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moins célèbre par sa vertu et son amour pour la justice que par les services signalés qu'il rendit à sa patrie, fut banni d'Athènes par les intrigues de Thémistocle; il sortit de la ville plus heureux de succomber que de triompher comme son rival.

Socrate, philosophe athénien, fut persécuté par les sophistes ou faux philosophes, il méprisa leur haine ; peu inquiet d'être détesté, calomnié, joué sur les théâtres, pourvu qu'il fût innocent. Cependant il en devint la victime, on l'accusa d'impiété. Les événemens les plus fâcheux, loin d'étonner son courage, n'altérérent pas même sa sérénité; il ne voulut point se sauver de sa prison, il apprit en souriant l'arrêt de sa mort et but la ciguë, sorte de breuvage vénéneux auquel les criminels étaient condamnés. La pureté de sa conscience lui fit tout braver. Le souvenir du bien qu'il avait fait était le baume

consolateur qui fermait les blessures de son cœur. Si le témoignage de la conscience peut calmer des souffrances aussi grandes; combien, à plus forte raison, doit-elle alléger les tracas et les ribulations auxquels nous sommes exposés dans le cours de notre vie. Elle doit être un soutien contre les impostures dont nous pouvons être l'objet. Les traits de l'envie, de la calomnie s'émoussent sur elle; elle nous garantit de ces peines passagères qui assiégent notre cœur dans mille circonstances; elle imprime à notre âme un caractère d'énergie qui nous porte à mépriser les opinions de ceux qui nous accusent ou nous blâment, quand des apparences mensongères déposent contre nous. Le témoignage de la conscience est le lien qui soutient l'existence de l'être vertueux persécuté. Le témoignage de notre conscience ne peut jamais nous tromper, ma chère Laure; lorsque

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l'âme est comme suspendue et hésite à prononcer sur ce qui doit être blâmé ou approuvé, reportons notre esprit sur nous; jugeons par analogie, c'est-àdire par ressemblance, voyons si nous louerions ou condamnerions dans un autre l'action que nous balançons à faire, et agissons d'après cette loi; c'est la base de la conduite que nous devons tenir. Quelques faux philosophes ont tenté de prouver que nous pourrions être induits en erreur par la conscience, attendu, disaient-ils, qu'il arrivait que nous regardions comme coupables des actions que des préjugés nous faisaient condamner, mais qui étaient, sinon étrangères à la vertu, du moins éloignées du vice, et tenant un juste milieu entre le bien et le mal. Repoussez toujours, ma chère Laure, cette assertion dangereuse. Toutes les fois que voix de votre conscience s'élèvera pour blâmer une action, que son jugement

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soit sans appel, il est juste dans toute son extension, c'est celui de la nature; c'est un oracle que l'Etre suprême a placé en nous pour nous diriger.

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LETTRE L.

DU POUVOIR DES FEMMES.

Le pouvoir des femmes, ma chère Laure, pour être durable doit être fondé sur la raison et soutenu par la douceur, qui fait le plus bel apanage de ce sexe. Une femme réunirait en vain l'esprit le plus brillant aux grâces du visage, si elle n'a pas un bon cœur, elle se trahit tôt ou tard, et perd tout-à-coup un empire qu'elle avait acquis à force de temps et de peine. Un exemple vous fera mieux sentir la justesse de ces réflexions. Une princesse, qui vivait à la cour d'un roi de France, dont j'ai oublié le nom, s'était fait, par sa beauté, son esprit et ses talens, une foule d'adorateurs. Tous les chevaliers qui la voyaient une seule fois, en devenaient épris, et se trouvaient

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