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donné des remèdes à vos maux, puisqu'ils ne les ont pas seulement connus? Vos maladies principales sont l'orgueil, qui vous soustrait de Dieu, la concupiscence, qui vous attache à la terre; et ils n'ont fait autre chose qu'entretenir au moins l'une de ses maladies. S'ils vous ont donné Dieu pour objet, ce n'a été que pour exercer votre superbe. Ils vous ont fait penser que vous lui étiez semblables et conformes par votre nature. Et ceux qui ont vu la vanité de cette prétention vous ont jeté dans l'autre précipice, en vous faisant entendre que 322 votre nature était pareille à celle des bêtes, et vous ont porté à chercher votre bien dans les concupiscences qui sont le partage des animaux.

Ce n'est pas là le moyen de vous guérir de vos injustices que ces sages n'ont point connues.

seule vous faire entendre que vous êtes, et '....

Je puis

- Je ne demande pas de vous une créance aveugle. (Barré.)

*Adam. J. C.

-Si on vous unit à Dieu, c'est par gràce, non par

nature.

-Si on vous abaisse, c'est par pénitence, non par

nature.

- * Ainsi cette double capacité........

* Vous n'êtes pas dans l'état de votre création. -Ces deux états étant ouverts, il est impossible que vous ne les reconnaissiez pas.

Suivez vos mouvements, observez-vous vous-mêmes,

Pascal a interrompu le développement de sa pensée en cet endroit pour tracer les notes à demi ébauchées qui suivent.

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et voyez

si vous n'y trouverez par les caractères vivants

de ces deux natures.

-Tant de contradictions se trouveraient-elles dans un sujet simple?

.

2

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Tout ce qui est incompréhensible ne laisse pas 325 d'être le nombre infini; un espace infini égal au fini.

:

3

Incroyable que Dieu s'unisse à nous 3. - Cette considération n'est tirée que de la vue de notre bassesse. Mais si vous l'avez bien sincère, suivez-la aussi loin que moi, et reconnaissez que nous sommes en effet si bas, que nous sommes par nous-mêmes incapables de connaître si sa miséricorde ne peut pas nous 225† rendre capables de lui. Car je voudrais savoir d'où cet animal, qui se reconnaît si faible, a le droit de mesurer la miséricorde de Dieu, et d'y mettre les bornes que sa fantaisie lui suggère. Il sait si peu ce que c'est que Dieu, qu'il ne sait pas ce qu'il est lui-même; et, tout troublé de la vue de son propre état, il ose dire que Dieu ne peut pas le rendre capable de sa communication! Mais je voudrais lui demander si Dieu demande autre chose de lui, sinon qu'il l'aime en le connaissant; et pourquoi il croit que Dieu ne peut se rendre connaissable et aimable à lui, puisqu'il est naturellement

'Le mot incompréhensible résume évidemment une objec

tion.

Cette proposition se retrouve isolément jetée page 47 du MS. autog.

'Même observation pour cette phrase: « incroyable que Dieu s'unisse à nous, » que pour le mot incompréhensible. »

capable d'amour et de connaissance. Il est sans doute qu'il connaît au moins qu'il est, et qu'il aime quelque chose. Donc s'il voit quelque chose dans les ténèbres où il est et s'il trouve quelque sujet d'amour parmi les choses de la terre, pourquoi, si Dieu lui donne quelques rayons de son essence, ne sera-t-il pas capable de le connaître et de l'aimer en la manière qu'il lui plaira se communiquer à nous? Il y a donc sans doute une présomption insupportable dans ces sortes de raisonnements, quoiqu'ils paraissent fondés sur une humilité apparente, qui n'est ni sincère, ni raisonnable, si elle ne nous fait confesser que ne sachant de nous-mêmes qui nous sommes nous ne pouvons l'apprendre que de Dieu.

