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DAN. Je ne vous ai rien dit, vous dis-je, qui ne soit véritable.

M. DE S. Mamour, allez-vous-en parler à votre fille, tandis qu'avec mon gendre j'irai parler à l'homme.

MME. DE S. Ce pourrait-il, mon fils, qu'elle s'oubliât de la sorte, après le sage exemple que vous savez vous-même que je lui ai donné ? M. DE S. Nous allons éclaircir l'affaire. Suivez-moi, mon gendre, et ne vous mettez pas en peine. Vous verrez de quel bois nous nous chauffons, lorsqu'on s'attaque à ceux qui nous peuvent appartenir.

DAN. Le voici qui vient vers nous.

SCÈNE V

MONSIEUR DE SOTENVILLE, CLITANDRE, GEORGE
DANDIN

M. DE S. Monsieur, suis-je connu de vous?
CLIT. Non pas, que je sache, Monsieur.

M. DE S. Je m'appelle le baron de Sotenville.
CLIT. Je m'en réjouis fort.

M. DE S. Mon nom est connu à la cour, et j'eus l'honneur dans ma jeunesse, de me sigualer des premiers à l'arrière-ban de Nancy.

CLIT. A la bonne heure.

M. DE S. Monsieur, mon père Jean-Gilles de Sotenville eut la gloire d'assister en personne au grand siège de Montauban.

CLIT. J'en suis ravi.

M. DE S. Et j'ai eu un aïeul, Bertrand de Sotenville, qui fut si considéré en son temps, que d'avoir permission de vendre tout son bien pour le voyage d'outre-mer.

CLIT. Je le veux croire.

DAN. I have not said anything, I tell you, that is not

true.

M. DE S. Go you and talk to your daughter, my dear, while I and my son-in-law will go and talk to the

man.

MAD. DE S. How can it be possible that she has so far forgotten herself, after the prudent example you yourself know I have set her?

M. DE S. We are going to clear up this matter. Follow me, son-in-law, and do not be troubled. You shall see what stuff we are made of, when people attack those who belong to us.

DAN. There he is coming towards us.

SCENE V

MONSIEUR DE SOTENVILLE, CLITANDRE, GEORGE

DANDIN

M. DE S. Do you know me, Monsieur?
CLIT. No, not that I am aware of, Monsieur.
M. DE S. I am the Baron de Sotenville.

CLIT. I am very glad to hear it.

M. DE S. My name is known at court; and I had the honour, in my youth, to be one of the first in the feudal corps at Nancy.

CLIT. Good.

M. DE S. My father, Jean-Gilles de Sotenville, Monsieur, had the honour to assist in person at the great siege of Montauban.

CLIT. I am delighted to hear it.

M. DE S. And one of my ancestors, Bertrand de Sotenville, was of such importance in his day that he was permitted to sell all his goods and follow the Crusaders over seas.

CLIT. I can quite believe it.

M. DE S. Il m'a été rapporté, Monsieur, que vous aimez et poursuivez une jeune personne, qui est ma fille, pour laquelle je m'intéresse, et pour l'homme que vous voyez, qui a l'honneur d'être mon gendre.

CLIT. Qui, moi?

M. DE S. Oui; et je suis bien aise de vous parler, pour tirer de vous, s'il vous plaît, un éclaircissement de cette affaire.

CLIT. Voilà une étrange médisance! Qui vous a dit cela, Monsieur?

M. DE S. Quelqu'un qui croit le bien savoir.
CLIT. Ce quelqu'un-là en a menti.

Je suis honnête homme. Me croyez-vous capable, Monsieur, d'une action aussi lâche que celle-là? Moi, aimer une jeune et belle personne, qui a l'honneur d'être la fille de Monsieur le baron de Sotenville! je vous révère trop pour cela, et suis trop votre serviteur. Quiconque vous l'a dit est un sot.

M. DE S. Allons, mon gendre.

DAN. Quoi?

CLIT. C'est un coquin et un maraud.
M. DE S. Répondez.

DAN. Répondez vous-même.

CLIT. Si je savais qui ce peut être, je lui donnerais en votre présence de l'épée dans le ventre.

M. DE S. Soutenez donc la chose.

DAN. Elle est toute soutenue, cela est vrai.
CLIT. Est-ce votre gendre, Monsieur, qui .

M. DE S. Oui, c'est lui-même qui s'en est plaint à moi.

CLIT. Certes, il peut remercier l'avantage qu'il a de vous appartenir, et sans cela je lui apprendrais bien à tenir de pareils discours d'une personne comme moi.

M. DE S. It has been reported to me, Monsieur, that you are in love with and pursue a young person who is my daughter. I have her interests at heart and those of the man you see here, who has the honour to be my son-in-law.

CLIT. Who I?

M. DE S. Yes; I am very glad to have a word with you, in order to receive from you, by your leave, an explanation of this matter.

CLIT. This is simply slander, Monsieur! Who told it you?

M. DE S. Some one who believes he is well informed. CLIT. That some one has lied. I am a man of honour. Do you think me capable, Monsieur, of so base an act as that? I, love a young and charming person, who has the honour to be the daughter of Monsieur le Baron de Sotenville! I respect you too much for that, and am too much your humble servant. Whoever said this to you is a fool.

M. DE S. Now, son-in-law.

DAN. Well?

CLIT. He is a rascal and a villain.
M. DE S. Answer him.

DAN. Answer him yourself.

CLIT. If I knew who it was, I would run my sword through his body, here and now.

M. DE S. Support your statement.
DAN. It is fully supported, it is true.

CLIT. Is it your son-in-law, Monsieur, who...
M. DE S. Yes, it is he himself who has complained to
me about it.

CLIT. Well, he may congratulate himself that he is attached to you; if he were not I would soon teach him to talk like that about a person of my condition.

SCÈNE VI

MONSIEUR ET Madame de SotenVILLE, ANGÉLIQUE, CLITANDRE, GEORGE DANDIN, CLAUDINE

MME. DE S. Pour ce qui est de cela, la jalousie est une étrange chose! J'amène ici ma fille pour éclaircir l'affaire en présence de tout le monde.

CLIT. Est-ce donc vous, Madame, qui avez dit à votre mari que je suis amoureux de vous?

ANG. Moi? et comment lui aurais-je dit? est-ce que cela est? Je voudrais bien le voir vraiment que vous fussiez amoureux de moi. Jouez-vous-y, je vous en prie, vous trouverez à qui parler. C'est une chose que je vous conseille de faire. Ayez recours, pour voir, à tous les détours des amants: essayez un peu, par plaisir, à m'envoyer des ambassades, à m'écrire secrètement de petits billets doux, à épier les moments que mon mari n'y sera pas, ou le temps que je sortirai, pour me parler de votre amour. Vous n'avez qu'à y venir, je vous promets que vous serez reçu comme il faut.

CLIT. Hé la, la, Madame, tout doucement. Il n'est pas nécessaire de me faire tant de leçons, et de vous tant scandaliser. Qui vous dit que je songe à

vous aimer?

ANG. Que sais-je, moi, ce qu'on me vient conter ici? CLIT. On dira ce que l'on voudra; mais vous savez si je vous ai parlé d'amour, lorsque je vous ai rencontrée.

ANG. Vous n'aviez qu'à le faire, vous auriez été bien

venu.

CLIT. Je vous assure qu'avec moi vous n'avez rien à craindre; que je ne suis point homme à donner du chagrin aux belles; et que je vous respecte trop, et vous et Messieurs vos parents, pour avoir la pensée d'être amoureux de vous.

MME. DE S. Hé bien! vous le voyez.

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