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donné le sentiment, et la pensée, et la parole, si ce n'est Dieu ?

Et s'il a été si bon envers elles, était-ce pour les délaisser ensuite et pour les repousser loin de lui?

En vérité, je vous le dis, quiconque dit dans son cœur que Dieu méprise ses œuvres, blasphème Dieu.

Il en est d'autres qui disent : « A quoi bon prier? Dieu ne sait-il pas mieux que nous ce dont nous avons be soin? >>

Dieu sait mieux que vous ce dont vous avez besoin, et c'est pour cela qu'il veut que vous le lui demandiez; car Dieu est lui-même votre premier besoin, et prier Dieu, c'est commencer à posséder Dieu.

Le père connaît les besoins de son fils; faut-il, à cause de cela, que le fils n'ait jamais une parole de demande et d'action de grâces pour son père?

Quand les animaux souffrent, quand ils craignent ou quand ils ont faim, ils poussent des cris plaintifs. Ces cris sont la prière qu'ils adressent à Dieu, et Dieu l'écoute. L'homme serait donc dans la création le seul être dont la voix ne dût jamais monter à l'oreille du Créateur?

Il passe quelquefois sur les campagnes un vent qui dessèche les plantes, et alors on voit leurs tiges flétries pencher vers la terre; mais, humectées par la rosée, elles reprennent leur fraîcheur et relèvent leur tête languissante.

Il y a toujours des vents brûlants, qui passent sur l'ame de l'homme et la dessèchent. La prière est la rosée qui la rafraîchit.

LA PRIÈRE.

(DE LA MENNAIS.)

A la prière de Moïse, je vois la mer laisser un libre passage aux enfants d'Israël et ensevelir dans ses flots la puissance de l'Égypte. A la parole de Josué, les remparts de Jéricho tombent, le Jourdain retient ses eaux, le soleil arrête sa course. Je vois Samuel faire gronder dans les airs les tonnerres destinés à le venger des mépris d'Israël in grat et volage. Il parle aux éléments en souverain, écarte

et rassemble les nuages, consume la terre par un souffle brûlant, et la ranime par des pluies fécondes.

Armé de la prière, Ezéchias porte le ravage et la désolation dans l'armée de Sennacherib. Couvert du bouclier de la prière, Israël se joue des projets sanglants d'Antiochus et de Nicanor. Guidé par la prière, Judas Machabée dissipe les ligues fatales de l'Egypte et de la Syrie.

La prière pénètre partout, elle obtient tout: elle pénètre dans les entrailles de la terre pour sauver Daniel de la fureur des lions; dans l'abîme de la mer, pour préparer un asile à Jonas; dans la fournaise de Babylone, pour défendre les adorateurs du vrai Dieu contre l'activité des flammes. Elle pénètre dans le sein des tombeaux pour rappeler à la vie le fils de la veuve de Sarepta; elle pénètre dans les prisons pour rompre les chaînes de Manassès et le replacer sur le trône de ses pères; elle pénètre dans le cœur des rois pour changer leurs desseins et désarmer leur colère. Esther, craintive et désolée, vient apporter à Dieu des soupirs qu'une loi sévère lui défend de porter au pied du trône. Esther parle à Dieu, Dieu parle à Assuérus; et le cruel Aman paie de son sang les projets et les complots sanguinaires qu'il avait formés. La prière pénètre dans les tribunaux pour confondre l'imposture et démasquer la calomnie. Injustement condamnée par tout un peuple, Suzanne prie, un prophète divin fait éclater son innocence. La prière surtout pénètre jusque dans le cœur de Dieu. Elle parle, elle est exaucée. Cherchez et vous trouverez; demandez et vous recevrez: Petile, el dabitur vobis ; quærite, et invenietis. (saint Matthieu, ch. vII, v. 7). L'homme en vous priant, ô mon Dieu! ne fait qu'obéir à votre inspiration; comment n'obtiendrait-il pas ce que vous l'excitez à vous demander? Faibles et dépendants par nous-mêmes, nous devenons, en quelque sorte, maîtres de tout par la prière.

.....

La prière est le propre du chrétien. Aux premiers jours de l'église naissante, en devenant chrétien, on devenait homme de prière, et parce que, loin de regretter le temps qu'ils donnaient à la prière, les chrétiens ne regrettaient que les moments qu'ils ne pouvaient lui donner, l'amour de la prière ne tarda pas à peupler les déserts.

Le silence des bois et des forêts fut troublé par les soupirs de la prière; les antres profonds, les cavernes sauvages couvrirent de leur ombre ces anges de la terre qui pouvaient dire avec l'apôtre que leur esprit et leur cœur habitaient déjà dans le ciel. Et parce que bientôt les déserts ne suffirent plus à contenir la foule qui s'y rendait de toutes parts, l'amour de la prière sut se faire des solitudes dans les villes; il y fonda ces saints asiles où la ferveur, qui se plaît dans le recueillement, vit au milieu des hommes et les ignore. Et parce que la grâce, qui appelle les uns à fuir le monde, retient les autres dans le monde, les chrétiens du siècle ne furent pas moins des hommes de prière que les chrétiens du désert. Jusque dans le palais des empereurs et autour du trône, la prière fit entendre sa voix et ses cantiques. La cour des Césars eut ses Antoine, ses Hilarion qu'elle pouvait opposer aux solitaires de l'Egypte et de la Thébaïde. Alors donc était vraie dans toute son étendue la parole de saint Augustin, que la terre entière n'est qu'un temple, une maison d'adoration et de prière.

