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Le Poeme des Jardins

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qu'à la fin de la saison des amours. Comme lorsque Delille était à ses côtés, madame de Moley s'occupait ordinairement de broderie et de tapisserie, c'était sur des morceaux de papiers qui lui servaient de patrons, que l'harmonieux traducteur de Virgile laissait couler ses vers immortels.

Moins amie des arts et de l'auteur madame de Moley se fût sans doute contentée du simple hommage rendu à ses vertus et à ses attraits; mais elle porta plus haut ses vues, et, sortant un jour de son appartement avec une boîte renfermant tous les vers dont j'ai parlé, elle exigea de l'abbé Delille qu'il les liât entr'eux et en formât un poëme. Delille obéit, et le poëme des Jardins parut.

Vous dirai-je maintenant un mot de cet ouvrage? la muse de Delille aurait cru déroger en décrivant le jardin fruitier et potager, le parterre et le petit

bois.Les jardins ordinaires lui paraissent rustiques; les jardins superbes l'ennuient par leur régularité monotone. Quelle est est donc l'espèce de jardins qui soit digne de ses chants? Ce sont ces jardins dont les Anglais nous ont donné le goût, où l'on s'efforce de réunir les divers accidens, les différens points de vue que la nature a semés sur la terre à des distances éloignées, où l'on rassemble les champs, les prés, les rochers, les montagnes, les rivières, les bois; où l'on voit des masures et des palais, des temples et des églises, des ponts, des moulins, des tours, etc. Ce ne sont donc point les beautés simples et touchantes de la nature, ce sont les efforts et les prodiges d'un luxe délicat et raffiné; ce n'est point l'art de cultiver les jardins, c'est l'art d'embellir la nature que l'abbé Delille a chanté.

On reproché à l'auteur le défaut de

plan et d'ensemble; ce que ce que je vous ai

dit sur l'origine de ce poëme explique assez la cause de ce double défaut. Delille a trouvé dans le temps des censeurs injustes et des panégyristes outrés. On convient aujourd'hui que les Jardins sont un ouvrage charmant, étincelant d'esprit et de traits délicats, parsemé de descriptions brillantes et de tirades délicieuses, extrêmement riche de poésie, précieux par l'harmonie de la versification, l'élégance, la précision, la finesse du style; un ouvrage enfin auquel il ne manque pour être parfait qu'un sujet plus intéressant, un plan plus net, plus de naturel et une manière plus franche.

En chantant uniquement les jardins ́anglais, Delille a donné lieu à une observation, c'est que la France aurait dû toujours être le sujet de ses chants, bien qu'on lise avec le plus grand plaisir la description du jardin de Pope. Les louanges données à la patrie dans un

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