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contraire à Dieu, à la raison et à la nature tout ensemble.

Les uns le cherchent dans l'autorité, les autres dans les curiosités et dans les sciences, les autres dans les voluptés.

D'autres qui en ont en effet plus approché ont considéré qu'il est nécessaire que le bien universel que tous les hommes désirent ne soit dans aucune des choses particulières qui ne peuvent être possédées que par un seul, et qui étant partagées affligent plus leur possesseur, par le manque de la partie qu'il n'a pas, qu'elles ne le contentent par la jouissance de celle qui lui appartient. Ils ont compris que le vrai bien devait être tel que tous pussent le posséder à la fois sans diminution et sans envie, et que personne ne le pût perdre contre son gré.

Et leur raison est que ce désir étant naturel à l'homme, puisqu'il est nécessairement dans tous, et qu'il ne peut pas ne le pas avoir, ils en concluent... 2.

* II. 3 Mais peut-être que ce sujet passe la portée de la 70 raison examinons donc ses inventions sur les choses

D'abord : « la grandeur. »

'Phrase interrompue; la suite ne se retrouve ni dans le MS. ni dans les copies.

3

--

Ce fragment n'est évidemment qu'une suite. Le commencement ne se retrouve ni dans le MS., ni dans la copie. - Du reste ce fragment et celui qui suit semblent n'être, quant au fond, que la reproduction de quelques passages du chap. de Montaigne: Apologie de Raymond de Sebonde. Les nombres qui s'y trouvent cités indiquent sans doute des pages des Essais.

de sa force. S'il y a quelque chose où son intérêt propre ait dû la faire appliquer de son plus sérieux, c'est à la recherche de son souverain bien. Voyons donc où ces âmes fortes et clairvoyantes l'ont placé, et si elles en sont d'accord. (Barré.)

* L'un dit que le souverain bien est en la vertu, l'autre le met en la volupté; l'un en la science de la nature, l'autre en la vérité Felix qui potuit rerum cognoscere causas; l'autre en l'ignorance totale; l'autre en l'indolence; d'autres à résister aux apparences; l'autre à n'admirer rien nihil mirari propè res una quæ possit facere et servare beatum ; et les pyrrhoniens en leur ataraxie, doute et suspension perpétuelle, et d'autres plus sages pensent trouver un peu mieux. Nous voilà bien payés. (Barré.)

*Transposer

Si faut-il voir, si cette belle philosophie n'a rien acquis de certain par un travail si long et si tendu, peut-être qu'au moins l'âme se connaîtra soi-même. Écoutons les régents du monde sur ce sujet. Qu'ont-ils

après les pensé de sa substance? (Barré.)

lois,

article

suivant.

395.

Ont-ils été plus heureux à la loger?

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Qu'ont-ils trouvé de son origine, de sa durée et de son départ? (Barré.)

399.

Montaigne, liv. II. ch. x11 : « Les uns disent nostre bien estre « loger en la vertu; d'autres en la volupté; d'autres au consentir à <«< nature; qui en la science; qui à n'avoir point de douleur; qui à

III. Est-ce donc que l'âme est encore un sujet trop 366 noble pour ses faibles lumières. Abaissons-la donc à la matière; voyons si elle sait de quoi est fait le propre corps qu'elle anime et les autres qu'elle contrepèse et qu'elle remue à son grẻ. Qu'en ont-ils connu ces grands dogmatistes qui n'ignorent rien? (Barré.)

393.

Harum sententiarum '. (Barré.)

* Cela suffirait sans doute si la raison était raisonnable. Elle l'est bien assez pour avouer qu'elle n'a pu encore trouver rien de ferme; mais elle ne désespère pas encore d'y arriver; au contraire elle est aussi ardente que jamais dans cette recherche et suppose d'avoir en soi les forces nécessaires pour cette conquête. Il faut donc l'achever, et après avoir examiné ses puissances dans leurs effets, reconnaissons-les en elles-mêmes; voyons si elle a quelques forces et quelques prises capables de saisir la vérité. (Barré.)

