Page images
PDF
EPUB

ne l'avait jamais été dans une fi longue fuite de différens efclavages.

Dans leurs troubles inteftins, ils prirent les Romains pour juges. Déjà la plupart des royaumes de l'Afie mineure, de l'Afrique méridionale, & des trois quarts de l'Europe, reconnaissaient les Romains pour arbitres & pour maîtres.

Pompée vint en Syrie juger les nations, & dépofer plufieurs petits tyrans. Trompé par Ariftobule, qui difputait la royauté de Jérufalem, il se vengea fur lui & fur fon parti. Il prit la ville, fit mettre en croix quelques féditieux, foit prêtres, foit pharifiens, & condamna, long-temps après, le roi des Juifs Ariftobule au dernier fupplice.

Les Juifs toujours malheureux, toujours efclaves, & toujours révoltés, attirent encore fur eux les armes romaines. Craffus & Caffius les puniffent; & Metellus Scipion fait crucifier un fils du roi Ariftobule nommé Alexandre, auteur de tous les troubles.

Sous le grand Céfar ils furent entièrement foumis & paifibles. Hérode fameux parmi eux & parmi nous, long temps fimple tétrarque, obtint d'Antoine la couronne de Judée, qu'il paya chérement: mais. Jérufalem ne voulut pas reconnaître ce nouveau roi, parce qu'il était defcendu d'Efau, & non pas de Jacob, & qu'il n'était qu'iduméen c'était précifément fa qualité d'étranger qui l'avait fait choisir par les Romains pour tenir mieux ce peuple en bride.

:

Les Romains protégèrent le roi de leur nomination avec une armée. Jérufalem fut encore prise d'affaut, faccagée & pillée.

Dictionn. philofoph. Tome V.

K

Hérode protégé depuis par Augufte devint un des plus puiffans princes parmi les petits rois de l'Arabie. Il répara Jérufalem; il rebâtit la forteresse qui entourait ce temple fi cher aux Juifs, qu'il conftruifit auffi de nouveau, mais qu'il ne put achever : l'argent & les ouvriers lui manquèrent. C'eft une preuve qu'après tout Hérode n'était pas riche, & que les Juifs, qui aimaient leur temple, aimaient encore plus leur argent comptant.

Le nom de roi n'était qu'une faveur que fefaient les Romains cette grâce n'était pas un titre de fucceffion. Bientôt après la mort d'Hérode, la Judée fut gouvernée en province romaine fubalterne par le proconful de Syrie; quoique de temps en temps on accordât le titre de roi tantôt à un juif, tantôt à un autre, moyennant beaucoup d'argent, ainfi qu'on T'accorda au juif Agrippa fous l'empereur Claude.

Une fille d'Agrippa fut cette Bérénice célébre pour avoir été aimée d'un des meilleurs empereurs dont Rome fe vante. Ce fut elle qui, par les injuftices qu'elle effuya de fes compatriotes, attira les vengeances des Romains fur Jerufalem. Elle demanda juftice. Les factions de la ville la lui refufèrent. L'efprit féditieux de ce peuple fe porta à de nouveaux excès; fon caractère en tout temps était d'être cruel, & fon fort d'être puni.

Vefpafien & Titus firent ce fiége mémorable, qui finit par la deftruction de la ville. Jofephe l'exagérateur prétend que dans cette courte guerre il y eut plus d'un million de juifs maffacrés. Il ne faut pas s'étonner qu'un auteur qui met quinze mille hommes dans chaque village tue un million d'hommes. Ce qui

resta fut exposé dans les marchés publics, & chaque juif fut vendu à peu près au même prix que l'animal immonde dont ils n'ofent manger.

Dans cette dernière difperfion ils espérèrent encore un libérateur; & fous Adrien, qu'ils maudiffent dans leurs prières, il s'éleva un Barcochebas, qui fe dit un nouveau Moïse, un Shilo, un Christ. Ayant rassemblé beaucoup de ces malheureux fous fes étendards, qu'ils crurent facrés, il périt avec tous fes fuivans ce fut le dernier coup pour cette nation, qui en demeura accablée. Son opinion conftante, que la ftérilité eft un opprobre, l'a confervée. Les Juifs ont regardé comme leurs deux grands devoirs, des enfans & de l'argent.

