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induire en erreur. A Lacédémone le respect que l'on portait aux vieillards était tel que tous les jeunes citoyens se levaient à leur passage, et leur abandonnaient au théâtre les places d'honneur. La vue d'un vieillard est un tableau moral que nous pouvons étudier avec fruit.

Une autre pensée doit vous occupér encore, ma chère enfant. En accueillant les veillards avec respect, vous prescrivez pour ainsi dire des égards pour votre vieillesse, vous semez pour recueillir. La considération pour les vieillards est une loi que la nature a gravée dans le cœur de tous les hommes. Chez les nations les plus barbares, dans les guerres les plus cruelles, le sang des vieillards a toujours été respecté par les vainqueurs, les demeures qui les recelaient ont toujours été assurées contre la fureur du soldat, et souvent même dans une ville bloquée, les

assiégeans ont permis que les vieillards sortissent de la ville, pour aller chercher un asile où ils ne fussent point exposés aux dangers du combat et aux rigueurs du besoin.

Un historien nous apprend que chez un peuple ancien, la vénération pour les vieillards était telle que lorsqu'un habitant de la ville en rencontrait un sur son passage, et qu'il paraissait dans la pauvreté, il était contraint, sous peine des châtimens les plus rigoureux, à lui présenter sa bourse, afin qu'il y prît ce qui serait nécessaire à ses besoins.

Chez un autre peuple les vieillards étaient déposés par leurs enfans sur la place publique, et tous les habitans du pays se rendaient en foule auprès d'eux, les plaçaient sur des palanquins, sorte de brancards élevés, et les portaient chaque soir dans les campagnes, afin de les faire jouir du plaisir de contem

pler la nature; ils suppléaient ainsi à leur faiblesse.

Voilà des traits, ma chère Laure, qui doivent faire naître en votre coeur le sentiment qui enflammait les jeunes Spartiates et les habitans des contrées dont je viens de vous entretenir. Leurs actions n'ont pas besoin d'apologiste, en les imitant vous éprouverez les douces sensations de l'âme.

LETTRE LIV.

BÉLISAIRE.

VERS la fin du cinquième siècle, lorsque le siége de l'empire romain était transporté à Constantinople, que les barbares venaient fondre de tous côtés sur l'Europe, et que la puissance des empereurs paraissait près de s'écrouler sans retour, un homme apparut, qui par son courage, son activité, ses talens militaires et ses vertus en tous genres, sembla retarder pour un instant la chute de ce vaste empire, et arrêter sa décadence: c'était Bélisaire. Sorti des gardes de l'empereur Justinien, il s'éleva au rang de général; il tourna d'abord ses armes contre Carthage, s'en empara, livra bataille au roi Gélimer, le fit prisonnier et l'emmena en triomphe à Cons

tantinople. Les Goths s'étaient rendus maîtres de l'Italie; Bélisaire y court, reprend Catane, Syracuse, Palerme et toute la Sicile. Il passe en Italie, s'empare de Naples et de Rome, combat Théodat, roi des Goths, défait son armée, le poursuit jusques dans Ravenne, se rend maître de la ville et du roi qu'il mène à Constantinople. De là, il passe en Perse, met en fuite le roi Chosroës, retourne en Italie, défait de nouveau les Goths, commandés par leur nouveau roi Totila, revient à Constantinople et chasse les Huns qui avaient fait une irruption sur les terres de l'empire.

Après avoir vaincu quatre rois, gagné un nombre infini de batailles, délivré sa patrie des agressions des ennemis, qui venaient fondre de tous côtés sur l'empire romain comme sur une proie assurée, Bélisaire pouvait espérer quelque reconnaissance de ses concitoyens qu'il avait sauvés des horreurs d'une invasion

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