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avec le roi, arrêta que tant que durerait l'expédition, on lèverait sur tous ceux qui ne prendraient point part à la croisade la dixième partie du revenu de tous leurs biens meubles et immeubles. Cette taxe fut appelée la taxe saladine. Elle eut peu de succès et ne dura point.

Au retour de la croisade, de nouveaux subsides étaient devenus nécessaires pour les guerres à entretenir contre l'Angleterre ; Philippe les demanda d'abord à l'Église, puis aux confiscations qu'il exerçait sur les juifs. Les juifs tenaient déjà entre leurs mains tout le commerce du pays, réalisaient des profits usuraires et considérables; il était donc juste qu'ils fussent mis à contribution. Philippe-Auguste ne les épargna point.

Grâce à toutes ces améliorations, le trésor royal se trouva bien ordonné et bien garni. En voici la preuve : A l'avénement de Philippe-Auguste, à peine si l'impôt rapportait 8,000 livres; déjà à l'époque qui nous occupe, il était évalué à plus de 72,000 livres.

Alors le trésor royal était disposé dans le temple. Sept bourgeois de Paris, choisis par le roi, le gardaient. Les recettes et les dépenses étaient consignées sur un registre par un clerc, appelé le clerc du roi. C'était un commencement de comptabilité curieux à constater. Ces documents sont à peu près les seuls qui nous soient restés sur l'administration financière de ce règne, qui d'ailleurs fut plutôt celui d'un guerrier que celui d'un administrateur proprement dit.

Le domaine royal fut augmenté d'une façon considérable par Philippe-Auguste. La Normandie, le Maine, l'Anjou, la Touraine, le Poitou, l'Artois, le

Vermandois, le Valois et une partie de l'Auvergne, furent réunis à la couronne ainsi s'affermit de plus en plus le lien monarchique qui unissait le roi, les communes et le peuple.

Philippe-Auguste reçut une preuve de cette ardente sympathie à la bataille de Bouvines. Dans cette rude mêlée, où combattirent contre nous, deux cent mille confédérés qui, d'accord avec l'Angleterre et l'empereur Othon, avaient arrêté le partage de la France, ce furent les braves milices communales qui engagèrent vaillamment l'action, et ce furent elles qui délivrèrent leur roi tombé de cheval et lui sauvèrent la vie. Le peuple et le roi ne faisaient plus qu'un : aussi les historiens du temps racontent-ils qu'au retour de Philippe-Auguste, tous, femmes, enfants, vieillards, s'étaient portés à sa rencontre, pour saluer, partout où il passait, le roi du peuple et le vainqueur de l'Angleterre. Déjà ce sentiment était dans le cœur de tous les Français, il s'y est perpétué!

D'autre part, Philippe-Auguste ne négligea rien des grands travaux qui illustrent un règne et éternisent la mémoire du fondateur : le commencement du château du Louvre, l'Hôtel-Dieu, les halles, la cathédrale sont dus à ses soins. L'université de Paris date de son règne.

Les sommes énormes laissées par lui, à sa mort, et consignées dans son testament, témoignent de son économie et de l'essor qu'il avait su imprimer à la fortune publique. D'après ce testament, PhilippeAuguste laissait à ses exécuteurs testamentaires

50,000 livres; aux deux ordres du Temple et de l'Hôpital, pour entretenir trois cents chevaliers contre les Sarrasins pendant trois campagnes, 157,000 marcs d'argent; aux pauvres de Paris, 24,000 livres; à son fils, 10,000 livres; à ses serviteurs, 2,000 livres à l'abbaye de Saint-Denis, il léguait sa croix d'or, ses pierres précieuses, à la condition que vingt moines diraient chaque jour une messe pour lui.

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Le reste de ses biens, et ils étaient considérables, devaient appartenir à son successeur.

Ainsi finit ce grand monarque, qui fonda si bien et si vaillamment l'unité de la monarchie française, au détriment de la noblesse, qui déjà se séparait de la cause nationale.

Ainsi se fit l'ordre par la puissance.

