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êtes dans l'erreur et que vous le jugez

mal.

Concevez, ma chère Laure, un mépris souverain pour ce vice du cœur qui décèle la turpitude de l'âme. Recevez les éloges qui vous sont dus, repoussez ceux que vous croyez n'avoir point mérités, et ne regardez les félicitations que comme un encouragement aux tra

vaux.

LETTRE XLV.

DU MÉPRIS DES RICHESSES.

LE sage, ma chère Laure, ne donne à l'or d'autre prix que celui d'un instrument utile, qui sert à se procurer les objets nécessaires à l'existence, mais il se garde bien de lui attribuer une autre valeur ; la vertu seule obtient son estime, et la richesse la plus considérable est méprisable à ses yeux; s'il ne peut l'acquérir sans bassesse et sans s'écarter de ses principes.

Deux traits bien opposés l'un à l'autre vous feront connaître quels doivent être sur ce sujet les sentimens d'une personne raisonnable. Un général romain nommé Crassus, possédait une fortune plus considérable qu'aucun roi de la terre, vous pourrez en juger quand

y

vous saurez qu'il donna un jour un repas à tout le peuple romain, et qu'il y fit délivrer à chaque citoyen assez de bled pour sa consommation de trois mois; cependant malgré toutes ses richesses, sa cupidité n'était pas satisfaite, et il cherchait tous les moyens. d'augmenter ce qu'il possédait. Pour parvenir il résolut de faire la guerre aux Parthes, afin de s'emparer de leurs immenses trésors,mais son avidité même lui ayant fait commettre de grandes fautes, il fut vaincu et fait prisonnier. Un soldat lui coupa la tête et la porta au roi qui fit couler dans sa bouche de l'or fondu afin, disait-il, de le rassasier après sa mort de ce métal dont il avait eu soif pendant toute sa vie.

Ainsi finit misérablement un homme que ses richesses immenses ne purent rendre heureux et dont elles causèrent la perte. Comparez maintenant à ce voluptueux Sybarite qui disait que pour

mériter le titre de riche, il fallait pouvoir soudoyer une armée, comparez, dis-je, le vertueux Fabricius, recevant dans sa modeste chaumière, les ambassadeurs Samnites et refusant leurs présens; vous le voyez, leur disait-il, l'eau du ruisseau me désaltère, les racines de mon petit jardin suffisent à ma nourriture, remportez cet or qui me serait inutile, et apprenez que les Romains sont moins jaloux de posséder les richesses que de commander à ceux qui les possèdent. Je vous laisse à décider, ma chère Laure, qui de Crassus ou de Fabricius était véritablement le plus riche et le plus heureux.

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l'homme qui a commis une faute la croit cachée à tous les yeux, il ne peut se la cacher à lui même, et il trouve dans sa propre conscience un témoin irrité et implacable qui ne cesse de lui reprocher cette action et qui le poursuit sans cesse de son accusation vengeresse. Il n'est plus de repos pour celui qui s'est rendu coupable, le remords le presse sans relâche et lui fait sentir à tout moment son aiguillon empoisonné. Aussi l'on a vu des criminels, ne pouvant supporter plus long-temps cet affreux supplice, venir dévoiler eux-mêmes leur crime aux magistrats, en solliciter la juste punition, et regarder la

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