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continuant ainsi de distance en distance, il eût franchi l'espace qu'il devait parcourir.

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Quintus Sertorius, capitaine romain, qui embrassa le parti de Marius contre Sylla, voulut convaincre son armée fatiguée que la patience est le meilleur garant du succès ; il fit amener au milieu de l'armée deux chevaux, l'un vieux et maigre, l'autre jeune, vigoureux et remarquable par l'épaisseur de sa queue; au signal donné, un homme très - robuste prit à deux mains la queue du cheval maigre, et fit les plus grands efforts pour l'arracher, ils furent inutiles. Dans le même temps un homme d'un tempérament faible arrachait les crins de la queue du cheval fougueux l'un après l'autre ; elle fut dépouillée peuà-peu et sans peine. Alors Sertorius se tournant vers les chefs et les soldats, leur dit: Vous voyez que la patience vient à bout de tout, même de ce que la force

A LAURE.

ne peut opérer. Le temps est l'ami le plus assuré pour ceux qui savent l'employer comme il faut, et un ennemi dangereux lorsqu'on le prend à rebours. La Fontaine dit dans la fable du lion et le rat:

Patience et longueur de temps

Font plus que force ni que rage.

Un rocher sur lequel roule une cascade ou un torrent, résiste au choc impétueux, une goutte d'eau qui tombe continuellement sur le même point, mine le roc le plus dur, au bout d'un certain temps. Voilà, ma chère Laure, l'image de la patience au travail; ayez toujours cette pensée présente, ce sera pour vous un garant de succès.

LETTRE LXI.

DES PROSCRIPTIONS ET DE L'EXIL Chez

LES ANCIENS.

Nous avons eu occasion, ma chère Laure, de parler quelquefois des faits qui se sont passés pendant les proscriptions. Il doit vous importer de connaître ce qu'on entend par ce mot.

La proscription est une publication faite par un gouvernement ou par un chef de parti, par laquelle une peine est décernée contre ceux qu'on y désigne. Les Romains ont connu les premiers ce châtiment. Il y en avait de deux sortes. L'une interdisait au proscrit le feu et l'eau jusqu'à une certaine distance de la ville, plus ou moins éloignée selon la sévérité du décret, avec défense à qui

que ce fût de lui donner retraite, aide, ou appui dans toute l'étendue de la distance fixée. On affichait ce décret.

L'autre proscription était celle des têtes, ainsi nommée parce qu'elle ordonnait de tuer la personne proscrite, partout où on la trouverait. Une récompense était attachée à l'exécution de cette proscription. Le décret était gravé sur des tables de marbre, et exposé sur la place publique. On y lisait le nom des condamnés et le prix décerné pour la tête de chaque proscrit.

Sylla fut le premier auteur et l'inventeur de cette dernière espèce de proscription qu'il exerça avec la plus grande barbarie. Il fit afficher dans la place pu blique, les noms de quarante sénateurs et de seize cents chevaliers qu'il proscrivit. Il déclara infâmes et déchus du droit de bourgeoisie, les fils et les petitsfils des proscrits; il ordonna que quiconque sauverait un proscrit, ou lui offri

continuant ainsi de distance en distance, il eût franchi l'espace qu'il devait par

courir.

Quintus Sertorius, capitaine romain, qui embrassa le parti de Marius contre Sylla, voulut convaincre son armée fatiguée que la patience est le meilleur garant du succès ; il fit amener au milieu de l'armée deux chevaux, l'un vieux et maigre, l'autre jeune, vigoureux et remarquable par l'épaisseur de sa queue; au signal donné, un homme très - robuste prit à deux mains la queue du cheval maigre, et fit les plus grands efforts pour l'arracher, ils furent inutiles. Dans le même temps un homme d'un tempérament faible arrachait les crins de la queue du cheval fougueux l'un après l'autre ; elle fut dépouillée peuà-peu et sans peine. Alors Sertorius se tournant vers les chefs et les soldats, leur dit: Vous voyez que la patience vient à bout de tout, même de ce que la force

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