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RECUEIL

DES LETTRES

DE M. DE VOLTAIRE.

1775-1778.

Correfp. générale. Tome XII. A

DES LETTRES

DE M. DE VOLTAIRE.

LETTRE PREMIER E.

A M. CHRISTIN, avocat à Saint-Claude.

CELUI

Le 9 de janvier.

ELUI qui a l'impertinence de vivre encore dans Ferney, accablé de maladies; celui qui ne ceffera 1775. jamais de vous aimer tant qu'il respirera; celui qui s'intéreffe plus que jamais aux efclaves que vous allez rendre libres; celui qui efpère faire encore fes pâques une fois avec vous avant de mourir, vous embraffe très-tendrement, mon cher ami, vous et toute votre famille.

Vous favez, fans doute, que quelqu'un ayant dit, devant le roi, que M. Turgot n'allait jamais à la meffe, M. de Maurepas a répliqué qu'en récompense M. l'abbé Terrai y allait tous les jours. V.

1775.

I I.

LETTRE

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

16 de janvier.

Mon cher ange, je fens la grandeur de vos pertes,

ON

et je fens auffi que, dans mon miférable état, je ne puis être au nombre de ceux qui, par leur préfence, par leur affiduité et par leur zèle, font à portée de verfer quelque confolation dans votre belle ame. Il eft certain que, fi je puis avoir au printemps un peu de force, et fi je fuis sûr d'être entièrement ignoré, je viendrai me jeter entre vos bras. Ne pourriez-vous point trouver quelque façon de me mettre à portée de venir vivre quelque temps pour vous seul, avant que je meure? Si, par exemple, M. le duc de Praslin allait à Praflin au printemps, fi vous y alliez passer une quinzaine de jours, s'il voulait avoir la bonté de me donner une chambre bien chaude dans ce château que j'ai habité fi long-temps, je viendrais vous y trouver et jouir de vos bontés et des fiennes, fans être tenté d'entrer dans Paris. J'abandonnerais volontiers pour vous ma colonie qui demande mes foins continuels du foir au matin. Vous feriez ma confolation beaucoup plus que je ne ferais la vôtre; car vous avez perdu la plupart de vos amis, et j'ai perdu les trois quarts de moi-même.

Si je ne puis vous apporter mon douloureux et trifte individu, accablé par la vieilleffe, et n'ayant que la mort en perfpective, je vous enverrai du

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