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Après l'enseignement par comparaison, l'enseignement par l'image. M. Gurlitt, Oberlehrer, lui aussi, mais au gymnase de Steglitz, a commencé à publier1 une série de grandes planches murales, destinées à faire comprendre aux élèves les principaux passages de César, et à reconstituer sous leurs yeux les scènes militaires de la guerre des Gaules. Voici celle qui figure le siège d'Alésia, inspirée des travaux de M. Stoffel et des plans en relief du Musée de Saint-Germain2: j'y voudrais un peu moins de trousde-loups et un peu plus de soldats; mais la vue est saisissante, fait bon effet sur un mur de classe et parle utilement à l'imagination. Voici un coup d'œil d'ensemble sur un camp romain; et, plus loin, «< Vercingétorix et un groupe de combattants gaulois ».

Je ferai une remarque à propos de l'image de Vercingétorix et de ces chefs. Ils ont tous les moustaches, que j'appellerai « réglementaires », du guerrier celte mais je ne suis pas sûr que le héros d'Alésia les ait portées et, si la figure casquée que l'on voit sur deux très rares monnaies à son nom est bien la sienne, il était aussi glabre qu'un imperator romain. Mais, même si M. Gurlitt se trompe, je ne lui en veux pas, et c'est peu de chose. Il est à coup sûr moins coupable en ajoutant des moustaches à Vercingétorix que tel de nos pédagogues français qui, dans un livre d'école primaire, appelle le chef gaulois « l'homme aux cent têtes » : ce qui m'a valu, d'enfants de ma connaissance, les plus invraisemblables questions sur la figure de Vercingétorix.

CAMILLE JULLIAN.

1. Chez Fr. A. Perthes à Gotha.

2. On plus directement, de Duruy, Histoire romaine, III, p. 213, Fougères, no 565. Bien entendu, il ne faut pas donner à cette reconstitution une valeur scientifique très grande. Je crois que le fossé inondé n'était pas le plus éloigné, mais le plus rapproché de la terrasse romaine: interior, selon moi (VII, 72, 3), ne désigne pas « le fossé le plus près d'Alésia », mais le fossé le plus à l'intérieur des lignes légionnaires. (Je dois avouer, cependant, que ce n'est pas l'avis du plus grand nombre des commentateurs.)

3. L'une au Cabinet des Médailles, l'autre à Beaune, collection Changarnier (de La Tour, Atlas, no 3775; de Saulcy, Chefs gaulois, no 65; Changarnier-Moissenet, Examen de quelques monnaies des Arvernes, 1884, pl. II, n° 14).

4. Mlle Koenig, Récits d'histoire de France, 1897, p. 15: « C'était un Arverne, qui portait un nom terrible, Vercingétorix, c'est-à-dire, l'homme aux cent têtes!! » Les points d'exclamation sont dans le texte.

UN PROJET DE CONTRE-ASSURANCE

UNIVERSITAIRE'

Le projet dont j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui les éléments constitutifs et les détails essentiels m'a été suggéré, comme je l'ai déjà indiqué à la Société, par le spectacle des situations très tristes et plus fréquentes qu'on ne croit, faites aux familles de collègues très estimés, parfois très chers, par leur mort prématurée.

Sans doute, si tous les chefs et soutiens de familles contractaient des assurances sur la vie, beaucoup de ces misères se trouveraient atténuées et comme prévenues. Mais si la carrière des universitaires, instituteurs ou professeurs, est laborieuse, si les fatigues qu'elle comporte provoquent les accidents dont nous déplorons les effets, elle n'est pas toujours assez lucrative pour leur permettre de distraire des ressources nécessaires à leur famille le versement annuel d'une prime d'assurance. Et lorsque la mort vient les frapper trop tôt, avant les 30 ans ou les 25 ans de service actif réglementaires, la pension de retraite où ils voyaient la condition d'un repos mérité, une garantie pour leurs femmes et leurs enfants, ne peut être liquidée au profit de leurs veuves malgré les versemeuts par lesquels ils avaient espéré se l'assurer.

Des sociétés d'assistance mutuelle se sont constituées depuis quelques années parmi les membres du corps enseignant pour corriger les effets de ces accidents. Il en existe dans les départements pour l'enseignement primaire. Dans l'enseignement secondaire, après une première tentative faite par M. Gautier, les congrès des professeurs de 1897 et 1898 ont constitué une société de secours mutuels approuvé par arrêté du ministre de l'Intérieur du 22 juin 1898. Et récemment, des membres de l'Université de Lyon, mon ancien collègue et ami M. Pic en particulier, proposaient la création d'une œuvre analogue pour les professeurs de l'enseignement supérieur. Le prix assez élevé que demandent les Compagnies d'assurance, et que ne peuvent pas acquitter tous les gens prévoyants

1. Ce rapport a été lu à la Société d'Enseignement supérieur et approuvé par elle. Elle a bien voulu, en nous le communiquant, nous autoriser à le publier, en même temps qu'il paraît dans la Revue internationale de l'Enseignement du 15 juin 1901.

devait naturellement suggérer la pensée d'employer, comme ressource et comme remède, la mutualité.

Mais la mutualité, en matière d'assurances, a ses inconvénients, Pour que les primes, si elles sont peu élevées, soient efficaces, il faut que le nombre des mutualistes soit grand. Comme professeurs d'enseignement supérieur, nous ne sommes pas précisément très nombreux; les ressources assurées en cas de décès risqueraient d'être assez maigres.