LOUIS VIII (1223). Le successeur de PhilippeAuguste, qui ne régna que trois ans, marqua ce court règne d'abord par l'adjonction au domaine royal de quatre provinces: l'Aunis, la Saintonge, le Limousin et le Périgord; puis à la tête de 200,000 hommes, il marcha contre les albigeois, s'empara d'Avignon, et rattacha à la couronne tout le midi, moins la Guyenne et Toulouse.

Il avança donc singulièrement l'avenir de l'unité nationale. Quant à son administration financière, il ne nous est rien parvenu qui nous ait révélé d'autres règlements que ceux qu'il tenait de son prédécesseur. LOUIS IX (1226). Saint Louis, arrivant au trône, avait douze ans à peine; il était sous la tutelle de sa mère, Blanche de Castille.

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Cette minorité n'arrêta point les accroissements du domaine royal, loin de là. Blanche réunit à la couronne le Languedoc et la succession du comte de Toulouse; elle fit plus, et rattachant à sa cause Thibaut, comte de Champagne, par le charme de ses attraits, elle remettait au roi, à sa majorité, les comtés de Blois, de Chartres et de Sancerre. Il faut ajouter, toutefois, que cette cession ne fut point gratuite; le comte de Champagne avait grand besoin d'argent, et il ne céda sa suzeraineté sur ces trois comtés qu'au prix de 40,000 livres tournois. C'était cher, mais rien ne paraissait trop payé pour agrandir, par tous les moyens, le domaine royal; et puis on a dit que Blanche de Castille avait des raisons pour ne point trop maltraiter le comte de Champagne; ce sont du moins les chansons du temps, que nous ne rapportons pas, qui le laissent entrevoir.

Quoi qu'il en soit, à la majorité de Louis IX, voici quelle était la situation : le royaume était agrandi, l'unité monarchique déjà mieux assise, l'indépendance de la royauté sur les seigneurs féodaux rigoureusement établie. Louis IX,qui n'avait point les qualités guerrières de Philippe Auguste, chercha surtout à consolider par les lois ce que son prédécesseur avait fondé par les armes. C'est donc le règne d'un législateur qui s'ouvre.

Toutes les institutions fondées par Louis IX sont comprises dans ce qu'on appelle ses établissements : c'est une sorte de code dans lequel sont fixées et modifiées les anciennes coutumes, et où de nouvelles lois sont promulguées.

L'organisation du parlement est l'une des plus importantes de ces fondations. Le parlement était composé de prélats et de barons auxquels aboutissaient tous les degrés de l'administration. Les finances, la justice, l'administration proprement dite, ressortissaient de cette cour suprême. Les baillis, les sénéchaux, les prévôts, les vicomtes, administraient le domaine royal, chacun dans leur ordre. La France fut alors partagée entre quatre grands bailliages: l'un, au nord, pour l'Artois et le Vermandois: chef-lieu, Amiens; l'autre, au centre, pour le Maine, l'Anjou et la Touraine : cheflieu, Sens; le troisième, pour la Bourgogne, le Forez et le Beaujolais : chef-lieu, Mâcon; le quatrième, pour l'Auvergne : chef-lieu, Saint-Pierre-le-Moustier.

Tous ces chefs-lieux ressortissaient de Paris. La Normandie et le Languedoc s'administraient séparément.

Les droits et les devoirs de ces baillis, prévôts et sénéchaux étaient tracés de la manière la plus nette dans une ordonnance de 1254, qui nous a été conservée tout entière. Les principaux points étaient ceux-ci :

<< Tout bailli, prévôt, receveur et autre officier devait jurer de n'accepter aucun présent des justiciables ou contribuables. Ils ne pouvaient acheter aucune propriété dans la circonscription de leur judicature, sans la permission du roi. Ils ne pouvaient marier leurs enfants à leurs administrés. Nulle amende ne pouvait être prononcée, sinon par les conseillers assesseurs, en jugement public. Les baillis, prévôts, ne pouvaient vendre leur charge à leur fils ou parents, ou domestiques,

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