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(LE P. DE NEUville.

LES INVALIDES AU PIED DES AUTELS.

Qui de nous n'a pas vu quelquefois ces vieux soldats qui, à toutes les heures du jour, sont prosternés çà et là sur les marbres du temple élevé au milieu de leur auguste retraite? leurs cheveux que le temps a blanchis; leur front que la guerre a cicatrisé; ce tremblement que l'âge seul a pu leur imprimer; tout en eux inspire d'abord le respect; mais de quel sentiment n'est-on pas ému, lorsqu'on les voit soulever et joindre avec effort leurs mains défaillantes pour invoquer le Dieu de l'univers et celui de leur cœur et de leur pensée; lorsqu'on leur voit oublier, dans cette touchante dévotion, et leurs douleurs présentes, et leurs peines passées; lorsqu'on les voit se lever avec un visage. serein, et emporter dans leur ame un sentiment de tranquillité et d'espérance? Ah! ne les plaignez point dans cet instant, vous qui ne jugez du bonheur que par les joies du monde! leurs traits sont abattus, leur corps chancelle, et

la mort observe leurs pas; mais cette fin inévitable, dont la seule image vous effraie, ils la voient venir sans alarme: ils se sont approchés par le sentiment de celui qui est bon, de celui qui peut tout, de celui qu'on n'a jamais aimé sans consolation. Venez contempler ce spectacle, vous qui méprisez les opinions religieuses et qui vous dites supérieurs en lumières; venez, et voyez vous-mêmes ce que peut valoir pour le bonheur votre prétendue science. Ah! changez donc le sort des hommes, et donnez-leur à tous, si vous le pouvez, quelque part aux délices de la terre, ou respectez un sentiment qui leur sert à repousser les injures de la fortune; et puisque la politique des tyrans n'a jamais essayé de le détruire, puisque leur pouvoir ne serait pas assez grand pour réussir dans cette farouche entreprise, vous que la nature a mieux doués, ne soyez ni plus durs, ni plus terribles qu'eux; ou si, par une impitoyable doctrine, vous vouliez enlever aux vieillards, aux malades et aux indigents la seule idée de bonheur à laquelle ils peuvent se prendre, parcourez aussi ces prisons et ces souterrains où des malheureux se débattent dans leurs fers, et fermez de vos propres mains la seule ouverture qui laisse arriver jusqu'à eux quelques rayons de lumière.

(NECKER.)

LE CHRISTIANISME.

A l'époque où le christianisme apparut sur la terre le genre humain ne vivait plus, pour ainsi dire, que par les sens. Le culte, devenu un vain simulacre, ne se liait à aucune croyance. On le conservait par habitude, à cause de ses pompes et de ses fêtes, et surtout parce qu'il tenait aux institutions de l'État. Du reste, la religion en elle-même n'inspirait ni foi, ni vénération. Les sages et les grands la renvoyaient avec mépris à la populace, qui, moins corrompue peut-être, voulait que les vices qu'elle adorait sous des noms empruntés offrissent au moins dans leurs emblèmes quelque chose de divin. Toutefois il n'existait d'au tre religion que la volupté, et les sectes les plus sévères à leur origine, dégénérant bien vite d'une austérité factice,

en étaient venues, par un renversement d'idées qui passa dans le langage même, jusqu'à identifier la vertu avec le plaisir.

Sur ces simples observations, on peut juger de la bonne foi des écrivains qui ont prétendu que le christianisme s'était établi naturellement. En effet, il n'eut à surmonter que les intérêts, les passions et les opinions. Armé d'une croix de bois, on le vit tout-à-coup s'avancer au milieu des joies enivrantes et des religions dissolues d'un monde vieilli dans la corruption. Aux fêtes brillantes du paganisme, aux gracieuses images d'une mythologie enchanteresse, à la commode licence de la morale philosophique, à toutes les séductions des arts et des plaisirs, il oppose les pompes de la douleur, de graves et lugubres cérémonies, les pleurs de la pénitence, des menaces terribles, de redoutables mystères, le faste effrayant de la pauvreté, le sac, la cendre et tous les symboles d'un dépouillement absolu et d'une consternation profonde; car c'est là tout ce que l'univers païen aperçut d'abord dans le christianisme. Aussitôt les passions s'élancent avec fureur contre l'ennemi qui se présente pour leur disputer l'empire. Les peuples à grands flots se précipitent sous leurs bannières, l'avarice y conduit les prêtres des idoles, l'orgueil ý amène les sages, et la politique les empereurs Alors commence une guerre effroyable: ni l'âge, ni le sexe ne sont épargnés; les routes, les places publiques, les champs mêmes et jusqu'aux lieux les plus déserts, se couvrent d'instruments de torture, de chevalets, de bûchers, d'échafauds; les jeux se mêlent au carnage; de toutes parts on s'empresse pour jouir de l'agonie et de la mort des innocents qu'on égorge; et ce cri barbare: les chrétiens aux lions! fait tressaillir de joie une multitude ivre de sang. Mais dans ces épouvantables holocaustes que l'on se hâte d'offrir à des divinités expirantes, il faut que chacune ait ses victimes choisies, et une cruauté ingénieuse invente de nouveaux supplices pour la pudeur. Enfin les bourreaux fatigués s'arrêtent, la hache échappe de leurs mains : je ne sais quelle vertu céleste, émanée de la croix, commence à les toucher eux-mêmes; à l'exemple des nations entières subjuguées avant eux, ils tombent aux pieds du christia

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