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PRÉFACE DE LA PREMIÈRE PARTIE.

uu mal ordinaire; mais d'en dire par dessein, c'est

ce qui n'est pas supportable, et d'en dire de telles que celles-ci....

CHAPITRE Ier.

DIVERTISSEMENT.

Nous avons réuni, dans un même chapitre, sous le titre de Divertissement, divers fragments dispersés çà et là dans le MS. autographe et dont chacun se trouve précédé de ce même titre dans le MS. La plupart ont été publiés dès la première édition des Pensées, sous ce titre Misère de l'homme, mais avec des altérations considérables et des interpolations que nous avons fait disparaître, telles, par exemple, que les trois premiers paragraphes qui commençaient le chapitre de la Misère de l'homme dans les éditions, et qui sont étrangers au MS. et aux copies aussi bien qu'au style de Pascal.

Ces fragments sur le Divertissement, et quelques autres qui s'y rattachent quoiqu'ils portent dans le MS. des titres un peu différents, étaient évidemment destinés à entrer dans la Première Partie de l'Apologie du Christianisme, laquelle devait traiter de la connaissance de l'homme. Qu'est-ce en effet qui ferait mieux connaître la misère de la condition humaine que cette peinture, si profondément vraie malgré quelques exagérations de coloris, du besoin que tous les hommes éprouvent de se divertir afin de ne pas arrêter leur réflexion sur eux-mêmes?

Si nous avons placé ce chapitre le premier, c'est qu'il y est question de la condition humaine prise dans son sens le plus général. Dans les chapitres qui suivent il est question non plus de l'homme misérable en vertu de son humanité même, mais de la raison de l'homme considérée dans ses rapports, d'une part avec les causes d'erreur qui lui font la guerre, et d'une autre part avec les limites nécessaires qui bornent sa capacité de comprendre et de savoir.

P.. F.

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* Divertissement.

I. On charge les hommes, dès l'enfance, du soin de leur 217 honneur, de leur bien, de leurs amis et encore du bien et de l'honneur de leurs amis. On les accable d'affaires, de l'apprentissage des langues et des sciences, et on leur fait entendre qu'ils ne sauraient être heureux sans que leur santé, leur honneur, leur fortune et celle 74 de leurs amis, soient en bon état, et qu'une seule chose qui manque les rendrait malheureux. Ainsi on leur donne des charges et des affaires qui les font tracasser dès la pointe du jour. Voilà, direz-vous, une étrange manière de les rendre heureux. Que pourraiton faire de mieux pour les rendre malheureux ? Comment! ce qu'on pourrait faire? Il ne faudrait que leur ôter tous ces soins: car alors ils se verraient, ils penseraient à ce qu'ils sont, d'où ils viennent, où ils vont; et ainsi on ne peut trop les occuper et ·les détourner; et c'est pourquoi après leur avoir tant préparé d'affaires, s'ils ont quelque temps de relâche, on leur conseille de l'employer à se divertir, à jouer et à s'occuper toujours tout entiers '.

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* Divertissement.

II. Quand je m'y suis mis quelquefois à considérer 139

Ici en marge : d'ordure.

Que le cœur de l'homme est creux et plein

les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s'exposent, dans la cour, dans la guerre, d'où naissent tant de querelles, de passions, d'entreprises hardies et souvent mauvaises, j'ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s'il savait demeurer chez soi avec plaisir, n'en sortirait pas pour aller sur la mer, ou au siége d'une place. * On n'achètera une charge à l'armée si cher, que parce qu'on trouvera insupportable de ne bouger de la ville; et on ne recherche la conversation et les divertissements des jeux que parce qu'on ne peut demeurer chez soi avec plaisir.

74 Mais quand j'ai pensé de plus près et qu'après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j'ai voulu en découvrir la raison, j'ai trouvé qu'il y en a une bien effective qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près.

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Quelque condition qu'on se figure, si l'on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde et cependant qu'on s'imagine un roi' accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher, s'il est sans divertissement et qu'on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu'il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point, il tombera par nécessité dans les vues

Les mots un roi manquent dans le MS.

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