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* Malheureux, connois ton erreur :
Cet ennui que tu fuis eft au fond de ton cœur;.
Tu ne faurois le fuir, qu'en te fuiant toi-même;
Change de lieu, fi tu veux, tous les jours,
Cours la terre & la mer dans ton chagrin extrême,
Ton ennui te fuivra toûjours.

En vain pour excuser ton bizarre caprice,
Tu veux injustement en accufer les lieux;
Il n'en eft point pour toi qui ne foit ennuïeux;..
Ton pauvre efprit a la jauniffe,

Et tout paroît jaune à ses yeux:
Le repos que tu te propofes

Ne s'acquiert point à force de courir.
Apprens, apprens à te fouffrir

Par là l'on vient à bout de fouffrir toutes chofes...
Certes nôtre plus grand malheur,
Et ce qui met toûjours nôtre efprit à la gêne,
C'eft que nous ne faurions fans peine
Voir le dedans de nôtre cœur.

Ileft toûjours rempli d'efperances déçûës,
De haines, de foupçons, & d'amours mal reçûës,
D'impoffibles défirs qui n'ont jamais d'effet,
Et de cent faux chagrins que foi-même on se fait.
Nous ne pouvons fouffrir cet objet qui nous tuë;
En vain, pour s'y contraindre, on fait quelques efforts,
Nôtre efprit, malgré nous, fe répand au dehors,
Et fur d'autres objets cherche à porter fa vûë,
De là viennent ces jeux, ces divertiffemens,
Que tout le monde cherche avec des foins extrêmes,
Et qui ne font au fond que des amusemens,.
Dont tous les divers changemens

Savent nous empêcher de penfer à nous mêmes.
C'eft vainement que par cet artifice,

On croit fe délivrer de ces maux odieux:

Il

peut bien pour un tems les cacher à nos yeux, Mais n'attens pas qu'il les gueriffe.

Souvent même, fouvent au milieu des plaifirs, Quand on se croit heureux, qu'on n'a plus de défirs,

MR. DU TROUSSET.

Par

Bar un trifte retour, on trouve fon fupplice;
Cet ennui que la joie avoit fù nous couvrir,
Revient empoifonner la douceur la plus pure,
Et fait paier avec ufure

Le tems qu'il a paffe fans nous faire fouffrir.
Heureux qui peut choisir une régle fidéle,
Qui tient tous les défirs à la raison foûmis,
Et ne faifant rien que par elle,

Ne veut rien qui ne foit & poffible & permis.
Toûjours d'accord ayec foi-même,
Toûjours dans un repos extrême,

Il fe tient dans la place où fon deftin l'a mis,
Il ne formę jamais de deffein ridicule.

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Le Nain n'affecte point de paroître un Hercule,
Le bourgeois ne veut point faire le grand Seigneur,
Ni fans avoir rien lû, s'ériger en Docteur:
Pour lui chaque païs eft un fejour tranquille,
Aux champs il veut les champs, à la ville la ville

On ne fauroit vivre heureux dans l'oisiveté.

*. Je ne trouvai jamais de fatigue fi rude,
Que l'ennuieux loifir d'un mortel sans étude,
Qui, jamais ne fortant de fa ftupidité,
Soûtient dans les langueurs de fon oifiveté,
D'une lâche indolence efclave volontaire,
Le penible fardeau de n'avoir rien à faire.
Vainement offufqué de fes pensers épais
Loin du trouble, & du bruit il croit trouver la paix,
Dans le calme odieux de fa fombre pareffe,
Tous les honteux plaifirs enfans de la molleffe,
Ufurpant fur fon ame un abfolu pouvoir,
De monftrueux défirs le viennent émouvoir,
Irritent de fes fens la fureur endormie,
Et le font le jouët de leur trifte infamie.
Puis fur leurs pas foudain arrivent les remords:
Et bien-tôt avec eux les fleaux de nôtre corps,

MR. DESPREAUX

La

La Pierre, la Colique, & les Goutes cruelles, Guenaud, Rainffant, Brayer presque aussi tristes.

qu'elles,

*

Chez l'indigne mortel courent tous s'affembler,
De travaux douloureux le viennent accabler,
Sur le duvet d'un lit théatre de fes gênes,

Lui font fcier des rocs, lui font fendre des chênes. * Ce font trois Médecins.

