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l'entendre, ce n'était pas qu'il fût habile; mais l'ennemi s'était trompé. Rendait-il compte d'une bataille; il << n'oubliait rien, sinon que c'était lui qui l'avait gagnée. Racontait-il quel«ques-unes de ces actions qui l'avaient « rendu si célèbre; on eût dit qu'il « n'en avait été que le spectateur, et l'on doutait si c'était lui qui se trompait, ou la renommée. Revenait-il de « ces glorieuses campagnes qui ren« dront son nom immortel; il fuyait les acclamations populaires; il rougissait de ses victoires; il venait recevoir des éloges comme on vient faire « des apologies, et n'osait presque << aborder le roi, parce qu'il était obligé par respect de souffrir patiem<<ment les louanges dont Sa Majesté ne manquait jamais de l'honorer... » Il n'est peut-être point d'orateur depuis Cicéron qui ait eu l'oreille plus délicate que Fléchier je dis d'orateur; car je ne parle point des poëtes. S'aperçoit-on que notre langue, dont nous nous plaignons quelquefois, ait manqué à Fléchier? Les constructions, les mots, les sons ne se trouvent-ils pas prêts au besoin pour l'oreille, pour la

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clarté des idées, pour la couleur du style, pour la chaleur et la vivacité du sentiment? Il s'agit ici d'action: partout les verbes sont à la tête des phrases, Remportait-il, Rendait-il, Racontait-il, Revenait-il. La répétition même de la lettre R, à laquelle on ne prend point garde, a son effet pour la force de la prononciation, parce qu'elle est ferme et retentissante. A l'entendre, etc. Le style de cette réponse a la simplicité du familier; c'est M. de Turenne luimême qui parle. La seconde est un peu plus relevée, parce que l'orateur y est de moitié avec le héros : Il n'oubliait rien, etc. La troisième appartient plus à l'orateur qu'au héros; aussi est-elle plus embellie. La quatrième est toute entière à l'orateur; on le sent bien : cependant il y a encore une certaine teinte de la modestie qui semble sortir des idées qu'on exprime, et du héros qui en est le sujet.

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« Il se cache, mais sa réputation le découvre ; il marche sans suite et sans équipage, mais chacun dans son esprit le met sur un char de triomphe. On compte, en le voyant, les enne«mis qu'il a vaincus, non pas les ser

<< viteurs qui le suivent... » Serviteurs n'a pas le même sens que domestiques, pour lequel il est employé; peut-être aussi que pas est de trop dans la même phrase. «< Il y a je ne sais quoi de noable dans cette honnête simplicité; et « moins il est superbe, plus il devient vénérable...... » Honnéte simplicité est trop faible en parlant de M. de Turenne. Superbe est trop fort: vénérable convient-il à son état?

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Douze lignes après on lit : « C'est « la destinée des grands hommes d'en «être attaqué... » Il s'agit d'une lâche et maligne passion, de l'envie. Cette phrase est louche, en ce qu'être attaqué d'une passion, c'est l'avoir dans son cœur, et non pas en être l'objet,

« Le mérite l'avait fait naître (l'en« vie), le mérite la fit mourir. » Nombres affectés; deux vers de huit syllabes. Ceux qui lui étaient moins favora

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bles... » Il fallait le moins. Ce sont là de ces taches légères dont parle Horace, qui échappent dans le feu de la composition, quas aut incuria fudit, ou quelquefois par oubli ou par faiblesse humaine, Aut humana parum cavit

natura. Il en est de même du mot mi

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sérable joint à consolation dans la même phrase, qui semble au-dessous du style de cette oraison; comme des trois de quisuivent, «< de se réjouir de quelqu'une de ses fautes; » et peut-être de l'adverbe noblement dans cette phrase, dont la Providence s'était si noblement « servi.. » Il semble que l'adverbe affaiblit l'expression plutôt que de la fortifier: il est des cas où l'on dit moins quand on veut dire plus.

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« Il arriva, ce moment heureux, ce point où se rapportait toute sa véri<table gloire. Il entrevit des piéges et des précipices que sa prévention lui avait jusqu'alors entièrement cachés. « Il commença à inarcher avec précaution et avec crainte dans ces routes égarées où il se trouvait engagé.... 11 « n'était pas encore éclairé, mais il commençait d'être docile. Combien « de fois consulta-t-il des amis savans et « fidèles? Combien de fois, soupirant après ces lumières vives et efficaces

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qui seules triomphent des erreurs de << l'esprit humain, dit-il à J. C., comme << l'aveugle de l'Evangile Seigneur, faites que je voie, etc. » Ce tableau de l'inquiétude du cœur et de la per

plexité de l'esprit est d'un genre particulier; tous les traits en sont fins, justes, profonds et nettement rendus les interrogations qui le terminent sont touchantes, et peignent très-bien le trouble et l'agitation de l'âme.

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« Habitudes, prétextes, engagemens, << honte de changer, plaisir d'être regardé comme le chef et le protecteur d'Israël, vaines et spécieuses raisons de la chair et du sang, vous ne pû«tes le retenir... » L'orateur n'a fait qu'indiquer ces idées, parce qu'elles sont communes et usées, et que cependant, étant nécessaires au sujet, elles ne pouvaient être omises entièrement. « Ici un nouvel ordre de choses se « présente à moi... » C'est le passage qui conduit à la troisième partie, et qui s'annonce de manière à renouveler l'attention de l'auditeur.

Troisième partie. «Si M. de Turenne « n'avait su que combattre et vaincre ; « s'il ne s'était élevé au-dessus des ver<«< tus humaines ; si sa valeur et sa prudence n'avaient été animées d'un

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esprit de foi et de charité, je le met<«<trais au rang des Scipions et des « Fabius. » L'orateur semble jeter ici

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