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den Berg et Kniff étaient cousins : Van den Berg avait fait la campagne de Russie et servait avec zèle et entrain ; c'était, en un mot, un bon officier. Kniff, qui a été aide de camp du prince d'Orange, devenu roi des Pays-Bas, était au contraire un mauvais officier servant fort à contre cœur.

Pour nous rendre à Hambourg nous passâmes par Cologne et nous descendîmes le Rhin jusqu'à Wesel, mais avant d'y arriver, et en partant de Blankenheim, il m'advint un accident que je puis mettre au nombre des tribulations que j'ai éprouvées dans ma carrière militaire.

Quinze jours après mon arrivée à Metz, au mois de février précédent, on était venu me prévenir que mon domestiqué arrivait avec mes trois chevaux dont deux me furent signalés comme très-beaux. Ne pouvant me rendre compte de la chose, je me rendis au quartier dont je vis sortir mon domestique qui vint à moi d'un air triomphant, et me remit un reçu de huit cents francs, visé par le maire d'une commune du département de l'Eure, et attestant que ladite somme avait été versée entre les mains du propriétaire d'une jument dont on donnait le signalement, à titre de retour, en échange de cette jument contre un petit cheval dit navarin. Je grondai vertement l'auteur dudit échange, mais il n'y avait pas moyen de revenir sur un marché conclu à cent vingt lieues de là, ni de laisser à la charge de celui qui l'avait fait la jument qu'il m'avait du reste amenée dans une bonne intention et que je n'aurais pu remplacer. Les trois chevaux, d'ailleurs, étaient, après la longue route qu'ils venaient de faire, en parfait état. La nouvelle acquisition avait un éparvin qui lui ôtait, sur le marché, une bonne partie de sa valeur, mais elle était bien conformée, et en la montant je reconnus qu'elle était maniable et fort vite; la suite me montra qu'elle avait du fond. Or, trois mois plus tard je l'emmenai à Hambourg

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avec mes deux autres chevaux, et en me rendant de Blankenheim à Cologne, la jument normande que j'avais achetée à Caen, et que je montais chaque jour pour la dresser, glissa et se donna un écart qui la mit dans l'impossibilité de continuer la route. Je fus donc forcé de la laisser avec mon domestique et la jument polonaise dans un village du département de la Roër où, par hasard, il se trouvait un vétérinaire. Il fallut faire légaliser la position du domestique et des deux chevaux pour qu'ils pussent me rejoindre, pourvoir par avance à leur dépense, et partir avec l'incertitude sur leur sort, incertitude que devait nécessairement faire naître la perspective des événements qui se préparaient; nous allions avoir sur les bras les forces de l'Europe coalisée contre nous, n'ayant à leur opposer qu'une armée improvisée. Dans cette grave attente, je me trouvais privé de deux chevaux et d'un domestique intelligent, ayant l'expérience des choses de la guerre. Il fallut bien se raidir contre cette difficulté et continuer à marcher vers le but désigné.

Nous nous embarquâmes sur le Rhin, à Cologne, pour descendre jusqu'à Wesel où nous arrivâmes le lendemain, après avoir couché à Dusseldorff. On nous débarqua sur la rive gauche au bas d'une berge rapide et élevée. Il faisait nuit. On eut beaucoup de peine à faire passer nos chevaux des bateaux sur la terre, les chevaux des officiers seulement, puisque la troupe n'en avait pas. A la suite de ce débarquement, il m'arriva encore un accident qui aurait pu être grave. Je venais de monter à cheval quand ma jument, engourdie par sa longue station dans le bateau, s'affaissa des jambes de derrière, se renversa sur moi de tout son poids, et roula le long de la berge vers le fleuve où elle se serait sûrement noyée si, par hasard, elle n'eût été arrêtée par un grand aviron posé horizontalement et diagonalement

d'un bout sur le bateau et de l'autre sur la terre. On eut assez de peine à la tirer de là, mais enfin elle n'était pas blessée ni moi non plus. Cela ne m'empêcha pas de faire la réflexion que cette campagne commençait pour moi sous d'assez fâcheux auspices. De Wesel nous allâmes à Munster, Osnabruck, Brême, et enfin nous arrivâmes à Hambourg,

Hambourg.

