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absurdes, il a donné des pièces apocryphes, il a répété des accusations mensongères, qui décréditent ses ouvrages, et que nous aurions rougi de transcrire; mais il est très-constant qu'il a connu des particularités intéressantes pour la mémoire de Louis XVI, et rassemblé quelques documens authentiques. On ne pouvait le consulter qu'avec une extrême réserve, mais il fallait le consulter; et chaque fois que nous citons ses écrits, nous en prévenons scrupuleusement le lecteur.

Madame Campan, dont les Mémoires peignent, sous des traits si touchans, le caractère de la reine et les chagrins dont elle était entourée sur le trône, même avant ses déplorables malheurs; madame Campan, qui la venge si noblement des attaques et des calomnies dirigées contre elle; madame Campan nous aurait su gré des soins que nous avons pris pour établir la vérité. Nous la rechercherons toujours avec zèle; nous la dirons toujours avec franchise. C'est une tâche moins difficile à remplir qu'on ne pense pour des écrivains de bonne foi, qui se feront constamment un devoir de respecter la religion, les lois de leur pays et les pouvoirs protecteurs

de la société. Sous un roi qui a donné de grandes institutions à la France; sous un prince qui aime, qui cultive et qui protège les lettres, les opinions peuvent conserver une respectueuse indépendance, et l'histoire doit garder ses franchises.

NOTICE

SUR LA VIE

DE MADAME CAMPAN.

ON

Naime à lire la vie privée des princes. Trop de gêne et d'apprêt se mêle à leurs actions publiques, pour qu'on y puisse démêler le secret de leurs penchans et de leur caractère. Il faut dissiper cet éclat qui nous éblouit, écarter la pompe qui les environne, pour arriver jusqu'à eux; la fortune les élève si haut, qu'on les croirait presque au-dessus de l'humanité, sans les indiscrétions de ceux qui les entourent. Souvent un sentiment jaloux sert encore d'aiguillon à la curiosité. Les princes ont besoin d'avoir des goûts, des passions, des travers qui les rapprochent de nous, pour se faire pardonner leur grandeur : l'amour propre humilié se venge de leur rang sur leurs faiblesses.

Les mémoires sur Marie-Antoinette n'exciteront ni la malignité ni l'envie. Est-il quelques sentimens ennemis que ne désarment le souvenir de ses malheurs? A peine la voit-on paraître et briller un moment, qu'on est forcé de la plaindre. Le cœur est séduit par ses grâces, et presque aussitôt touché de ses peines on ne jouit point de ses momens heureux. Au milieu des fêtes que lui prodigue la

France, de cette cour dont elle reçoit les hommages, de ces jardins qui plaisent à la simplicité de ses goûts, l'imagination reste frappée du sort qui l'attend: des salons de Versailles, ou des bosquets de Trianon, l'on croit apercevoir déjà les tours du Temple. S'il était possible qu'une inflexible sévérité conçût l'idée des plus légers reproches, ils viendraient presque aussitôt expirer sur les lèvres, au milieu des regrets et des accents de la douleur.

L'ouvrage de madame Campan ne laissera point d'autre impression. Elle avait de nombreux ennemis. A la cour, où l'envie suit de près la faveur, son sort avait fait des jaloux; on la punit, à l'époque de la révolution, des bontés dont la reine l'avait honorée. Ceux qui ne sentirent point, comme elle, la pointe de l'épée sur leur poitrine, à la journée du 10 août, lui reprochèrent d'avoir manqué de courage; ceux qui, comme elle, n'allèrent point se jeter aux pieds de Pétion, pour partager la dangereuse captivité de Marie-Antoinette, ont soupçonné sa fidélité. Après avoir calomnié sa conduite, on dénonçait d'avance l'esprit de ses mémoires : je jouis, en les publiant, de la confusion qu'éprouvera la méchanceté déçue. Madame Campan n'a point voulu lui ménager un triomphe; un fragment de ses manuscrits contient ce passage:

« Je dirai ce que j'ai vu. Je ferai connaître le caractère » de Marie-Antoinette, ses habitudes privées, l'emploi » de son temps, son amour maternel, sa constance en » amitié, sa dignité dans le malheur. J'ouvrirai en quel» que sorte la porte de ses cabinets intérieurs, où j'ai passé >> tant de momens près d'elle, dans les plus belles comme » dans les plus tristes années de sa vie. »

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Puis, dans un autre passage inédit, elle ajoute : «J'ai » beaucoup vécu; la fortune m'a mise à portée de voir et » de juger les femmes célèbres de plusieurs époques. J'ai » fréquenté de jeunes personnes, dont les grâces et l'aima» ble caractère seront connus long-temps après elles. Ja» mais dans aucun rang, dans aucun âge, je n'ai trouvé >> de femme d'un naturel aussi séduisant que Marie-Antoi» nette; à qui l'éclat éblouissant de la couronne laissât un » cœur aussi tendre; qui, sous le poids du malheur, se » montrât plus compâtissante aux malheurs d'autrui : je » n'en ai pas vu d'aussi héroïque dans le danger, d'aussi éloquente dans l'occasion, d'aussi franchement gaie dans » la prospérité.

Ces mots suffisent. On connaît à présent l'esprit de l'ouvrage, le vif intérêt qui l'anime, les sentimens qui l'ont dicté. J'en ai quelques regrets pour les ennemis de mada-me Campan; elle ne satisfera ni leur haine ni leur espoir : ses mémoires sont piquans sans le secours du scandale, et pour être touchante, il lui a suffi d'être vraie (1). d'œil sur sa famille et sur ses premiè

Jetons un coup

res années.

(1) Un mot d'explication sur la notice qu'on va lire me paraît nécessaire. Aucun des passages, aucune des anecdotes qu'elle contient ne se retrouve dans les mémoires. Je dois les anecdotes aux souvenirs des parens, des amis, des élèves de madame Campan. La lecture de ses manuscrits, de sa correspondance, de tous ses papiers, m'a procuré des fragmens intéressans que je n'ai point hésité à mettre en œuvre. Ils donnent aux moindres détails comme aux faits les plus importans, un ton de vérité qui doit attacher et plaire. Ces fragmens ont d'autant plus de prix, qu'ils sont écrits en entier de la main de madame Campan : chaque fois ue je les citerai, j'aurai soin d'en prévenir le lecteur.

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