Ce n'est pas le seul inconvénient en voici un plus grave. Il est assez difficile, lorsqu'on n'a pas à compter sur un grand nombre de participants, de leur appliquer les règles de la mortalité générale qui permettent aux sociétés d'assurance de fixer presque mathématiquement leurs tarifs et de contracter avec leurs assurés un engagement ferme pour une somme déterminée. Je prendrai pour exemple le projet proposé par nos collègues de Lyon, dont l'initiative aura eu du moins le mérite d'attirer notre attention sur ces problèmes qu'on peut bien appeler de vie ou de mort. Si nous versions, disent-ils, 100 francs par an, et que 800 professeurs d'enseignement supérieur les versassent comme nous, voilà une somme de 80 000 francs recueillie. On la place à un intérêt de 3 p. 100. Ces intérêts laissent disponible dès la première année une somme de 2400 francs à répartir entre les veuves et les familles de ceux de nos collègues que la mort viendrait enlever. On aurait ainsi pour une veuve sans enfant un versement immédiat de 500 francs et une pension de 360 francs; le même versement et la même pension pour une veuve avec enfants, et pour chaque enfant une pension en plus de 100 francs par an, soit 860 francs pour l'une, et pour l'autre, ayant 3 ou 4 enfants, 1 160 ou 1 260 francs, au total 2 120 francs couverts par les intérêts de la première contribution.

Ces calculs de prévision sont exacts. Ils peuvent suffire, s'il ne se produit parmi les associés que deux décès dans l'année. Mais s'il s'en produit trois, et mème quatre, l'association sera bien obligée ou de réduire de moitié les pensions ou, comme certaines sociétés, de faire attendre à l'année suivante, moins chargée peut-être, le secours dont la famille a le plus pressant besoin.

La mutualité ainsi entendue, excellente en soi comme tout acte de prévoyance et de solidarité, a un double défaut. Elle ne donne pas assez de ressources; elle ne permet pas de prévoir avec une certitude suffisante l'étendue de ces ressources.

Une remarque, que tout fonctionnaire a certainement faite, m'a suggéré l'idée de vous proposer un autre système, un système mixte qui n'a peut-être pas les inconvénients des Compagnies d'assurance ou des Sociétés de prévoyance mutuelle.

Tous, universitaires que nous sommes, accusés parfois d'être imprévoyants, nous sommes prévoyants cependant par obligation. Pour constituer notre retraite, nous abandonnons à l'État une partie de nos appointements à nos débuts, le 12 de notre traitement; ensuite le 12 de chaque augmentation; puis pendant toute la durée de notre carrière, le 20 de notre traitement annuel. J'ai fait, avec le concours très gracieux du Ministère de l'Instruction publique, des calculs qui permettent de constater, et de citer comme exemples, les sommes ainsi versées par des fonctionnaires de l'enseignement pour leur retraite, chiffres moyens bien entendu :

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J'aurais pu, relevant les fonctions diverses qui constituent la vie universitaire, donner ici le total moyen des sommes versées par ceux qui les ont occupées aux différentes époques de leur carrière. Ce serait peut-être d'un détail un peu long. Il vaut mieux constater et faire ressortir l'importance assez grande des prélèvements opérés

sur le traitement d'un universitaire dans toute la durée de sa carrière. Avec les 8.000 francs qu'abandonne en moyenne ainsi un professeur de lycée, les 12.080 francs que verse un professeur de faculté dans ses 30 ans d'exercice, on peut calculer qu'ils auraient pu fournir à une Compagnie d'assurance une prime annuelle de 300 ou 400 francs.

Certes, cette prime serait loin de leur procurer après ces trente ans de service l'équivalent de la pension de retraite que l'État leur promet. Mais, en revanche, ce capital qu'ils ont réellement épargné ne serait pas perdu pour leur famille, lorsqu'ils n'atteignent pas l'âge auquel ils auraient droit à la retraite.

Ne pourrait-on pas concevoir un système qui permit aux universitaires de conserver les avantages des retraites de l'État et de réserver, c'est le terme propre, le capital abandonné par eux en vue de ces avantages. Ne pourrait-on pas chercher ce système dans l'exemple de ces contre-assurances que toutes les Compagnies ont aujourd'hui organisées.

Il y a sans doute une difficulté : dans l'espèce, c'est l'État qui est l'assureur. Et chacun sait que l'organisation des retraites de l'Etat ne ressemble en rien à l'organisation des Compagnies d'assurance, que les versements des fonctionnaires ou les pensions de retraite figurent simplement en recettes ou en dépenses au budget de l'Etat. Cette difficulté ne m'a pas paru insurmontable: sans toucher le moins du monde à l'organisation officielle des retraites, et sans rien demander à l'État, il s'agit de trouver les moyens de nous contre-assurer nous-mêmes. En somme, c'est l'idée qui a donné naissance aux sociétés d'assistance dont je parlais, qui détermine certains d'entre nous à contracter des assurances lorsqu'ils le peuvent; c'est l'idée qui a dicté à nos collègues de Lyon le programme qu'ils nous ont envoyé.

Mais il y a deux conditions qu'il faut,à tout prix, remplir pour que cette contre-assurance soit efficace, pour que l'usage surtout s'en répande comme la nécessité s'en fait, hélas ! si souvent sentir.

1° D'abord que le chiffre en soit assez peu élevé, pour que chacun soit tenté, conseillé, de s'assurer; que ce chiffre soit proportionnel à la valeur progressive de nos traitements, enfin qu'il ne paraisse point dépasser les ressources moyennes de la majorité d'entre nous. On ne doit jamais oublier qu'une contribution de ce genre est une charge nouvelle, ajoutée aux versements obligatoires pour la retraite. Nous ne pouvons pas comme l'État obliger, nous devons déterminer à la prévoyance. Il s'agit de remédier en somme à une assurance insuffisamment organisée, et non pas de constituer une assurance. Une contre-assurance doit être à primes modiques, ou n'être pas.

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