Les caracteres des trois principaux étars de l'homme pen-dant fa vie.

Le tems qui change tout, change auffi nos humeurs;
Chaque âge a fes plaifirs, fon efprit & fes mœurs..
Un jeune homme toûjours bouillant dans fes caprices
Eft promt à recevoir l'impreffion des vices,
Eft vain dans fes difcours, volage en fes défirs,
Retif à la cenfure, & fou dans les plaifirs.
L'âge viril plus mûr, infpire un air plus fage,
Se pouffe auprès des Grands, s'intrigue, feménage,
Contre les coups du fort fonge fe maintenir,
Et loin dans le préfent regarde l'avenir.

La vieilleffe chagrine inceffamment amaffe,
Garde, non pas pour foi, les tréfors qu'elle entaffe,
Marche en tous fes deffeins d'un pas lent & glacé,
Toujours plaint le prefent, & vante le paffé,
Inhabile aux plaifirs dont la jeuneffe abuse,
Elâme en eux les douceurs que l'âge lui refuse.

* MR. DESPREAUX.

LA

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LA MOR T.

La Mort n'épargne perfonne, & confond les grands & les petits.

N

'STAN CE S.

'Efperons plus, mon ame, aux promeffes
du monde :

Sa lumiere eft un verre, & fa faveur une onde,
Que toûjours quelque vent empêche de calmer.
Quittons ces vanitez, laffons-nous de les fuivre :
C'eft Dieu qui nous fait vivre,
C'eft Dieu qu'il faut aimer..

En vain, pour fatisfaire à nos lâches envies,
Nous paffons près des Rois tout le tems de nos vies.
A fouffrir des mépris, & ploïer les genoux.

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Ce qu'ils peuvent n'est rien ils font comme nous, fommes,

Veritablement hommes,

Et meurent comme nous.

Ont-ils rendu l'efprit, ce n'eft plus que pouffiere
Que cette Majefte fi pompeufe & fi fiere,
Dont l'éclat orgueilleux Stonnoit l'Uuivers:
Et dans ces grands tombeaux, où leurs ames hau

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Là fe perdent ces noms de Maîtres de la Terre,
D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre.
Comme ils n'ont plus de fceptre, ils n'ont plus de
Alateurs:

Et tombent avec eux, d'une chûte commune,.
Tous ceux que leur fortune-
Faifoit leurs ferviteurs..

MADRIGAL

Je fongeois cette nuit, que de mal confumé,, Côte à côte d'un pauvre on m'avoit inhumé, Et que n'en pouvant pas fouffrir le voifinage,. En imort de qualité je lui tins ce langage: Retire toi, Coquin, va pourrir loin d'ici: Il ne t'appartient pas de m'approcher ainfi. Coquin, ce me dit-il, d'une arrogance extrême: Va chercher tes coquins ailleurs, coquin toi-même: Ici tous font égaux; je ne te dois plus rien: Jelfitie fil

fmon fumier, comme toi fur le tien.

* PATRIS.

† On a beau s'afliger, chacun de nous eft homme,
On n'a point pour la mort de difpenfe de Rome:
Toûjours, fans dire gare, elle abat les humains,
Et contre eux de tout tems a de mauvais desseins,
Ce fuperbe animal pour toutes les prieres
Ne perdroit pas un coup de fes dents meurtrieres.

Les neuf filles de Jupiter,

Qui favent tant d'autres merveilles,
Avecque leurs voix nompareilles,
N'ont pas l'art de reffufciter:

La mort ne les peut écouter,
Car la cruelle eft fans oreilles :
Dès le vieux tems qu'Orphée harpa,.
Si doucement qu'il l'attrappa,

† MOLIERE. ‡ VOITURE au Prince de Condé,

It..

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