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prince; et en tant qu'il nous touche, je suis de cet avis. Je prie Dieu pour la bande noire, qui d'ellemême doit avoir Dieu favorable, car elle aide à l'accomplissement de sa parole. Dieu dit: Croissez, multipliez, remplissez la terre, c'est-à-dire, cultivez-la bien; car sans cela, comment peupler? et la partagez; sans cela, comment cultiver? Or, c'est à faire ce partage d'accord, amiablement, sans noise, que s'emploie la bande noire, bonne œuvre et sainte, s'il en est.

Mais il y a des gens qui l'entendent autrement. La terre, selon eux, n'est pas pour tous, et surtout elle n'est pas pour les cultivateurs, appartenant de droit divin à ceux qui ne la voient jamais et demeurent à la cour. Ne vous y trompez pas le monde fut fait pour les nobles. La part qu'on nous en laisse est pure concession, émanée de lieu haut, et partant révocable. La petite propriété, octroyée seulement, comme telle peut être suspendue et le sera bientôt; car nous en abusons ainsi que de la Charte. D'ailleurs, et c'est le point, la grande propriété est la seule qui produise. On ne recueillera plus, on va mourir de faim, si la terre se partage, et que chacun en ait ce qu'il peut labourer. Au laboureur aussi cultivant pour soi seul sans ferme ni censive, la terre ne rend rien. Il la paie bien cher; il achète l'arpent huit ou dix fois plus cher que le gros éligible qui place à deux et demi; c'est qu'il n'en tire

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rien. Si tant est qu'il laboure, le petit propriétaire; la bêche, l'ignoble bêche, disent nos députés, déshonore le sol, bonne tout au plus à nourrir une famille, et quelle famille ! en blouse, en guêtres, en sabots. Le pis, c'est que la terre morcelée, une fois dans les mains de la gent corvéable, n'en sort plus. Le paysan achète du monsieur, non celui-ci de l'autre, qui, ayant payé cher, vendrait plus cher encore. L'honnête homme, bloqué chez lui par la petite propriété, ne peut acquérir aux environs, s'étendre, s'arrondir (il en coûterait trop), ni le château ravoir les champs qu'il a perdus. La grande propriété, une fois décomposée, ne se recompose plus. Un fief, une abbaye sont malaisés à refaire, et comme chaque jour les gens les mieux pensans, les plus mortels ennemis de la petite propriété, vendent pourtant leurs terres, alléchés par le prix, à l'arpent, à la perche, et en font les morceaux les plus petits qu'ils peuvent, la bêche gagne du terrain, la rustique famille bâtit et s'établit sans aller pour cela en Amérique, aux Indes; les grandes terres disparaissent, et le capitaliste, las d'espérer, de craindre ou la hausse ou la baisse, ne sait comment placer. Il y aurait moyen de se faire un domaine sans acheter en détail, ce serait de défricher. Mais, diantre, il ne faut pas, et les lois s'y opposent, afin de conserver; on en viendra là cependant, si le morcellement continue: les lan

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des, les bruyères périront. Quelle pitié! quel dommage! O vous, législateurs nommés par les préfets, prévenez ce malheur, faites des lois, empêchez que tout le monde ne vive! Otez la terre au laboureur et le travail à l'artisan, par de bons privilèges, de bonnes corporations; hâtez-vous, l'industrie, aux champs comme à la ville, envahit tout, chasse partout l'antique et noble barbarie; on vous le dit, on vous le crie: que tardez-vous encore? qui vous peut retenir? peuple, patrie, honneur? lorsque vous voyez là emplois, argent, cordons, et le baron de Frimont.

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AUX

AMES DÉVOTES

DE LA PAROISSE DE VÉRETZ,

DÉPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE,

(1821.)

ON recommande à vos prières le nommé PaulLouis, vigneron de la Chavonnière, bien connu dans cette paroisse. Le pauvre homme est en grande peine, ayant eu le malheur d'irriter contre lui tout ce qui s'appelle en France courtisans, serviteurs, flatteurs, adulateurs, complaisans, flagorneurs et autres gens vivant de bassesses et d'intrigues, lesquels sont au nombre, dit-on, de quatre ou cinq cent mille, tous enrégimentés sous diverses enseignes et déterminés à lui faire un mauvais parti; car ils l'accusent d'avoir dit, en taillant sa vigne :

Qu'eux, gens de cour, sont à nous autres, gens de travail et d'industrie, cause de tous maux;

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Qu'ils nous dépouillent, nous dévorent au nom du roi, qui n'en peut mais';

Que les sauterelles, la grêle, les chenilles, le charançon ne nous pillent pas tous les ans, au lieu que lesdits courtisans des hautes classes s'abattent sur nous chaque année, au temps du budget, enlèvent du produit de nos champs le plus clair, le plus net, le meilleur et le plus beau, dont bien fâche audit seigneur roi, qui n'y peut apporter remède ';

Que tous ces impôts, qu'on lève sur nous en tant de façons, vont dans leur poche et non pas dans celle du roi'; étant par eux seuls inventés, accrus, multipliés chaque jour à leur profit comme au dommage du roi non moins que des sujets";

Que lesdits courtisans veulent manger Chambord et le royaume et nous, et le peuple et le roi devant lequel ils se prosternent, se disant dévoués à sa personne';

Que les princes sont bons, charitables, humains, secourables à tous et bien intentionnés ; mais qu'ils vivent entourés d'une mauvaise valetaille' qui les sépare de nous, et travaille sans cesse à corrompre eux et nous;

1 Voyez la page 177. Voyez page 178.

3 Même page.

4 Voyez page 179.

5 Même page.

6 Voyez page 190. 7 Voyez pages 192 el suiv.

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