L'effet n'y répond pas toujours à l'apparence; DORANTE. Je ne suis point avare. CLITON. 3 C'est un secret d'amour et bien grand et bien rare; DORANTE. Laissons là ces lourdauds contre qui tu déclames CLITON. Non cette marchandise est de trop bon aloi; : Peut-être cette expression pouvait passer autrefois. (V.) 3 Molière n'a point de tirade plus parfaite; Térence n'a rien écrit de plus pur que ce corceau : il n'est point au-dessus d'un valet, et cependant, c'est une des meilleures leçons pour se bien conduire dans le monde. Il me semble que Corneille a donné des modèles de tous les genres. (V.) 4 On ne dit pas faire d'un contre-temps, mais faire à contre-temps. Au reste, cette scène est d'un ton très-supérieur à toutes les comédies qu'on donnait alors: elle peint des mœurs vraies; elle est bien écrite. à l'exception de quelques fautes excusables. (V.) Ce n'est point là gibier à des gens comme moi; Penses-tu qu'il t'en die? DORANTE. CLITON. Assez pour en mourir. Puisque c'est un cocher, il aime à discourir. Ay! SCÈNE II. DORANTE, CLARICE, LUCRÈCE, ISABELLE. CLARICE, faisant un faux pas,et comme se laissant choir. DORANTE, lui donnant la main. Ce malheur me rend un favorable office', CLARICE. L'occasion ici fort peu vous favorise, Et ce faible bonheur ne vaut pas qu'on le prise. DORANTE. Il est vrai, je le dois tout entier au hasard; Mes soins ni vos désirs n'y prennent point de part; Ne me rend pas le sort plus doux que de coutume, Si cette Clarice n'avait pas fait un faux pas, il n'y aurait donc pas de pièce? Ce défaut est de l'auteur espagnol. L'esprit est plus content quand l'intrigue est déjà nouée dans l'exposition; on prend bien plus de part à des passions déjà régnantes, à des intérêts déjà établis. Un amour qui commence tout d'un coup dans la pièce, et dont l'origine est si faible, ne fait aucune impression, parce que cet amour n'est pas assez vraisemblable. On tolère la naissance soudaine de cette passion dans quelque jeune homme ardent et impétueux qui s'enflamme au premier objet; encore y faut-il beaucoup de nuances. On croirait presque que ce Dorante, qui aime tant à mentir, exerce ce talent dans sa déclaration d'amour, et que cet amour est un de ses mensonges; cependant il est de bonne foi. (V.) 4 Lieu d'un service n'est pas français: on donne lieu de rendre service. (V.) CLARICE. S'il a perdu sitôt ce qui pouvait vous plaire, Je veux être à mon tour d'un sentiment contraire, A posséder un bien sans l'avoir mérité. J'estime plus un don qu'une reconnaissance : Ne fait que nous payer de ce qui nous est dû. L'heur en croît d'autant plus, moins elle est méritée; DORANTE. Aussi ne croyez pas que jamais je prétende J'en sais mieux le haut prix ; et mon cœur amoureux, Et si la recevant ce cœur même en murmure, Il se plaint du malheur de ses félicités, Que le hasard lui donne, et non vos volontés. Un amant a fort peu de quoi se satisfaire Des faveurs qu'on lui fait sans dessein de les faire : CLARICE. Cette flamme, monsieur, est pour moi fort nouvelle, On rend justice au mérite, on ne lui rend pas bonheur (peut-être les premiers imprimeurs ont-ils mis bonheur au lieu d'honneur.) Cette scèze languit par une contestation trop longue. (V.) Confessez cependant qu'à tort vous murmurez SCÈNE III. DORANTE, CLARICE, LUCRÈCE, ISABELLE, CLITON. DORANTE. C'est l'effet du malheur qui partout m'accompagne. Et je n'ai pu trouver que cette occasion A vous entretenir de mon affection. CLARICE. Quoi! vous avez donc vu l'Allemagne et la guerre? DORANTE. Je m'y suis fait, quatre ans, craindre comme un tonnerre. Que lui va-t-il conter? CLITON. DORANTE. Et durant ces quatre ans Il ne s'est fait combats, ni siéges importants, Nos armes n'ont jamais remporté de victoire, Où cette main n'ait eu bonne part à la gloire : Et même la gazette a souvent divulgué.... CLITON, le tirant par la basque. Savez-vous bien, monsieur, que vous extravaguez? Tais-toi. DORANTE. CLITON. Vous rêvez, dis-je, ou... DORANTE. Tais-toi, misérable. CLITON. Vous venez de Poitiers, ou je me donne au diable; Vous en revîntes hier. DORANTE, à Cliton. Te tairas-tu, maraud? (à Clarice.) Mon nom dans nos succès s'était mis assez haut Pour faire quelque bruit sans beaucoup d'injustice; ISABELLE, à Clarice, tout bas. CLARICE. Nous en saurons, monsieur, quelque jour davantage. Adieu. DORANTE. Quoi! me priver sitôt de tout mon bien? CLARICE. Nous n'avons pas loisir d'un plus long entretien; Cependant accordez à mes vœux innocents La licence d'aimer des charmes si puissants. CLARICE. Un cœur qui veut aimer, et qui sait comme on aime, N'en demande jamais licence qu'à soi-même. J'en sais ce qu'on en peut savoir. La langue du cocher a fait tout son devoir. «La plus belle des deux, dit-il, est ma maîtresse; Elle loge à la place, et son nom est Lucrèce, » |