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accordés par l'être fuprême à l'homme, à l'exclufion des autres animaux.

Le mâle en général vit un peu moins long-temps que la femelle.

Il est toujours plus grand, proportion gardée. L'homme de la plus haute taille a d'ordinaire deux ou trois pouces par deffus la plus grande femme.

Sa force eft prefque toujours fupérieure, il est plus agile; & ayant tous les organes plus forts, il eft plus capable d'une attention fuivie. Tous les arts ont été inventés par lui & non par la femme. On doit remarquer que ce n'eft pas le feu de l'imagination, mais la méditation perfévérante & la combinaison des idées qui ont fait inventer les arts, comme les mécaniques, la poudre à canon, l'imprimerie, l'horlogerie &c.

L'espèce humaine est la feule qui fache qu'elle doit mourir, & elle ne le fait que par l'expérience. Un enfant élevé feul, & tranfporté dans une île déferte, ne s'en douterait pas plus qu'une plante & un chat.

Un homme à fingularités (a) a imprimé que le corps humain est un fruit qui est verd jusqu'à la vieilleffe, & que le moment de la mort eft la maturité. Etrange maturité que la pourriture & la cendre! la tête de ce philofophe n'était pas mûre. Combien la rage de dire des chofes nouvelles a-t-elle fait dire de chofes extravagantes!

Les principales occupations de notre espèce font le logement, la nourriture & le vêtement; tout le refte eft acceffoire : & c'eft ce pauvre acceffoire qui a produit tant de meurtres & de ravages.

(a) Maupertuis.

Différentes

Différentes races d'hommes.

Nous avons vu ailleurs combien ce globe porte de races d'hommes différentes, & à quel point le premier nègre & le premier blanc qui fe rencontrèrent, dûrent être étonnés l'un de l'autre.

Il eft même affez vraisemblable que plufieurs espèces d'hommes & d'animaux trop faibles ont péri. C'est ainfi qu'on ne retrouve plus de murex dont l'efpèce a été dévorée probablement par d'autres animaux, qui vinrent après plufieurs fiècles fur les rivages habités par ce petit coquillage.

St Jérôme, dans fon Hiftoire des pères du désert, parle d'un centaure qui eut une converfation avec St Antoine l'ermite. Il rend compte enfuite d'un entretien beaucoup plus long que le même Antoine eut avec un fatyre.

St Auguftin dans fon trente-troisième fermon, intitulé: A fes frères dans le défert, dit des chofes auffi extraordinaires que Jérôme : J'étais déjà évêque d'Hippone " quand j'allai en Ethiopie avec quelques ferviteurs " du CHRIST pour y prêcher l'évangile. Nous vîmes " dans ce pays beaucoup d'hommes & de femmes " fans tête, qui avaient deux gros yeux fur la poi"trine; nous vêmes dans des contrées encore plus ,, méridionales, un peuple qui n'avait qu'un œil au " front &c. 11

Apparemment qu'Augustin & Jérôme parlaient alors par économie; ils augmentaient les œuvres de la création pour manifefter davantage les œuvres de DIEU. Ils voulaient étonner les hommes par des Dictionn. philofoph. Tome V.

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fables, afin de les rendre plus foumis au joug de la foi. (*)

Nous pouvons être de très-bons chrétiens fans croire aux centaures, aux hommes fans tête, à ceux qui n'avaient qu'un œil, ou qu'une jambe &c. Mais nous ne pouvons douter que la ftructure intérieure d'un nègre ne foit différente de celle d'un blanc, puifque le réseau muqueux ou graiffeux eft blanc chez les uns, & noir chez les autres. Je vous l'ai déjà dit; mais vous êtes fourds.

Les Albinos & les Dariens, les premiers originaires de l'Afrique, & les feconds du milieu de l'Amérique, font auffi différens de nous que les nègres. Il y a des races jaunes, rouges, grifes. Nous avons déjà vu que tous les Américains font fans barbe & fans aucun poil fur le corps, excepté les fourcils & les cheveux. Tous font également hommes; mais comme un fapin, un chêne & un poirier font également arbres; le poirier ne vient point du fapin, & le fapin ne vient point du chêne.

