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auteurs lui en aient donné le nom.. Quelquefois les membres de la période sont composés d'autres parties qu'on appelle incises. Les incises servent à nourrir, à fortifier, à étendre la pensée Dieu tire, quand il le veut, des trésors de sa providence les grandes âmes, etc. Quand il le veut est une incise. Il suffit d'en avoir la notion: et tous les préceptes que l'on entasse sur cette partie sont une dépense à pure perte.

Il en est de même des règles qui regardent les membres de la période : c'est assez qu'on sache que, s'ils sont trop courts, ils n'auront point de consistance; que, s'ils sont trop longs, ils manqueront de mouvement; que les chutes de chaque membre doivent être accompagnées de quelque agrément, et que celle du dernier membre doit en avoir les autres; enfin que res pensées doivent y être enchâssées sans gêne, et se succéder de manière que, dans la progression, les dernières ajoutent toujours quelque chose à celles qui les précèdent.

plus que

Le style périodique a deux avantages sur le style coupé; il est plus har

monieux et il tient l'esprit en suspens. La période commencée, l'esprit de l'auditeur s'engage, et est obligé de suivre l'orateur jusqu'au point; sans quoi il perdrait le fruit de l'attention qu'il a donnée aux premiers mots. Cette suspension est très-agréable à l'auditeur; elle le tient toujours éveillé et en haleine.

Le style coupé a plus de vivacité et plus d'éclat : l'âme est frappée à coup pressé, la succession rapide des idées emporte l'auditeur, et luiôte le temps de délibérer. On emploie ces deux styles tour à tour, suivant que la matière l'exige. Selon Cicéron, c'est le style coupé qui doit être employé le plus souvent: Neque semper utendum est perpetuitate, et quasi conversione verborum; sed sæpe carpenda membris minutioribus oratio est (1). La variété, nécessaire en tout, l'est dans le discours plus qu'ailleurs : il faut se défier de la monotonie du style, et savoir passer du grave au doux, du plaisant au sévère.

(1) De Orat. III, 49.

CHAPITRE VIII.

Des autres qualités du Style. On dit que le style est pur, sain, uni,

N

serré, plein, ferme, doux, aisé, coulant, sec, lâche, dur, raboteux, etc. Serait-il inutile à ceux pour qui nous travaillons de les aider à se faire des idées justes de ces différentes qualités du style?

Il est pur, quand il n'y a ni barbarisme dans les mots, ni solécisme dans les tours; quand tout y est dit comme il doit l'être par ceux qui parlent bien; quand il est correct sans pédanterie.

Il est sain, quand il n'a ni plus ni moins que le nécessaire; quand il ressemble à ces corps biens constitués qui ne sont ni maigres ni gras, qui n'ont de chair que ce qu'il en faut pour avoir l'air de santé, et pour exercer leurs fonctions librement, aisément et long-temps. Il est uni, quand il n'a qu'une couleur, ou qu'il n'est varié des nuances que par insensibles, sans figures, sans termes, sans pensées remarquables, ou qui sem

blent sortir du texte: Intexto vestibus colore.

Il est plein et serré, quand les pensées se suivent et se touchent sans s'étendre ni se délayer, qu'elles se pressent comme pour fortifier les rangs.

Il est ferme, fort, austère, quand le fond des pensées est solide, pris dans le bon sens; que les expressions sont justes sans être polies, les tours naturels sans paraître choisis, les liaisons négligées, et plutôt dans les pensées que dans le style.

Il est dur, raboteux, lorsque les pensées ne naissent point les unes des autres, qu'elles se choquent ou s'écartent par la suppression des idées intermédiaires; que les métaphores sont dures et fréquentes; que les membres des périodes sont jetés plutôt que placés; enfin quand les nombres sont rompus trop souvent, et que l'oreille est blessée par le défaut d'harmonie.

il

Il est lâche, traînant, lourd, quand y a plus de mots qu'il n'en faut pour les pensées; quand les mêmes idées sont représentées avec des accroissemens trop peu sensibles; quand on dit ce qui pouvait être entendu sans être

dit; en un mot, quand on paraît se défier de la pénétration du lecteur.

Il est vif, au contraire, quand on ne présente que le juste nécessaire; qu'on supprime l'inutile, et qu'aux idées neuves on joint des termes inattendus.

Il est fin, quand à des idées recherchées et choisies on joint une expression simple et familière ; il est raffiné, quand à des idées ordinaires on joint une expression recherchée.

Il est enflé, quand les expressions sont plus grandes que les idées, ou les idées plus grandes que les choses.

Il est élégant, quand il dit clairement, aisément, et surtout brièvement ce qui doit être dit, avec le mot propre et le tour unique.

Il est brillant, fleuri, quand il abonde en images, en figures, en nombres aisés à remarquer, comme ceux de la gradation, de l'énumération, de la répétition, de l'antithèse, etc.

Les écrivains fameux réunissent plus ou moins de ces qualités dans leur style: il n'en est point qui les réunisse toutes et dans tous les cas, et qui ne pèche en tombant dans le défaut voisin de la qualité éminente qu'il possède, dont il

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