<< ne se laisser emporter aux apparences; et à cette fantaisie semble << retirer cette autre de l'ancien Pythagoras:

«Nil admirari proprè res una, Numici

« Solaque quæ possit facere et servare beatum (a),

« qui est la fin de la secte pyrrhonienne. »

'C'est le commencement d'une citation prise dans ce passage de Montaigne : « II (Aristote) ne parle ni de l'essence, ni de l'origine, << ni de la nature de l'âme ; mais en remarque seulement l'effet. Lac<< tance, Sénèque et la meilleure part entre les dogmatistes, ont con«fessé que c'estoit chose qu'ils n'entendoient pas. Et après tout ce « dénombrement d'opinions : « Harum sententiarum quæ vera sit « Deus aliquis viderit, dit Cicero. »

(a) Horace, liv. I. Epist. 6.

92

IV. Sur quoi fondera-t-il l'économie du monde qu'il 69 veut gouverner? Sera-ce sur le caprice de chaque particulier? Quelle confusion! Sera-ce sur la justice? Il l'ignore.

Certainement s'il la connaissait, il n'aurait pas établi cette maxime, la plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes que chacun suive les mœurs de son pays. L'éclat de la véritable équité aurait assujetti tous les peuples, et les législateurs n'auraient pas pris pour modèle, au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les caprices des Perses et Allemands. On la verrait plantée par tous les États du monde et dans tous les temps, au lieu qu'on ne voit 60 presque rien de juste ou d'injuste qui ne change de qualité en changeant de climat. Trois degrés d'élévation du pôle renversent toute la jurisprudence. Un méridien décide de la vérité; en peu d'années de possession, les lois fondamentales changent; le droit a ses époques. L'entrée de Saturne au Lion nous marque l'origine d'un tel crime. Plaisante justice qu'une rivière borne 1! Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà.

*Ils confessent que la justice n'est pas dans ces coutumes, mais qu'elle réside dans les lois naturelles connues en tout pays. Certainement ils la soutiendraient opiniâtrément, si la témérité du hasard qui a

D'abord "... que le trajet d'une rivière rend crime! » C'étaient les expressions mêmes de Montaigne qui a dit, liv. II. ch. xII: « Quelle «bonté est-ce, que je voyais hier en crédit et demain ne l'estre plus, «et que le traject d'une rivière fait crime? Quelle vérité est-ce que << ces montagues bornent, mensonge au monde qui se tient au delà? >>

semé les lois humaines, † en avait rencontré au moins 365 + une qui fût universelle; mais la plaisanterie est telle, que le caprice des hommes s'est si bien diversifié, qu'il n'y en a point.

61 Le larcin, l'inceste, le meurtre des enfants et des pères, tout a eu sa place entre les actions vertueuses. Se peut-il rien de plus plaisant qu'un homme ait droit de me tuer parce qu'il demeure au delà de l'eau, et que son prince a querelle contre le mien, quoique je n'en aie aucune avec lui?

Il y a sans doute des lois naturelles; mais cette belle raison corrompue a tout corrompu Nihil amplius nostrum est; quod nostrum dicimus, artis est; ex senatus-consultis et plebiscitis crimina exercentur; ut olim vitiis, sic nunc legibus laboramus '.

De cette confusion arrive que l'un dit que l'essence de la justice est l'autorité du législateur; l'autre, la commodité du souverain; l'autre, lá coutume présente, et c'est le plus sûr : rien, suivant la seule raison, n'est juste de soi; tout branle avec le temps. La coutume fait toute l'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue; c'est le fondement mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe, l'anéantit. Rien n'est si fautif que ces lois qui redressent les fautes; qui leur obéit, parce qu'elles sont justes, obéit à la justice

'Montaigne, liv. II, ch. xII : « Il est croyable qu'il y a des lois na«<turelles, comme il se voit és autres créatures: mais en nous elles << sont perdues, cette belle raison humaine s'ingérant partout de mais<< triser et commander, brouillant et confondant le visage des choses, << selon sa vanité et inconstance. Nihil itaque amplius nostrum est : « quod nostrum dico artis est. »

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