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290 Je n'entends pas que vous soumettiez votre créance à moi sans raison, et ne prétends pas vous assujettir avec tyrannie. Je ne prétends pas aussi vous rendre raison de toutes choses; et pour accorder ces contrariétés j'entends vous faire voir clairement, par des preuves convaincantes, des marques divines en moi, qui vous convainquent de ce que je suis et m'attirent autorité par des merveilles et des preuves que vous ne puissiez refuser; et qu'ensuite vous croyiez sûrement les choses que je vous enseigne, quand vous n'y trouverez autre sujet de les refuser, sinon que vous ne pouvez par vous-mêmes connaître si elles sont

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ou non.

Dieu a voulu racheter les hommes, et ouvrir le salut 526 à ceux qui le chercheraient. Mais les hommes s'en rendent si indignes, qu'il est juste que Dieu refuse à quelques-uns, à cause de leur endurcissement, ce qu'il

accorde aux autres par une miséricorde qui ne leur est pas due. S'il eût voulu surmonter l'obstination des plus endurcis, il l'eût pu en se découvrant si manifestement à eux qu'ils n'eussent pu douter de la vérité de son essence, comme il paraîtra au dernier jour, avec un tel éclat de foudres et un tel renversement de la nature que les morts ressucités et les plus aveugles le verront.

Ce n'est pas en cette sorte qu'il a voulu paraître dans son avénement de douceur; parce que tant d'hommes se rendant indignes de sa clémence, il a voulu les laisser dans la privation du bien qu'ils ne veulent pas'. Il n'était donc pas juste qu'il parût d'une manière manifestement divine et absolument capable de convaincre tous les hommes; mais il n'était pas juste aussi qu'il vînt d'une manière si cachée, qu'il ne pût être reconnu de ceux qui le chercheraient sincèrement. Il a voulu se rendre parfaitement connaissable à ceux-là; et ainsi, voulant paraître à découvert à ceux qui le cherchent de tout leur cœur et caché à ceux qui le fuient de tout leur cœur, il 2 tempère sa connaissance 57 en sorte qu'il a donné des marques de soi visibles à ceux qui le cherchent, et obscures à ceux qui ne le cherchent pas.

Il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir, et assez d'obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire.

'D'abord : qu'ils ne veulent pas rechercher. »

2 La fin de l'alinéa depuis tempère est sur une petite feuille, page 57, en tête de laquelle on lit à P. R. pour demain. 2.

XVII.* A P. R. '. Commencement après avoir expliqué l'incompréhensibilité.

176 Les grandeurs et les misères de l'homme sont telle-347 ment visibles, qu'il faut nécessairement que la véritable religion nous enseigne et qu'il y a quelque grand principe de grandeur en l'homme et qu'il y a un grand principe de misère.

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Il faut donc qu'elle nous rende raison de ces étonnantes contrariétés.

Il faut que pour rendre l'homme heureux elle lui montre qu'il y a un Dieu; qu'on est obligé de l'aimer; que notre vraie félicité est d'être en lui, et notre unique mal d'être séparé de lui; qu'elle reconnaisse que nous sommes pleins de ténèbres qui nous empêchent de le connaître et de l'aimer; et qu'ainsi nos devoirs nous obligeant d'aimer Dieu, et nos concupiscences nous en détournant, nous sommes pleins d'injustice. Il faut qu'elle nous rende raison de ces oppositions que nous avons à Dieu et à notre propre bien; il faut qu'elle nous enseigne les remèdes à ces impuissances et les moyens d'obtenir ces remèdes. Qu'on examine

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A. P. R. signifie sans doute 4 Port-Royal. Cette indication, qui se retrouve encore sur deux autres fragments, pourrait faire supposer que les solitaires avaient entre eux des conférences où cha cun prenait la parole sur un sujet donné de religion ou de philosophie morale, et que Pascal avait écrit ces pages pour une de ces conférences. Ne serait-ce pas une partie du discours dans lequel il développa un jour, à la prière de quelques amis, le plan de son grand ouvrage? Étienne Perier et Dubois de Lacour, qui nous ont conservé l'analyse de ce discours, nous apprennent que Pascal, dans cette occasion, parla pendant trois heures avec une éloquence admirable.

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