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car si, à mon début, j'ai eu trop d'estime pour les grands coups d'épée, comme dit Mme de Sévigné, je n'ai pas tardé à les estimer à leur juste valeur, et à comprendre qu'ils n'entrent dans les devoirs d'un officier de cavalerie, au moment d'un combat, que dans une proportion minime; mais voici ce qui arriva : quand, sur le bord du ravin, je m'occupais de rallier mes hommes et de reformer les rangs, un lancier espagnol, longeant notre front pour rejoindre les siens qui se ralliaient aussi très-près de nous, nous jeta un regard de menace qui me déplut. J'étais échauffé, surexcité par l'action; je courus sur lui, relevai avec mon sabre la lance dont il me porta un coup et le traversai littéralement d'outre en outre. Il tomba et ceci eut lieu à égale distance des deux troupes en présence. Le retentissement qu'eut ce coup de sabre, à la suite de tant d'autres qui avaient été donnés dans la journée, ne peut s'imaginer. Les cuirassiers le racontèrent le soir au bivouac, et le lendemain, ayant eu l'occasion d'aller au quartier général, il fut la première chose dont me parlèrent les officiers de l'état-major général. Enfin, en 1833, par conséquent vingt-deux ans après, un officier du dépôt de remonte d'Alençon que je commandais alors, étant en tournée, rencontra un ancien maréchal des logis du 13 de cuirassiers qui, le sachant sous mes ordres, n'eut rien de plus pressé que de lui raconter le coup de sabre. Je dois dire encore que le soir même de cette affaire, je fus entouré et chaleureusement félicité par les officiers du 3 régiment de la Vistule qui était à ma droite au moment où j'avais commandé la charge. Je fus sensible à cette manifestation! C'était une des fleurs du métier.

Nous rentrâmes à notre bivouac, et, le lendemain, la garnison du fort de Sagonte, forte de dix-huit cents hommes, capitula et vint grossir la colonne de prisonniers qu'on dirigeait vers la France.

Pendant la durée du siège de ce fort, la maréchale

Suchet était logée dans une tour isolée, bâtie par les Maures, et cette tour se trouvait à portée des pièces de gros calibre du fort. Après la reddition, le maréchal ayant demandé au chef de la garnison pourquoi aucun projectile n'avait été lancé de ce côté, il lui fut répondu que, sachant que la maréchale était là, les canonniers avaient reçu l'ordre de ne diriger aucun coup vers la tour. Cet acte de courtoisie a été une rare exception à ce qui se pratiquait pendant cette guerre d'extermination.

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mandant Bordenave. Reconnaissances.

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Deux solliciteuses. Infamie du général Boussard. Marque de confiance du maréchal Suchet. Combat devant Torrente. Déjeuner du colonel Lamotte Guéry. Les femmes espagnoles au bivouac français. — Bombardement et capitulation de Valence. Encore des femmes. triomphale dans Valence. Le colonel Estève.

magnac.

Le chanoine Muños et ses nièces.

Pasqual Mora. Départ pour la France.

Squelettes des Polonais.

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Entrée

Le général d'ArMarche sur Alzira.

Le général Mont

marie. Nouvelle preuve de confiance du maréchal Suchet. - Déceptions militaires. régidor de Jaca. Le Corse Pompei et son sac d'argent.

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Pyrénées. Changement de corps.

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Départ pour Metz.
Voyage de Metz à Hambourg.

Lorsque le fort fut en notre pouvoir, l'armée se porta en avant et prit position sur le Guadalaviar, la gauche appuyée à la mer, et la droite s'arrêtant au village de Bettera, que mon régiment occupa avec deux régiments d'infanterie, dont un polonais. Nos avant-postes étaient sur le bord du fleuve qui, en réalité, n'est qu'un ruisseau guéable partout; ceux des Espagnols se trouvaient en face de nous, et nous nous laissions réciproquement fort tranquilles, ce qui arrive toujours quand les postes ennemis sont très-rapprochés. La nuit, cependant, les Espagnols faisaient quelquefois passer un détachement au-dessus de Bettera et simulaient une attaque sur notre

flanc droit; mais cela se bornait toujours à quelques coups de feu échangés sans résultat. Nous prîmes pourtant un jeune officier, qui n'eut pas l'air trop fâché d'être tombé entre nos mains; nous le traitâmes bien; il était distingué, qualité assez rare dans l'armée espagnole, dont le corps d'officiers se recrutait, dans ces temps désastreux, comme il pouvait.

