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grande revue qui eut lieu à Paris quelque temps après le mariage de l'Empereur. Trente-deux escadrons de cuirassiers défilèrent aux cris d'admiration d'une foule immense. Jamais spectacle plus grandiose n'avait frappé la vue des Parisiens. Les troupes étaient magnifiques de tenue; une foule de souverains et de princes venus de tous les points de l'Europe formaient le cortège de l'Empereur, entouré, en outre, de ses maréchaux et de son brillant état-major. Tous ceux qui ont assisté à cette revue en ont conservé le souvenir comme d'une chose plus remarquable que ce que l'imagination peut concevoir. J'y étais, ayant été mandé par le colonel pour venir à cette solennité, ce dont j'aurais pu me dispenser, étant en congé.

Je retournai en Normandie après quinze jours d'absence, et j'y emmenai mes chevaux comme si un pressentiment m'eût averti que je quittais mon régiment pour ne plus le revoir. La paix avait été faite dans des conditions qui devaient la rendre durable du côté de l'Allemagne. Le mariage de l'Empereur avec l'archiduchesse d'Autriche, la terreur qu'inspirait son nom, une armée de près d'un million de soldats, commandée par les généraux les plus habiles de l'Europe, et en même temps les plus confiants dans les talents militaires de leur chef suprême : tout cela semblait être pour nous une garantie après des luttes déjà si longues et si acharnées. D'ailleurs, l'Empereur lui-même nous l'avait annoncé dans la visite de corps que nous lui avions faite, et il nous avait dit en outre qu'il comptait que l'oisiveté des garnisons et les distractions qu'elles pourraient nous offrir ne porteraient point atteinte à nos qualités guerrières. Mais l'Espagne était là pour nous les rappeler au besoin, et la résistance désespérée de ses habitants continuait avec les péripéties les plus sanglantes. Le désaccord dans les opérations des maréchaux commandant les divers corps d'armée amenait des pertes fréquentes

en hommes, en munitions et en chevaux. La solde et les subsistances étaient loin d'être assurées partout, et, de là, relâchement dans la discipline, exactions, pillage, et par suite, redoublement d'exaspération parmi la population qui se vengeait avec une abominable férocité chaque fois qu'elle en trouvait l'occasion. Aussi les récits qu'on en faisait en France, exagérés encore en raison de l'éloignement où l'on était des lieux où se passaient les choses, présentaient-ils cette guerre d'Espagne sous les couleurs les plus sombres!

Peu de jours après mon retour en Normandie, j'appris que les régiments de cavalerie, qui étaient à six escadrons, venaient d'être réduits à cinq, et quinze jours plus tard, par suite d'une injustice flagrante, je` reçus l'ordre de rejoindre, sans délai, le 13e régiment de cuirassiers faisant partie du 3e corps de l'armée d'Espagne, commandée par le général Suchet. Ce corps occupait l'Aragon et la partie sud de la Catalogne. Au reçu de cet ordre, je partis pour Paris, et réclamai près du ministre de la guerre, en lui faisant observer que je n'étais pas le moins ancien des capitaines de mon régiment et que, en conséquence, on n'avait pas suivi à mon égard la règle générale, qui veut que ce soient les derniers en grade qui subissent les inconvénients d'une réduction quelconque dans le nombre des officiers de leur grade. Ma réclamation ne fut pas écoutée et j'eus, à ce sujet, une scène assez vive avec le ministre. Au moment de ma nomination comme capitaine dans le 6o de cuirassiers, ce ministre, par suite d'uné négligence dans les bureaux du prince de Neufchâtel, n'avait pas voulu reconnaître mon ancienneté dans le grade, à partir de l'époque où il m'avait été conféré par l'Empereur à la revue devant Cassel, et je n'avais pris rang que de la date de ma dernière nomination, ce qui, au lieu de me classer comme le premier capitaine du régiment, me mit

l'avant-dernier. Le dernier était M. de Brias, d'une des premières familles de Belgique. Son oncle, sénateur, obtint qu'il resterait au régiment, faveur qu'il eût été incapable de solliciter lui-même, car il avait de la délica-tesse et de l'esprit de justice.

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Pampelune. Tudella.

Le chef d'état-major du général Reille et sa maîtresse.

- Le 13e de cuirassiers.

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Le maréchal Suchet. Siége de Tortose. Le colonel d'Aigremont.

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Scarampi. Ul

- Lerida. Mora. decona. Prise de Tortose. Dacora et la Mort de César. - Le com

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Siége de Tarragone.

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mandant Robichon. Hurlaux. Prise de Tarragone. La fontaine de Cello et la comète de 1811. - Le royaume de Valence. Ineptie du général Boussard. L'assaut. Saint-Hilaire, ses amours, et son enfant. Reconnaissance sur la Guadalaviar.

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tion de Sagonte. La vieille tour des Maures et la maréchale

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Je me mis en route pour l'Espagne dans les derniers jours de septembre 1810. La désolation de ma famille fut déchirante au moment des adieux qu'elle croyait être suprêmes, et j'avoue que, malgré la contenance que j'affectai, j'étais persuadé qu'il y avait de nombreuses chances pour que ces adieux fussent réellement les derniers.

J'emmenai trois chevaux sur lesquels je comptais et mon domestique Goldfrid, Silésien, que le comte Hochberg avait donné au général d'Avenay. Il nous avait suivis en Espagne, en Italie, en Autriche; je l'avais amené en France pour lui faire payer un legs de quinze cents francs

que le général lui avait fait comme à ses autres serviteurs, et il demanda à me suivre de nouveau en Espagne. C'était un garçon robuste et intelligent; je voyageais à petites journées, seul, et faisant de tristes réflexions. Il me semblait que chaque pas que je faisais ajoutait une distance énorme à celle qui me séparait déjà de la Normandie. Dire tout ce que j'éprouvai de pénible pendant ce long trajet serait impossible! Une circonstance venait encore augmenter mes regrets d'avoir quitté mon beau 6o de cuirassiers, c'est que j'avais la plus mauvaise opinion du régiment dans lequel on m'envoyait. Je savais qu'il avait été composé de détachements pris dans tous les autres régiments de même arme, et je connaissais assez l'esprit qui présidait à la formation de ces détachements pour ne pas être convaincu qu'ils avaient été composés de tout ce que les colonels avaient pu trouver de plus mauvais en hommes et en chevaux. Or, habitué à n'avoir de contact qu'avec des troupes parfaitement tenues, disciplinées et instruites, la pensée de ne plus trouver tout cela, et d'avoir, en outre, pour camarades, des officiers avec lesquels je ne pourrais sympathiser, m'était odieuse. On ne peut se faire une juste idée du charme de la camaraderie, si on n'a pas connu celle qui naît de la communauté des dangers, des fatigues et des privations de tous genres inséparables de toute guerre sérieuse. Celle que l'on faisait en Espagne avait un caractère qui rendait encore plus nécessaire cet appui mutuel qu'on trouve dans ce qui s'appelle l'esprit de corps, esprit que les calculs de mon imagination me portaient à croire absent de mon nouveau régiment. Je me rappelais ce qu'était le 6o de cuirassiers avant le commandement du colonel d'Avenay, et il me paraissait naturel de croire que si l'union avait été difficile à établir entre les deux parties qui formaient le total de ce corps, bien d'autres obstacles devaient s'opposer à ce qu'elle existât

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