Page images
PDF
EPUB

les uns le tenant sous les jambes, les autres sous les bras, comme l'on porte un malade que l'on craint d'incommoder.

Ce fut avec un pareil caractère et par de semblables actions que ce roi, dont les exploits avaient étonné le monde, fit trembler ses ennemis, rendit le nom suédois terrible à toutes les nations, se vit tomber rapidement du faîte des grandeurs au comble de l'infortune, et mourut enfin misérablement au siége d'une ville de ses propres états, qu'il était obligé de reconquérir les armes à la main.

LETTRE XXXIV.

LÉONIDAS.

LA La patrie est pour un grand cour l'objet des pensés les plus chères et des affections les plus sacrées; ni les dangers, ni les sacrifices, ne coûtent à celui qui en est animé ; et dans toutes les circonstances, il est prêt à verser son sang pour elle. O sentiment sublime! que de belles actions n'as-tu pas fait éclore, et de quels traits glorieux l'histoire de tous les temps ne t'est-elle pas redevable! C'est à toi que plus d'un pays doit son indépendance et sa prospérité;. c'est à toi surtout que nos héros doivent l'honneur et la gloire dont ils se sont couverts dans les combats.

Il est peu de pays sur la terre qui

n'ait fourni un exemple de ce que peut l'amour de la patrie; ce noble sentiment paraît tellement inné dans le cœur des hommes, que les hordes même les plus sauvages, n'y sont pas plus étrangères que les nations policées.

Cherchons, Mademoiselle, un exemple dans l'histoire. Sparte nous le fournit. Immortel comme sa chute, Léonidas mérite toute notre admiration.

Léonidas, roi de Sparte, fut désigné par son pays pour défendre le passage des Thermopyles de l'invasion des Perses, et, bien que connaissant tout le danger que présentait la défense de ce défilé, il n'en vit que l'honneur et se soumit. Suivi de trois cents hommes que le même sentiment animait, il invoque les dieux, s'arrache à sa famille et se prépare à aller attendre l'ennemi. L'observation lui étant faite, qu'un si petit nombre de soldats ne pouvait lui suffire,

il répondit : « Ils sont bien peu pour « arrêter Xercès, mais ils sont trop en«< core pour l'objet qu'ils se proposent. » Et quel est donc cet objet, lui demandat-on? « Notre devoir, répliqua-t-il, « est de défendre le passage; notre résolution d'y périr jusqu'au dernier: trois <<< cents victimes suffisent à l'honneur de Sparte; elle serait perdue sans res« source, si elle me confiait tous ses «< guerriers; car je ne puis présumer « qu'un seul d'entr'eux prenne la

<< fuite. >>

Mademoiselle,

Ce qui peut encore, vous donner une idée du sang-froid avec lequel les Spartiates se sacrifiaient pour leur patrie, c'est qu'avant de quitter leurs foyers, convaincus qu'ils n'échapperaient pas à la mort, ils honorèrent d'avance leur trépas par un combat funèbre auquel tout Sparte assista, et sortirent de la ville, suivis de leurs parents et de leurs amis, dont il reçurent les éternels adieux.

Léonidas ne dit que ce peu de mots à sa femme : «Je vous souhaite un époux di<< gne de vous et des enfans qui lui res« semblent. »

Les trois centsSpartiates sont avec leur vaillant roi, campés sur le terrain qui doit leur servir de tombeau. Etonné, confondu de leur tranquillité, Xercès écrit à Léonidas: si tu veux te soumettre à « moi, je te donne l'empire de la Grèce.» Léonidas ne lui répond que par ces mots : j'aime mieux mourir pour ma "patrie que de l'asservir. » Par un second message, Xercès lui disait encore: rends-moi tes armes, et Léonidas répondait : viens les chercher. »

,

Dans le moment où Léonidas se disposait à la plus hardie des entreprises, c'est-à-dire à marcher directement au camp de Xercès, il fit prendre un repas à ses soldats.« Nous en prendrons bientôt un autre chez Pluton, » leur

« PreviousContinue »