Page images
PDF
EPUB

dons, l'automne procure encore à l'homme avide de jouissance les richesses et les plaisirs de la chasse. C'est en vain que la perdrix et le lièvre timides cherchent à éluder, sous les plis de sa robe, les poursuites de leur agile ennemi; bientôt hors d'état de fuir, ils deviendront la proie du chasseur.

L'HIVER.

L'hiver paraît le dernier et vient fermer le cercle de l'année; il renverse à ses pieds le flambeau d'où émane la chaleur créatrice et en comprime les feux sans les éteindre. De l'urne de bronze qu'il tient sous son bras il laisse échapper les trésors de la gelée, et presse du pied les flocons amoncelés de la neige étincelante; bientôt ils se divisent, se répandent en tournoyant sur la terre affligée, et l'enveloppent d'un immense vêtement de deuil. Des oiseaux aquatiques fendent d'un vol rapide l'atmosphère glaciale. Le tyran de l'année, vêtu d'un manteau où s'imprime la morne couleur dont il flétrit la végétation; ce manteau lui sert d'ornement et lui couvre à peine les épaules. Ses bras robustes, ses cuisses et scs jambes nerveuses et à découvert décèlent sa force indomptable. Ses cheveux, sa barbe et ses sourcils, semblables aux pics des glaces éternelles des Alpes ou des Pyrénées, hérissent son aspect farouche; les brouillards et les noirs orages s'engendrent de sa tête menaçante; ils siégent sur son front tristement baissé vers la terre qu'il glace de ses sombres regards. Une couronne de branches mortes, monument de son triomphe sur l'été, ceint sa tète; quelques feuilles desséchées y tiennent encore; d'autres s'en détachent et vont à ses pieds joncher la neige. Mais les lois puissantes de la nature ne permettent point à l'hiver d'outrager toutes ses productions; il les respecte encore, et, pour preuve de son obéissance aux immuables volontés de la déesse, il a joint à son lugubre diadème quelques tiges de ces arbres toujours verdoyants dont il accroît et rehausse encore pour lui plaire la sombre et majestueuse beauté.

(GIRODET.)

BOUCLIER DE TÉLÉMAQUE.

Télémaque, qui était abattu et inconsolable, oublie sa douleur; il prend ses armes, don précieux de la sage Minerve, qui, paraissant sous la figure de Mentor, fit semblant de les avoir reçues d'un excellent ouvrier de Salente, mais qui les avait fait faire à Vulcain dans les cavernes fumantes du mont Etna.

Ces armes étaient polies comme une glace et brillantes comme les rayons du soleil : on y voyait Neptune et Pallas qui disputaient entre eux à qui aurait la gloire de donner son nom à une ville naissante. Neptune, de son trident, frappait la terre, et on en voyait sortir un cheval fougueux; le feu sortait de ses yeux et l'écume de sa bouche; ses crins flottaient au gré du vent; ses jambes souples et nerveuses se repliaient avec vigueur et légèreté; il ne marchait point, il sautait à force de reins, mais avec tant de vitesse, qu'il ne laissait aucune trace de ses pas on croyait l'entendre hennir.

De l'autre côté, Minerve donnait aux habitants de sa nouvelle ville l'olive, fruit de l'arbre qu'elle avait planté. Le rameau auquel pendait son fruit représentait la douce paix avec l'abondance, préférable aux troubles de la guerre dont ce cheval était l'image. La déesse demeurait victorieuse par ses dons simples et utiles, et la superbe Athènes portait son nom. On voyait aussi Minerve assemblant autour d'elle tous les beaux-arts qui étaient des enfants tendres et ailés ils se réfugiaient autour d'elle, étant épouvantés des fureurs brutales de Mars qui ravage tout, comme les agneaux bèlants se réfugient autour de leur mère à la vue d'un loup affamé, qui d'une gueule béante et enflammée s'élance pour les dévorer. Minerve, d'un visage dédaigneux et irrité, confondait, par l'excellence de ses ouvrages, la folle témérité d'Arachné, qui avait osé disputer avec elle pour la perfection des tapisseries. On voyait cette malheureuse dont tous les membres exténués se défiguraient et se changeaient en araignée. Auprès de cet endroit paraissait encore Minerve, qui, dans la guerre des géants, servait de conseil à Jupiter

même, et soutenait tous les autres dieux étonnés. Elle était aussi représentée, avec sa lance et son égide, sur les bords du Xanthe et du Simoïs, menant Ulysse par la main, ramenant les troupes fugitives des Grecs, soutenant les efforts des plus vaillants capitaines Troyens, et du redoutable Hector même; enfin introduisant Ulysse dans cette fatale machine qui devait en une seule nuit renverser l'empire de Priam.

D'un autre côté, le bouclier représentait Cérès dans les fertiles campagnes d'Enna, qui sont au milieu de la Sicile. On voyait la déesse qui rassemblait les peuples çà et là cherchant leur nourriture par la chasse, ou cueillant les fruits sauvages qui tombaient des arbres. Elle montrait à ces hommes grossiers l'art d'adoucir la terre et de tirer de son sein fécond leur nourriture. Elle leur présentait une charrue, et faisait atteler des bœufs. On voyait lä terre s'ouvrir en sillons par le tranchant de la charrue; puis on apercevait les moissons dorées qui couvraient ces fertiles campagnes : le moissonneur avec sa faux coupait les doux fruits de la terre, et se payait de toutes ses peines. Le fer, destiné ailleurs à tout détruire, ne paraissait employé en ce lieu qu'à préparer l'abondance et qu'à faire naître tous les plaisirs.

