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de grandeur d'ame sont admirables sans doute, mais ne sont point surprenantes; car la simplicité des mœurs et le goût de la vie champêtre, loin d'éteindre dans le cœur de l'homme d'aussi nobles sentimens, sont au contraire faits pour les y graver de la manière la plus profonde.

LETTRE XIII.

LA RELIGION.

LA religion sera l'objet de ma lettre d'aujourd'hui. Je n'entends point exclusivement par ce mot la croyance particulière dans laquelle chacun de nous est né, mais ce culte qui les embrasse tous, et qui existe en entier dans celui fondé par Jésus-Christ.

Quel est le but de ce culte sacré? de rendre la créature plus parfaite, en lui faisant entrevoir des récompenses éternelles, de la consoler de son néant par le sublime espoir d'un avenir sans fin.

Que serions-nous, en effet, sans cette double immortalité? ce que sont à peuprès les animaux ordinaires : des êtres chez qui tout se déciderait par la force, et qui, n'attendant rien de l'avenir,

n'auraient besoin de s'imposer aucun devoir, ni aucun frein.

A Dieu ne plaise donc, ma chère Laure, que j'adopte jamais les maximes de ces gens qui nient l'immortalité de l'ame, parce qu'ils ont des raisons secrètes de la redouter, J'y crois de toutes les forces de ma raison, et m'applique à la rendre aussi consolante que possible.

La plus pure des religions est incontestablement celle qui nous a été révélée par le créateur, celle qui commande de ne pas faire à autrui ce qu'on ne voudrait pas qui fût fait à soi-même. Delà, ma chère Laure, découlent une foule de vérités sublimes: on ne peut sans s'écarter de ce principe, ni faire le mal, ni s'abstenir du bien.

C'est donc usurper les droits du ciel que d'oser opprimer ses frères. J'appelle ici les opprimer, torturer leur conscience au point de les obliger par la

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force à adorer le créateur de la même manière que vous. Le fanatisme a fait en ce genre d'effroyables ravages.

C'est lui qui dans Raba, sur les bords de l'Arnon
Guidait les descendans du malheureux Ammon,
Quand à Moloch leur dieu, des mères gémissantes
Offraient de leurs enfans les entrailles fumantes.
Il dicta de Jephté le serment inhumain;
Dans le cœur de sa fille il conduisit sa main.

C'est lui qui, de Calchas ouvrant la bouche impie,
Demanda par sa voix la mort d'Iphigénie.

France, dans tes forêts il habita long-temps:
A l'affreux Teutatès il offrit ton encens.

Tu n'as point oublié ces sacrés homicides
Qu'à tes indignes dieux présentaient tes druides.
Du haut du capitole il criait aux payens:

« Frappez, exterminez, déchirez les chrétiens. »
Mais lorsqu'au fils de dieu Rome enfin fut soumise,
Du capitole en cendre il passa dans l'église ;
Et dans les coeurs chrétiens inspirant ses fureurs,
De martyrs qu'ils étaient, les fit persécuteurs.
Dans Londres il a formé la secte turbulente

Qui, sur un roi trop faible; a mis sa main sanglante.

Dans Madrid, dans Lisbonne, il alluma ces feux,
Ces bûchers solennels, où des juifs malheureux
Sont tous les ans en pompe amenés par des prêtres,
Pour n'avoir point quitte la foi de leurs ancêtres.
(VOLTAIRE.)

Détestons, ma chère Laure, et toutes ces cruautés, et tout ce qui s'y rattache. S'il est vrai, commé on nous l'enseigne, que hors de l'église il n'y ait point de salut, laissons à Dieu le soin de se faire justice. Ce n'est point à nous, chétifs mortels, qu'appartient ce droit sacré. Tremblons plutôt nous-mêmes de n'être point assez purs pour obtenir grâce devant lui.

Lorsque Voltaire, transportant dans les cieux le héros de son poëme immortel, mit le vainqueur de la ligue en présence des ombres de tons les cultes, il amena d'une manière sublime des réflexions consolantes :

Quelle est, disait Henri, s'interrogeant lui-même Quelle est de Dicu-sur eux lá justice suprême ?

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