Notre inaction dura un mois; nous reçûmes ensuite l'ordre de faire de temps à autre des excursions sur la rive droite, ce qui donna lieu à plusieurs combats, dont l'un eut une certaine importance et fut marqué par un événement très-dramatique. Le général Boussard était avec nous à Bettera, et le général Robert, qui commandait la brigade d'infanterie, se trouvait sous ses ordres. Une reconnaissance, composée de cinquante cuirassiers et de quelques voltigeurs, partit donc et passa le Guadalaviar. Je n'étais pas commandé pour cette expédition; mais, voulant en voir le début, je montai à cheval avec le capitaine d'artillerie Hurlaux, qui commandait la batterie que nous avions à Bettera, et, tous les deux, en amateurs, nous suivîmes le mouvement de la reconnaissance, avec l'intention de n'aller que jusqu'à la rivière; le passage n'en ayant pas été sérieusement disputé, la curiosité nous entraîna, quoique nous eussions toujours l'intention de ne pas aller trop loin. En cela, nous avions compté sans les motifs d'intérêt qui se succédèrent, et sans le sentiment du danger que nous aurions couru en retournant seuls sur nos pas, après être arrivés à une certaine distance du gué où nous avions traversé le Guadalaviar. Force nous fut donc de rester liés à la destinée du détachement, qui, après avoir passé le gué, avait tourné à gauche, se dirigeant sur Valence, dont nous étions à quatre lieues, et devant rejoindre, à moitié de cette distance, une autre reconnaissance, sous les ordres du général Harispe,

depuis maréchal de France. Lorsque nous arrivâmes près du point où devait se faire la jonction des deux reconnaissances, nous eûmes à franchir une côte dont la direction était perpendiculaire au cours du Guadalaviar qu'elle joignait, se prolongeant indéfiniment vers notre droite. Des vedettes espagnoles étaient placées sur la cime. On divisa les cuirassiers en deux pelotons, dont l'un, sous les ordres du capitaine qui commandait le tout, cut pour mission de longer la côte pendant une heure, et de venir ensuite rejoindre la reconnaissance. Avec les vingt-cinq cuirassiers qui nous restaient on chassa les vedettes de l'ennemi, et nous devînmes maîtres de la hauteur,

On dominait de là une petite plaine entourée de trois côtés par un bois d'oliviers et de caroubiers; le chemin qui y conduisait, et que nous avions suivi depuis le passage de la rivière, descendait en pente rapide et pierreuse. En face de nous était un escadron de hussards espagnols ayant une ligne de tirailleurs. Au moment où nous nous montrâmes, le général Harispe débouchait sur notre gauche, précédé par un détachement de hussards du 4° régiment qui engagea de suite avec l'ennemi un feu de tirailleurs. Notre infanterie, n'ayant pas marché aussi vite que nous, n'était pas encore sur le terrain. Les vingt-cinq cuirassiers que nous avions conservés étaient commandés par un lieutenant, venu depuis peu de temps des grenadiers de la garde impériale, et qui n'avait pas débuté d'une manière brillante au régiment, s'étant grisé le jour de la bataille de Sagonte de façon à se tenir à peine à cheval et à ne pas savoir ce qu'il faisait. Il reçut l'ordre de mettre son détachement sur un seul rang et de se porter à quelques centaines de pas du point où le chemin qui se prolongeait vers Valence entrait dans le bois, devant ainsi en garder le débouché dans la plaine.

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