Les nymphes, couronnées de fleurs, dansaient ensemble dans une prairie, sur le bord d'une rivière, auprès d'un bocage; Pan jouait de la flûte, les faunes et les satyres folâtres santaient dans un coin; Bacchus y paraissait aussi couronné de lierre, appuyé d'une main sur son thyrse, et tenant de l'autre une vigne ornée de pampres et de plusieurs grappes de raisin. C'était une beauté molle, et avec je ne sais quoi de noble, de passionné et de languissant : il était tel qu'il parut à la malheureuse Ariadne, lorsqu'il la trouva seule, abandonnée et abîmée dans la douleur sur un rivage inconnu.

Enfin on voyait de toutes parts un peuple nombreux; des vieillards qui allaient porter dans les temples les prémices de leurs fruits; de jeunes hommes qui revenaient vers leurs épouses, lassés du travail de la journée; les femmes allaient au-devant d'eux, menant par la main leurs petits enfants qu'elles caressaient,

On voyait aussi des bergers qui paraissaient chanter, et quelques-uns dansaient au son du chalumeau. Tout représentait la paix, l'abondance et les délices : tout paraissait riant et heureux. On voyait même dans les pâturages les loups se jouer au milieu des moutons; le lion et le tigre, ayant quitté leur férocité, paissaient avec les tendres agneaux; un petit berger les menait ensemble sous sa houlette: et cette aimable peinture rappelait tous les charmes de l'âge d'or.

FENELON.

L'ESPÉRANCE.

Il est dans le ciel une puissance divine, compagne assidue de la religion et de la vertu ; elle nous aide à supporter la vie, s'embarque avec nous pour nous montrer le port dans les tempêtes, également douce et secourable aux voyageurs célèbres, aux passagers inconnus. Quoique ses yeux soient couverts d'un bandeau, ses regards pénètrent l'avenir; quelquefois elle tient des fleurs naissantes dans sa main, quelquefois une coupe pleine d'une liqueur enchanteresse; rien n'approche du charme de sa voix, de la grâce de son sourire; plus on avance vers le tombeau, plus elle se montre pure et brillante aux mortels consolés. La foi et la charité lui disent : « Ma sœur!» et elle se nomme l'espérance.

CHATEAUBRIAND,

L'ANGE DES SAINTES AMOURS (1).

Lorsque Dieu veut mettre dans le cœur de l'homme ces chastes ardeurs d'où sortent des miracles de vertu, c'est au plus beau des esprits du ciel que ce soin important est confié. Uriel est son nom. D'une main il tient une flèche d'or tirée du carquois du Seigneur; de l'autre un flambeau allumé au foudre éternel. Sa naissance ne précéda point celle de l'univers; il naquit avec Eve, au moment même où la pre

(1) Ce morceau a été en partie imité par M. Soumet, dans sa tragédie intitulée Saül.

mière femme ouvrit les yeux à la lumière récente. La puissance créatrice répandit sur le chérubin ardent un mélange des grâces séduisantes de la mère des humains et des beautés miles du père des hommes; il a le sourire de la pudeur et le regard du génie. Quiconque est frappé de son trait divin ou brûlé de son flambeau céleste embrasse avec transport les dévouements les plus héroïques, les entreprises les plus périlleuses, les sacrifices les plus douloureux. Le cœur ainsi blessé connaît toute la délicatesse des sentiments; sa tendresse s'accroît dans les larmes et survit aux 'désirs satisfaits. L'amour n'est point pour ce cœur un penchant borné et frivole, mais une passion grande et sévère, dont la noble fin est de donner la vie à des êtres immortels. (CHATEAUBRIAND.)

L'ANGE DE LA MORT.

Au milieu du iardin terrestre s'élevait une plante majestueuse qui, depuis nombre d'étés, en faisait l'ornement; elle avait effacé, par l'éclat de ses couleurs, la plupart de ses compagnes, et, long-temps après qu'elle fut défleurie, son doux parfum remplissait encore les lieux qu'elle avait embellis.

Mais un hiver rigoureux survint; la noble plante pencha sa tête appesantie par les semences précieuses auxquelles un meilleur sol devenait nécessaire.

Alors l'éternel jardinier qui fait fructifier les fleurs de tous les mondes, envoya un ange pour recueillir les semences inestimables destinées à de plus doux climats, tandis que la tige flétrie devait retomber sur la terre où elle prit naissance.

L'envoyé d'en-haut était accompagné de trois de ses frères, Espérance, Foi, Charité : tels sont leurs noms que le ciel a révélés à la terre.

Ces trois anges entourèrent tendrement la fleur, tandis que le premier, d'une main délicate, enlevait la semence divine, et couchait doucement le reste sur la terre, afin que chaque chose remplit sa destinée.

Les messagers célestes s'envolèrent alors précipitamment,

« PreviousContinue »