Il réfulte de ce tableau raccourci que les Hébreux ont presque toujours été ou errans, ou brigands, ou efclaves, ou féditieux : ils font encore vagabonds aujourd'hui fur la terre, & en horreur aux hommes, affurant que le ciel & la terre, & tous les hommes ont été créés pour eux feuls.

par

On voit évidemment, par la fituation de la Judée, & le génie de ce peuple, qu'il devait être toujours fubjugué. Il était environné de nations puiffantes & belliqueufes qu'il avait en averfion. Ainfi il ne pouvait nis'allier avec elles, ni être protégé par elles. Il lui fut impoffible de se foutenir par la marine, puisqu'il perdit bientôt le port qu'il avait du temps de Salomon fur la mer Rouge, & que Salomon même fe fervit toujours des Tyriens pour bâtir & pour conduire fes vaiffeaux, ainfi que pour élever fon palais & le temple. Il est donc manifefte que les Hébreux n'avaient aucune induftrie, & qu'ils ne pouvaient composer un peuple floriffant. Ils n'eurent jamais de corps d'armée

continuellement fous le drapeau, comme les Affyriens, les Mèdes, les Perfes, les Syriens & les Romains. Les artifans & les cultivateurs prenaient les armes dans les occafions, & ne pouvaient par conféquent former des troupes aguerries. Leurs montagnes, ou plutôt leurs rochers, ne font ni d'une affez grande hauteur, ni affez contigus, pour avoir pu défendre l'entrée de leur pays. La plus nombreuse partie de la nation tranfportée à Babylone, dans la Perfe & dans l'Inde, ou établie dans Alexandrie, était trop occupée de fon commerce & de fon courtage pour fonger à la guerre. Leur gouvernement civil, tantôt républicain, tantôt pontifical, tantôt monarchique, & très-fouvent réduit à l'anarchie, ne paraît pas meilleur que leur difcipline militaire.

Vous demandez quelle était la philofophie des Hébreux; l'article fera bien court; ils n'en avaient aucune. Leur légiflateur même ne parle expreffément en aucun endroit ni de l'immortalité de l'ame, ni des récompenfes d'une autre vie. Jofephe & Philon croient les ames matérielles ; leurs docteurs admettaient des anges corporels ; & dans leur fejour à Babylone ils donnèrent à ces anges les noms que leur donnaient les Chaldéens, Michel, Gabriel, Raphaël, Uriel. Le nom 'de Satan eft babylonien, & c'eft en quelque manière l'Arimane de Zoroastre. Le nom d'Asmodée eft auffi chaldéen ; & Tobie, qui demeurait à Ninive, eft le premier qui l'ait employé. Le dogme de l'immortalité de l'ame ne fe développa que dans la fuite des temps chez les pharifiens. Les faducéens nièrent toujours cette fpiritualité, cette immortalité, & l'exiftence des anges. Cependant les faducéens communiquèrent fans

interruption avec les pharifiens : ils eurent même des fouverains pontifes de leur fecte. Cette prodigieufe différence entre les fentimens de ces deux grands corps ne caufa aucun trouble. Les Juifs n'étaient attachés fcrupuleufement, dans les derniers temps de leur féjour à Jérufalem, qu'à leurs cérémonies légales. Celui qui aurait mangé du boudin ou du lapin aurait été lapidé; & celui qui niait l'immortalité de l'ame pouvait être grand-prêtre.

On dit communément que l'horreur des Juifs pour les autres nations venait de leur horreur pour l'idolâtrie; mais il eft bien plus vrai femblable que la manière dont ils exterminèrent d'abord quelques peuplades du Canaan, & la haine que les nations voifines conçurent pour eux, furent la caufe de cette averfion invincible qu'ils eurent pour elles. Comme ils ne connaissaient de peuples que leurs voifins, ils crurent en les abhorrant détefter toute la terre, & s'accoutumèrent ainfi à être les ennemis de tous les hommes.

Une preuve que l'idolâtrie des nations n'était point la caufe de cette haine, c'eft que par l'hiftoire des Juifs on voit qu'ils ont été très-fouvent idolâtres. Salomon lui-même facrifiait à des dieux étrangers. Depuis lui on ne voit prefque aucun roi dans la petite province de Juda, qui ne permette le culte de ces dieux, & qui ne leur offre de l'encens. La province d'Ifraël conferva fes deux veaux & fes bois facrés, ou adora d'autres divinités.

Cette idolâtrie qu'on reproche à tant de nations est encore une chose bien peu éclaircie. Il ne ferait peut-être pas difficile de laver de ce reproche la

« PreviousContinue »