CHAPITRE IX

Le maréchal Davoust.

Approvisionnement de l'armée.

For

Le

Les

L'île de

Le général Dubois. mation du 15e cuirassiers. Le colonel de Saint-Sauveur. général Vathier. L'armée russe et le général Bénigsen. Danois. Le siége. Willemsbourg. Attaque des Russes. Le colonel Pierre. - Le capitaine de Bousy. Fourrages enlevés à l'ennemi. Service de la cavalerie sur les digues. Luttes continuelles.

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Incendies des

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villages. Louis XVIII monte sur le trône de France. Accusations injustes contre le maréchal Davoust. tour en France. Le général Guiton. populations belges.

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Hambourg faisait partie du corps d'armée commandé par le maréchal Davoust, et mon escadron contribua à la formation d'un nouveau régiment de cuirassiers dont les premiers éléments, déjà arrivés, avaient été fournis par les 2o, 3o et 4o de cuirassiers. Deux autres régiments de même arme, composés d'escadrons fournis par les autres régiments, étaient aussi en état de formation à Hambourg. Celui dont je faisais partie n'ayant point reçu d'officier supérieur pour le commander, je fus, en ma qualité du plus ancien capitaine, investi de ce commandement. Jusque-là les trois escadrons, arrivés avant moi, avaient agi chacun à sa guise, et il fallait commencer par mettre de l'unité. Nous étions sous les ordres immédiats du général Dubois dont l'héroïque conduite pendant la retraite de Russie avait motivé un décret spécial mis à l'ordre de l'armée pour sa nomination de général de brigade. Je le connaissais de réputation: c'était un

homme probe, mais dur et généralement reconnu pour un mauvais coucheur. J'allai naturellement lui faire ma visite d'arrivée avec mes officiers. Il me fit une réception froide. Je m'y attendais, sachant que tout ce qui appartenait à l'ancienne noblesse était mal vu par lui. Il me parla en termes très-peu flatteurs des trois escadrons arrivés avant moi, et de la nécessité de faire de ces quatre parties diverses un tout homogène, puisqu'il était prévenu que ce régiment provisoire devait être constitué définitivement et prendre le numéro 15.

Je me mis à l'oeuvre je réunis les officiers et leur parlai le mieux que je pus. Je n'en connaissais que deux, tous deux capitaines au 4o de cuirassiers; c'était ce qu'il y avait de mieux. Je donnai un ordre médité avec soin et que je tâchai de rédiger clairement. Chaque escadron étant venu séparément et n'ayant que le nombre d'officiers réglementaire, il n'y avait pas d'état-major. Il fallut en créer un et chercher dans les éléments à ma disposition ce qui pouvait convenir aux différents postes à faire. Van den Berg était actif, intelligent et pouvait être un bon adjudant-major, mais il n'était que souslieutenant. J'obtins sa nomination au grade de lieutenant, et dès le lendemain je demandai qu'il fût adjudant-major, ce qu'on m'accorda. Cette faveur fit ouvrir de grands yeux à quelques lieutenants, mais je l'avais sollicitée avec la conscience qu'excepté un lieutenant du se régiment nommé Baudot, que je fis aussi nommer adjudant-major, aucun des autres ne réunissait les conditions indispensables. Il fallut encore nommer un trẻsorier et remplir les places que ces diverses nominations rendaient vacantes; tout cela se fit sur ma présentation, ce qui contribua à me donner beaucoup d'autorité. Je n'avais pas encore trente ans et la plupart des sous-lieutenants, qui sortaient presque tous de la gendarmeric, étaient plus àgés que moi. Quant aux capitaines, à l'ex

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