Mais d'où vient qu'au milieu de la mer Pacifique, dans une île nommée Taïti, les hommes font barbus? C'eft demander pourquoi nous le fommes, tandis que les Péruviens, les Mexicains & les Canadiens ne le font pas. C'eft demander pourquoi les finges ont des queues, & pourquoi la nature nous a refufé cet ornement, qui du moins eft parmi nous d'une rareté extrême.

Les inclinations, les caractères des hommes diffèrent autant que leurs climats & leurs gouvernemens. Il n'a jamais été poffible de composer un régiment (*) Voyez Economie.

de Lapons & de Samoïèdes, tandis que les Sibériens leurs voifins deviennent des foldats intrépides.

Vous ne parviendrez pas davantage à faire de bons grenadiers d'un pauvre Darien ou d'un Albino. Ce n'eft pas parce qu'ils ont des yeux de perdrix ; ce n'eft pas parce que leurs cheveux & leurs fourcils font de la foie la plus fine & la plus blanche: mais c'est parce que leur corps, & par conféquent leur courage eft de la plus extrême faibleffe. Il n'y a qu'un aveugle, & même un aveugle obfliné qui puiffe nier l'existence de toutes ces différentes efpèces. Elle eft auffi grande & auffi remarquable que celle des finges.

Que toutes les races d'hommes ont toujours vécu en Société.

Tous les hommes qu'on a découverts dans les pays les plus incultes & les plus affreux, vivent en fociété comme les caflors, les fourmis, les abeilles, & plufieurs autres espèces d'animaux.

On n'a jamais vu de pays où ils vécuffent féparés, où le mâle ne fe joignît à la femelle que par hafard, & l'abandonnât le moment d'après par dégoût; où la mère méconnût fes enfans après les avoir élevés, où l'on vécût fans famille & fans aucune fociété. Quelques mauvais plaifans ont abufé de leur efprit jufqu'au point de hafarder le paradoxe étonnant que l'homme eft originairement fait pour vivre feul comme un loup cervier, & que c'est la société qui a dépravé la nature. Autant vaudrait-il

dire que dans la mer les harengs font originairement faits pour nager ifolés, & que c'eft par un excès de corruption qu'ils paffent en troupe de la mer Glaciale fur nos côtes ; qu'anciennement les grues volaient en l'air chacune à part, & que par une violation du droit naturel elles ont pris le parti de voyager en compagnie.

Chaque animal a fon inftin&t; & l'inftin&t de l'homme, fortifié par la raison, le porte à la fociété comme au manger & au boire. Loin que le befoin de la fociété ait dégradé l'homme, c'eft l'éloignement de la fociété qui le dégrade. Quiconque vivrait abfolument feul perdrait bientôt la faculté de penser & de s'exprimer ; il ferait à charge à lui-même ; il ne parviendrait qu'à fe métamorphofer en bête. L'excès d'un orgueil impuiffant, qui s'élève contre l'orgueil des autres, peut porter une ame mélancolique à fuir les hommes. C'eft alors qu'elle s'eft dépravée. Elle s'en punit elle-même. Son orgueil fait fon fupplice; elle fe ronge dans la folitude du dépit fecret d'être méprifée & oubliée; elle s'eft mise dans le plus horrible efclavage pour être libre.

On a franchi les bornes de la folie ordinaire jufqu'à dire, qu'il n'eft pas naturel qu'un homme s'attache à une femme pendant les neuf mois de fa groffeffe; l'appétit fatisfait, dit l'auteur de ces paradoxes, l'homme n'a plus befoin de telle femme, ni la femme de tel homme; celui-ci n'a pas le moindre fouci, ni peut-être la moindre idée des fuites de fon action. L'un s'en va d'un côté, l'autre de l'autre ; & il n'y a pas d'apparence qu'au bout de neuf mois ils aient la mémoire de s'être connus. Pourquoi la fecourrat-il après l'accouchement ? pourquoi lui aidera t-il à élever un enfant qu'il ne fait pas feulement lui appartenir ?

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