Cha

teaubriand : « Pour l'intérêt de mon peuple et de ma religion, je devais faire la guerre au Turc; mais j'ai cru voir qu'il s'agissait de révolution entre la Grèce et le Turc, je n'ai point fait la guerre. J'aime bien moins mon peuple et ma religion, que je ne hais la révolution, qui est proprement ma bête noire. Je me réjouis que vous soyez venu; je voulais vous conter cela.» Quelle confidence d'un empereur! Et le romancier qui publie cette confidence! Tout dans son discours est bizarre.

Il entend sortir les paroles de la bouche de l'empereur. On entend sortir un carrosse ou des chevaux de l'écurie; mais qui diantre entendit jamais sortir des paroles? Et que ne dit-il : Je les ai vues sortir, ces paroles, de la bouche de mon bon ami qui a huit cent mille hommes sur pied? Cela serait plus positif, et l'on douterait moins de sa haute faveur à la cour de Russie.

Notez qu'il avait lu cette belle pièce aux dames; et quand on lui parla d'en retrancher quelque chose, avant de la lire à la Chambre, il n'en voulut rien faire, se fondant sur l'approbation de madame Récamier. Or, dites maintenant qu'il n'y a rien de nouveau. Avait-on vu cela? Nous citons les Anglais est-ce que M. Canning, voulant parler aux Chambres, de la paix, de la guerre, consulte les ladys, les mistriss de la Cité?

Les gens de lettres, en général, dans les em

plois, perdent leur talent, et n'apprennent point les affaires. Bolingbroke se repentit d'avoir appelé près de lui Addison et Steele.

-Socrate, avant Boissy d'Anglas, refusa, au péril de sa vie, de mettre aux voix du peuple assemblé une proposition illégale. Ravez n'a point lu cela; car il eût fait de même dans l'affaire de Manuel. Il est vrai que Socrate, présidant les tribus, n'avait ni traitement de la cour, ni gendarmerie à ses ordres. Manuel a été grand quatre jours; c'est beaucoup. Que faudrait-il qu'il fit à présent? Qu'il mourût, afin de ne point décheoir.

D'Arlincourt est venu à la cour, et a dit : Voilà mon Solitaire et mes autres romans, qui n'en doivent guère au Christianisme de Cha. teaubriand. Mon galimatias vaut le sien; faitesmoi conseiller-d'état au moins. On ne l'a pas écouté. De rage, il quitte le parti, et se fait libéral. C'est le maréchal d'Hocquincourt, jésuite ou janséniste, selon l'humeur de sa maîtresse et l'accueil qu'il reçoit au Louvre.

-Ravez maudit son sort, se donne à tous les diables. Il a fait ce qu'il a pu, dans l'affaire de Manuel, pour contenter le parti jésuite. Il n'a point réussi. Ceux qu'il sert lui reprochent de s'y être mal pris, disent que c'est un sot, qu'il devait éviter l'esclandre, et qu'avec un peu de prévoyance, il eût empêché l'homme d'entrer,

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