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INTRODUCTION.

Les finances françaises ont eu, dans leur longue existence, une étrange et mémorable destinée :

Trois fois dilapidées et ruinées par l'ambition et par les désordres de nos rois, par nos luttes et par nos discordes intestines, trois fois elles ont trouvé, à leur jour, à leur heure, une main ferme et habile pour déblayer les ruines, relever l'édifice, et l'asseoir sur des bases nouvelles.

Ces trois grandes époques de restauration des finances françaises se traduisent par trois noms

liés entre eux par une gloire et une reconnaissance communes SULLY, COLBERT et LE PREMIER CONSUL.

Comment, dans quelles circonstances, par quelles mesures nos finances se sont-elles vues tour à tour dilapidées et restaurées? Là est leur histoire tout entière: histoire qui se lie par tous les côtés à notre histoire passée et présente, monarchique et républicaine, politique et religieuse, économique et sociale; histoire qui se lie à toutes nos victoires comme à tous nos désastres; à toutes les phases comme à tous les progrès de notre administration; à toutes les conquêtes de notre industrie, de notre agriculture, de notre commerce, comme à toutes les merveilles des arts enfantées par le génie, le ciseau, le pinceau de nos maîtres; en un mot, à toutes les grandes époques qui ont illustré le nom de la France. Car, il faut le dire, et quoi qu'on en dise, les finances tiennent à tout, aident à tout, aboutissent à tout: elles sont, dans l'État, comme le sang dans les veines du corps humain; s'il circule, il porte avec lui le mouvement et la vie; s'il s'arrête, bientôt surviennent la paralysie et la mort.

La bonne organisation, la bonne tenue, la bonne situation des finances, comme la nécessité du tribut, exercent donc impérativement, partout et toujours, une action positive, salutaire et vivace sur le gouvernement du pays.

Cette action se révèle dès les premiers âges: dès les premiers âges, c'est une parole divine qui vient enseigner aux âges à venir l'obligation et la destination du tribut : Payez à César ce qui revient à César. » Cette action, cette constitution de l'ordre financier se développe et s'étend successivement avec la chute de la féodalité, avec les premiers temps du pouvoir royal : ce n'est encore assurément ni l'ordre, ni l'unité, tant s'en faut; et c'est là, précisément, ce qui jusqu'aux grands règnes, c'est-à-dire jusqu'à Henri IV et Sully, rend les premiers pas de notre organisation financière si difficiles et si ardus à surprendre, à suivre, à retracer.

Cependant, au milieu de ces obscurités, de ces alternatives continuelles d'ordre et de désordre, d'économies et de prodigalités, une sorte de

lumière se fait, la route est ouverte, et chacun s'y engage avec plus ou moins de volonté, de succès.

Aux x et x siècles, avec Philippe-Auguste, avec saint Louis et Philippe le Bel, l'action commence à prendre quelque corps. Philippe le Bel déjà, en 1324, règle son bugdet en dépenses ordinaires et extraordinaires, comme on le fait de nos jours. Ces premiers éléments d'administration financière s'accusent mieux aux XIV et xve siècles. En 1355, c'est le roi Jean II qui introduit le grand principe de l'égalité devant l'impôt; en 1372, c'est le roi Charles V qui donne à chacune des parties de son budget une attribution spéciale et mensuelle; en 1413, ce sont les célèbres ordonnances du roi Charles VI qui inaugurent la centralisation absolue du trésor public; enfin, en 1439, c'est le roi Charles VII qui, portant le premier coup à la féodalité, institue la célèbre mesure, restée organique, de la taille permanente, spécialement réservée à l'armée permanente; sages et immortelles institutions dues à l'illustre et malheureux Jacques Cœur.

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